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princes géorgiens purent émettre leur monnaie propre. Voici la série chronologique des types étrangers :

a. Imitations des types sassanides, à partir de la fin du vi° siècle de notre ère, empruntées à Hormisdas IV, Vaharan V, par les Eristhaws Gourgen, Wakhtang, et par les Bagratides Gouaram, Stephanos Ier; elles sont semblables aux bilingues des gouverneurs de la Perside, seulement ici les noms des princes régnants sont inscrits à l'avers en caractères géorgiens.

b. Invasion musulmane de la fin du vu° siècle et introduction des monnaies ommeïades, plus tard abbassides, jusqu'à la réapparition de la monnaie bagratide, à la fin du Xe siècle.

Durant ce long intervalle, le seul indice à nous connu d'une monnaie émise par un prince géorgien, est le précieux dirhem découvert par le général Bartholomæi, et attribué par lui à Bagrat Io, que M. V. Langlois vient de publier dans la Revue belge, en l'attribuant à Bagrat III. C'est un bilingue arabe et géorgien dont le caractère est évidemment emprunté aux monnaies abbassides de l'époque la plus ancienne, tandis qu'il n'eŋ existait plus à la fin du Ive siècle de l'hégire et au commencement du vo, époque où les khalifes qui régnaient à Bagdad étaient tombés dans un trop grand état de décadence, pour imposer aux Géorgiens l'adoption d'un type abbasside. Ces considérations me portent à donner la préférence à la première des deux attributions.

c. Imitations des types byzantins, au x et au x1° siècle. Bilingues grecs et géorgiens.

d. Nouvelles invasions des musulmans en Géorgie, qui

succèdent aux Byzantins; les Selgiouquides de Perse, et plus tard ceux d'Asie Mineure. Avec David II, reparaissent les pièces bilingues géorgiennes et arabes dont les premières sont des imitations des anciens fels selgiouquides au cavalier, avec un revers en arabe portant le nom et les titres du prince bagratide; à partir de ce moment, et jusqu'à l'invasion du sultan de Kharisme Djelal-ed-din, les monnaies de Géorgie continuent à être bilingues.

e. L'invasion des Mongols, au x siècle, vint apporter une profonde modification au système monétaire; tantôt les Houlagouïdes émirent en Géorgie, en particulier dans la capitale Tiflis, des monnaies à leur propre type; tantôt ils permirent, à différentes époques, aux Bagratides de battre aussi leur monnaie, à condition qu'elle porterait plus ou moins le cachet des Houlagouïdes.

De là toute une série de types bilingues et même trilingues, en géorgien et arabe, en persan, en géorgien et mongol, ou dans les trois langues à la fois. Les princes mongols dont les noms sont mentionnés, sont Ghaïouk khan, Möngké Qaan, Abagha, Ahmed, Arghoun, Ghazan, jusqu'au règne du Bagratide Wathgang III. La plupart de ces pièces ont le plus grand rapport avec les monnaies bilingues houlagouïdes, frappées par les princes de cette dynastie sur d'autres points de leurs territoire. Les Djélaïrides, autre branche mongole, envahirent ensuite la Géorgie, et le type de leur monnaies fut aussi imposé aux princes bagratides, comme le prouve la monnaie de Giorgi VII, trouvée par le général Bartholomæi.

f. Après la chute des Mongols, on voit momentanément paraitre en Géorgie une imitation des Aspres Comnénats,

soit en géorgien seulement, soit bilingue; puis une nouvelle interruption suit la chute des empereurs de Constantinople, après la prise de cette capitale par Mahomet II. Beaucoup plus tard, et seulement à partir des premières années du xvII° siècle, on voit reparaître, sous la suzeraineté de la Perse, les monnaies des Bagratides du Moukhran, qui adoptèrent sur leurs fels des figures d'animaux semblables à celles des cuivres persans, et employèrent aussi les types bilingues. Enfin, sous Erekle II, des bilingues russes et arabes constatent la suzeraineté exercée par la Russie.

Nous renvoyons le lecteur qui voudrait étudier de plus près toutes ces curieuses transformations, à la belle monographie que M. V. Langlois a publiée sous le titre d'Essai de classification des suites monétaires de la Géorgie, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours; elle nous a servi de guide. dans notre exposé.

