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Dépêche du comte de Bismarck au baron de Werther.

Berlin, le 7 mai 1866.

Monsieur le baron, j'ai déjà eu occasion de vous communiquer, le 1er de ce mois, la dépêche adressée par M. le Ministre des affaires étrangères d'Autriche au comte Karolyi, le 26 avril dernier, et destinée à exposer les vues du cabinet de Vienne au sujet de la solution définitive de la question des duchés de l'Elbe. Cette dépêche a été depuis livrée à la publicité, et pour la première fois par des journaux viennois. Bien que l'espoir exprimé par le comte de Mensdorff au commencement de sa dépêche, espoir qu'il invoque pour soulever cette question, ne se soit pas encore réalisé, je ne veux cependant pas tarder davantage de faire connaître à Votre Excellence l'impression qu'un examen attentif des propositions autrichiennes a laissé dans l'esprit de S. M. le Roi, notre gracieux maître. Comme il n'est point dans nos intentions d'amener en ce moment un échange de dépêches destinées à préciser ou à justifier devant l'opinion publique nos points de vue respectifs, mais d'ouvrir les voies à un accord sérieux et sincère qui ne pourra être obtenu que par des communications confidentielles, je m'abstiendrai de répondre formellement à la dépêche du 26 avril, et je choisirai la forme d'une lettre confidentielle qui n'est pas destinée à être mise sous les yeux du ministre impérial.

J'ai déjà indiqué, dans ma dépêche du 1er de ce mois, qu'à notre avis, le comte de Mensdorff s'est placé sur un terrain où nous ne saurions le suivre. Ce terrain n'est pas celui des traités de Vienne et de Gastein' qui présuppose le droit qu'avait le roi Christian IX de céder légitimement les duchés et admet, par suite, l'acquisition pleine et entière de ces duchés par les deux puissances allemandes. Nous ne voyons pas comment il pourrait y avoir encore place pour une décision de la Diète au sujet de la possession légitime du duché de Holstein. Pour notre part, nous nous en tenons à ces traités, et nous les considérerions comme violés si le Gouvernement Impérial entendait se soumettre à une décision prise par la Diète contre notre gré, relativement à nos droits communs sur les duchés. Nous ne pouvons pas reconnaître la compétence de la Diète dans cette question. Après que nous avons affermi notre propre conviction au point de vue légal et trouvé une base solide fondée sur des traités internationaux, et si nous nous reportons aux propres expressions du cabinet de Vienne,

1. Voir Archives, 1866, tome II, page 400.

2. Du 30 octobre 1864. Voir Archives, 1864, tome IV, page 330. 3. Du 14 août 1865. Voir Archives, 1865, tome IV, p. 6.

à celles dont il s'est servi en écrivant le 10 janvier 1864 au ministre d'Autriche à Munich, il nous est impossible de croire que le Gouvernement Impérial veuille se mettre aujourd'hui en contradiction aussi flagrante avec la manière de voir qu'il témoignait alors en ce qui touche la compétence de la Diète. De même que nous ne pouvons abandonner à la Diète et à la majorité des Gouvernements allemands le soin de décider de cette question, de même nous n'avons nulle intention de transférer la part de droits qui nous a été acquise par la conquête et par traité, à un tiers qui ne nous assurerait aucun dédommagement pour les sacrifices que nous avons été obligés de faire pour l'acquisition de ces droits. Si le Gouvernement Impérial voulait, de son côté, disposer d'une autre manière de ses droits sur le gage commun, il nous trouvera toujours prêts à négocier à ce sujet. Une semblable négociation devrait avoir pour base les droits existants, les traités ayant accordé en commun aux deux puissances le droit de disposer des duchés, et cette disposition ne pouvant avoir lieu qu'en vertu d'un accord réciproque, accord expressément stipulé par la convention de Gastein. Nous invoquerons donc simplement notre droit clair et précis qui nous assure une part égale dans la cession consentie par le roi Christian; nous n'élèverons pas de prétentions en raison des sacrifices plus considérables que nous avons été amenés à faire; mais nos droits contractuels sur la part qui nous revient ne peuvent être atteints en quoi que ce soit par une décision fédérale. Nous ne pouvons négocier qu'avec l'Autriche seule au sujet de la solution ou des développements à donner à nos rapports de copossession. Ces négociations pourraient être facilitées si nous parvenions en même temps à réaliser avec le cabinet impérial une entente sur la réforme de la Constitution fédérale dont nous avons préparé les bases.

