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cieux que la description sommaire de Baillon (1) indique ces fleurs comme inconnues, et, depuis, elles n'ont pas été décrites, que je sache.

Mon correspondant n'hésite pas à caractériser la haute toxicité de cet arbre, en affirmant que c'est le plus violent poison des Sakalaves. Voici, en effet, ce qu'il m'en écrit : « Toutes les << parties de cette plante sont vénéneuses. Les indigènes vont « jusqu'à prétendre que l'odeur de ce végétal et la fumée qu'il << répand par combustion sont nuisibles. D'après eux aussi, les << troupeaux qui boivent l'eau dans laquelle ont macéré des << feuilles sèches, ont leurs excréments sanguinolents. L'écorce

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FIG. 1. Rameau d'Erythrophlæum Couminga Baillon.

<< est la partie employée, soit comme poison, soit comme médi<«<cament. Une très petite dose suffit pour tuer un chien de (1) Adansonia, t. X. 1871, p. 103.

« moyenne taille en quelques minutes. Les symptômes princi«<paux de cet empoisonnement sont des vomissements glaireux << et gazeux et des selles sanguinolentes et muqueuses. J'ai ren<«contré un seul indigène qui m'a entretenu de l'emploi du << Kimanga comme remède malgache, bien qu'avec hésitation. « C'est, d'ailleurs, un sorcier. Il prétend qu'on peut employer le «Kimanga, à dose très légère, comme vomitif, mais que, si la << dose est trop forte, le patient meurt infailliblement. Par «< ailleurs, je n'ai jamais entendu dire qu'on employât cette plante comme remède, sauf en décoction de l'écorce contre « les plaies ulcéreuses, que ce remède guérit, paraît-il, faci«<lement. Les indigènes manifestent, au contraire, une telle << crainte des propriétés toxiques de cet arbre qu'ils en abattent << les pieds croissant aux environs de leurs villages. J'ai éprouvé, personnellement, de violents maux de tête en maniant des « écorces fraîches et des feuilles fermentées. >>

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Le R. Dursap dit de son côté :

« J'ai moi-même goûté une petite parcelle de cette écorce << toxique. Elle a un goût amer. Immédiatement après mastica<<tion et déglutition de la salive, j'ai ressenti les effets de ce poison, qui se traduisirent par des troubles de la vue, du ver<«<tige, de l'hébétude et une sudation générale. »>

Les croyances superstitieuses qui ont cours sur ce végétal, parmi les Malgaches, sont toutes empreintes de ce grand fait que la toxité en est sans limite. Avant de prendre cette écorce, les empiriques malgaches offrent un coq rouge en sacrifice, lancent sept fois leur sagaie ou déchargent une arquebuse contre l'arbre et n'en prennent l'écorce que du côté du levant. L'empirique Rainilambo, qui jouit d'une grande réputation dans le traitement des maladies graves, fait, d'après le Rév. Dursap, du Komanga une véritable panacée universelle contre toutes les affections. Il râpe très peu d'écorce sur une pierre, y ajoute du piment écrasé, un peu d'eau et fait boire le tout aux malades. Les empiriques Betsiléo vont recueillir leur Komanga dans une ville située à l'ouest : c'est Ambohinamboarina.

DESCRIPTION. Arbre de 60 pieds de haut (20 à 30 mètres), glabre dans toutes ses parties, à tronc très droit de 40 à 70 centimètres de diamètre ; rameaux subdressés ou étalés, ronds, à écorce brunâtre crevassée, couverts de lenticelles jaune ferrugineux. Feuilles alternes, grandes de 30 centimètres (fig. 1), bipinnées, à pinnules opposées, à folioles alternes courtement pétiolées (3 à 5 millimètres), également ou inégalement ovales (6 centimètres de longueur sur 2 1/2 à 3 centimètres de

largeur), à base arrondie égale ou inégale, courtement acuminées et un peu obtuses au sommet, entières, un peu coriaces et à nervures pennées, nombreuses, fines, n'atteignant pas le bord de la foliole, plus marquées à la face supérieure qu'à la face inférieure. Les fleurs sont restées inconnues jusqu'ici. On trouve, il est vrai, sous le nom d'Erythrophlæum Couminga Afz. (1), une description de la plante comportant avec détail celle de la fleur. Mais elle ne répond pas à la réalité. Elle est attribuée du reste à un arbuste dont le fruit serait inconnu, ce 'qui n'est pas ici le cas, et qui habiterait bien cependant, comme l'espèce de Baillon, les Seychelles et Madagascar. Il y a là certainement une grosse confusion que je ne m'explique pas et contre laquelle je tiens à mettre en garde les lecteurs qui auraient à consulter ce passage. Ce que nous savons maintenant, c'est que les inflorescences rappellent, sauf la coloration des fleurs, celles de l'Erythrophlæum Guineense. Ces fleurs hermaphrodites, disposées en assez longs épis, sont très courtement pédonculées, chaque fleur et chaque inflorescence étant pourvue d'une bractée basillaire; leur couleur est vert foncé à la base du calice et d'un vert plus clair au sommet; les pétales sont vert d'eau; les sépales et les pétales sont fortement velues sur leurs bords (longs poils unicellulaires); l'ovaire, stipité et porté sur un assez long support, est fortement velu; les étamines saillantes, au nombre de 10, ont leur sfilets glabres et leurs anthères ovales, échancrées en cœur à la base et dorsifixes. Quelques rares fleurs paraissent ne pas avoir d'organe femelle, ce qui indique, sur la même inflorescence, un état polygame, très discret s'il existe réellement. L'ovaire contient un très petit nombre d'ovules. Fort peu de fleurs développent, sur la même inflorescence, un fruit à maturité.