2. L'Arménie, à peu près située dans les mêmes conditions que la Géorgie, a subi les mêmes phases monétaires; mais les monnaies arméniennes proprement dites n'occupent qu'une place assez secondaire dans l'histoire; celles de la dynastie de Roupene remontent aux dernières années du xu° siècle, et vont jusqu'à la fin du xiv. Sous le règne de Hethoum, les Selgiouquides d'Asie Mineure imposèrent un tribut aux Arméniens, et les monnaies bilingues de ce prince, aux revers arabes imités de celles de Keiqobad et de Keikhosrou, furent sans doute prescrites par la volonté de ces sultans, comme le présume M. V. Langlois, dans la monographie qu'il a publiée sur la numismatique de l'Arménie au moyen âge.

3. Les grands princes moscovites, vers le milieu du xiv° siècle, subissaient encore la protection des khans mongols de la Horde. On connait un certain nombre de monnaies de Dmitri Iwanowitch et de son successeur Wassili, au type de saint Georges, avec une inscription russe, et portant, au revers, une légende arabe empruntée aux monnaies de Toqtamich; c'est probablement aussi à une origine russe qu'il faut attribuer des imitations plus ou moins barbares de la monnaie des khans du Kipchaq, due plutôt à des intérêts commerciaux, qu'à la nécessité de se soumettre aux volontés des Tartares.

4. C'est encore à cette classe qu'il faut rapporter les bilingues frappées par les Génois pour leurs possessions en Crimée, qui portent, d'un côté, les armoiries de Gènes avec des caractères latins où l'on reconnait le nom de Caffa, et, au revers, la tamgha de Crimée, avec une légende arabe portant le nom du sultan Hadgy Kérai, souverain de cette

contrée.

E. IMITATIONS DE TYPES DANS DES INTÉRÊTS COMMERCIAUX.

De tous temps et dans tous les pays, quelques espèces particulièrement recommandables, soit par la supériorité de leur titre, soit par certains avantages qu'elles présentaient dans leur emploi, sont entrées dans la circulation générale, et ont été imitées plus ou moins fidèlement par des ateliers monétaires souvent fort éloignés de l'officine primitive; toutes les personnes qui s'occupent de numismatique connaissent, par exemple, les nombreuses imitations qui furent faites du florin d'or de Florence et qui ne se

distinguent les unes des autres que par les indices monétaires ou par des changements de noms; la même chose avait eu lieu antérieurement pour les triens, les deniers, etc., et plus tard, dans le xvi° siècle, ces imitations réciproques furent plus fréquentes encore. Elles font maintenant l'objet d'études spéciales qui ont déjà conduit à des résultats fort intéressants et promettent d'être plus fructueuses encore. Les mêmes faits se sont présentés dans le champ de la numismatique orientale; c'est à cette catégorie que nous rapporterons :

1o La curieuse monnaie d'un des successeurs des Selgiouquides de l'Asie Mineure, Ssarou Khan qui fit frapper à Magnésie des monnaies au type entièrement latin, imitées de la monnaie de Robert d'Anjou, qui était fort à la mode durant le cours du XIV° siècle; c'est au D' Julius Friedländer. qu'on en doit la connaissance; il en a décrit deux variétés. Nous en avons découvert une troisième avec le nom de Sarcan pour Ssarou Khan qui manque aux pièces décrites par le savant archéologue berlinois;

2o Les monnaies en or des Arabes d'Espagne et d'Afrique, en particulier celles des princes el-moravides, se répandirent dans tout le midi de l'Europe et y prirent une telle faveur, qu'elles ne tardèrent pas à être imitées par les princes chrétiens et même par des princes ecclésiastiques, témoin les monnaies des évêques de Bragelone, dont l'existence a été contestée, mais qui doivent se retrouver parmi les différents types plus ou moins barbares, quelques-uns accompagnés de lettres latines, qui existent dans plusieurs collections, et dont l'attribution n'est pas encore entièrement fixée; nous savons que M. Lavoix s'occupe tout particuliè

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