Le fruit est un gros légume, ligneux (voir figure 2), de couleur brun chocolat à l'extérieur et recouvert en entier d'un réseau très apparent et très saillant par places, d'une nervation dont les principales branches émergent très proéminentes du cadre épais qui borde la gousse et vont, en se ramifiant, se rejoindre et s'anastomoser largement sur les deux faces aplaties du fruit. Celui-ci est très longuement pédonculé, oblong inégal, très atténué à la base, très obtus et arrondi inégal oblong, avec un sommet pourvu d'une pointe mousse à peine visible, ou bien atténué aux deux extrémités et pointu au sommet. Il mesure, dans le premier état (fig. 1), de 16 à 20 centimètres de longueur, dans le second (fig. 3D), seulement 10 à 11 centimètres et de 4 à 6 centimètres de largeur; dans ce dernier cas, il ne renferme qu'une seule graine; dans le premier, il en renferme 3 à 4, et alors il présente un ou plusieurs étranglements entre les graines (fig. 2). A l'intérieur, cette gousse est de couleur blanc jaunâtre avec proéminences plucheuses (fig. 3, D) sur les bords circulaires et élevés qui entourent la graîne. Celle-ci est placée elle-même au

(1) Plantes médicinales, indigènes, et exotiques de DUJARDIN-BEaumetz et EGASSE, (Paris, Doin, 1889, p. 271). Il n'existe pas, dans ce genre, d'espèce due à Afzelius.

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fond d'une dépression en verre de montre, sur laquelle se moule, sur chaque face interne de la gousse, ladite graine. A maturité, elle est orbicolaire comprimée, mesurant de 2 à 3 centimètres de diamètre, glabre, de couleur brun chocolat à l'extérieur et appendue au placenta par un long funicule épais (fig. 3, D). Le spermoderme, épais et appliqué contre un endosperme assez développé, est cartilagineux et devient mucilagineux par macération dans l'eau.

Les cotylédons de l'embryon (fig. 3, B, C) sont verdâtres,suborbiculaires émarginés, épais, pourvus de nervations apparentes sur l'une et l'autre face et enserrant par leur base, sans la recouvrir, une radicule droite. Ils sont charnus et à saveur de légumine crue. Le spermoderme présente la même constitution anatomique qu'on rencontre dans les graines d'un grand nombre de légumineuses, notamment dans le Lupin, le Jéquirity, le Bonduc, la Fève de Calabar (Physostygma venenosum Balf.), le Gleditschia triacanthos Lou Fèvier, et enfin l'Erythrophlæum Guineense, G. Don., etc., etc. On y trouve, à l'extérieur, une couche de cellules très allongées et à parois épaisses, dont la

FIG. 2.

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Gousse bien développée d'Erythrophlæum Couminga Baillon (Grandeur naturelle).

face externe, très développée, se gélifie facilement et donne une gomme abondante et gélatineuse, qui se gonfle lorsqu'on fait macérer ces graines dans l'eau ; le même phénomène a été observé dans la graine du Téli (1), mais, dans la graine de Komanga, la quantité de gomme insoluble produite par la macération est beaucoup plus abondante. Au-dessous de cette couche externe de cellules en forme d'I, est une couche de larges cellules en sablier, à parois épaisses, et enfin une zone scléreuse formée

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FIG. 3.

A, graine entière d'Erythrophlæum Couminga; B, cotylédons vus par leur face externe avec leur radicule encastrée; C, cotylédons subfoliacés, vus par leur face interne; D, gousse ouverte à une seule graine (grandeur naturelle).

(1) Baillon dit à ce sujet (Adansonia, t. VI, 1865-1866, p. 203-204): « Il y << a longtemps que les graines d'Erythrophlæum Guineense G. Don. sont con«nues comme présentant deux particularités remarquables: un albumen assez épais, analogue à celui des Gleditschia, et une couche superficielle pulpeuse et « gommeuse, dont la saveur est douceâtre et qui prend une grande épaisseur <«< quand on laisse tremper ces semences dans l'eau. » J'ajoute que la structure anatomique est absolument la même dans E. Guineense et E. Couminga.

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