Aussitôt que Votre Excellence aura pu se convaincre dans ses pourparlers avec le comte de Mensdorff que le cabinet impérial est disposé à se prêter à une entente de ce genre, Elle pourrait assurer le Ministre des affaires étrangères de notre empressement à en faciliter les moyens. Je répéterai ici ce que j'ai déjà dit plus haut, que cette dépêche qui indique les conditions auxquelles une entente deviendrait possible, n'est pas destinée à être communiquée au Gouvernement Impérial, mais vous êtes autorisé à en donner confidentiellement lecture, en l'accompagnant des explications que vous jugerez nécessaires.

Signé: DE BISMARCK.

Décret royal du 19 mai 1866 relatif à la capture des navires marchands appartenant à l'ennemi.

Sur la proposition du Ministre d'État, je décide qu'en cas de guerre les bâtiments marchands, appartenant aux sujets d'un État hostile, ne sont point sujets à être capturés par mes vaisseaux de guerre, en tant que l'État hostile pratique la réciprocité. La décision ci-dessus n'est point applicable aux bâtiments qui seraient sujets à être amenés et capturés s'ils étaient navires neutres.

Le présent décret sera promulgué dans le Recueil des lois.

Signé: GUILLAUME.

Contre-signé Comte DE BISMARCK-SCHOENHAUSEN,
DE BODELSCHWINGH, DE ROON, comte DE ITZEN-
PLITZ, DE MUHLER, comte DE LIPPE, DE SELCHOW,
comte DE EULENBURG.

WURTEMBERG.

Discours du Roi à l'ouverture des Chambres, 23 mai 1866.

Nobles et honorables messieurs,

Amés et féaux,

C'est en un moment plein de gravité que je me présente au milieu des fidèles États de mon Royaume pour ouvrir la Diète.

Les deux plus puissants États allemands sont prêts à combattre l'un en face de l'autre.

L'Allemagne, l'Europe, suivent avec anxiété le développement d'un conflit dont le dénoûment guerrier anéantirait les fruits d'une paix de cinquante ans.

J'ai fait et je continuerai à faire de persévérants efforts pour détourner de l'Allemagne cette calamité.

Pour que ce résultat soit atteint d'une manière durable, il faut que la question schleswig-holsteinoise soit résolue par la voie du droit et sans préjudice pour les intérêts de l'Allemagne, il faut que la Constitution fédérale soit appropriée aux circonstances, il faut que le peuple soit appelé, comme il convient, à coopérer à ses affaires communes et fédératives.

Je veux compter encore sur le maintien de la paix, mais si elle était violée, le devoir et l'honneur commanderaient de prendre parti pour le droit de la nation et de notre indépendance. Si nous restons fermement unis avec les autres États allemands qui partagent nos sentiments, nous surmonterons tous les dangers qui nous menacent.

Alors aussi je me souviendrai de mes devoirs relativement au développement intérieur du pays.

Mon Gouvernement vous demandera les crédits nécessaires.

Vous seconderez par votre dévouement patriotique mes efforts en faveur de la paix. Mais vous ne reculerez pas non plus devant les sacrifices à faire, dans l'intérêt d'une lutte en faveur de la prospérité de l'Allemagne et de la conservation du Wurtemberg.

Je compte fermement, sous ce rapport, sur le courage, le sentiment du droit et l'amour de la patrie du peuple wurtembergeois.

Que Dieu protége et bénisse notre chère patrie!

Dans la séance du même jour de la Chambre des députés, le ministre de la guerre et le ministre de l'intérieur ont présenté, après une chaleureuse allocution du président, un projet de loi autorisant le gouvernement à convoquer toute la landwehr, laquelle devra être appelée sous les drapeaux selon les besoins et pourra l'être même en vue des simples exercices militaires.

En outre, le ministre des finances et le ministre de la guerre ont soumis à la Chambre le projet d'un emprunt d'État de 7 700 000 florins, destinés à couvrir pendant six mois les frais qu'entraîneraient les préparatifs nécessaires pour mettre l'armée en état d'entrer en campagne.

Ces projets de loi ont été renvoyés à une commission spéciale de quinze membres.

CONFÉDÉRATION GERMANIQUE.

Séance de la Diète germanique du 24 mai 1866.
Compte rendu officiel.

L'Assemblée fédérale reçoit communication d'une lettre de Sa Majesté l'Empereur de Russie, datée du 1er avril dernier, et lui notifiant la délivrance de S. A. Impériale Madame la grande-duchesse Olga Feodorowna de Russie, d'un prince auquel a été donné le nom d'Alexandre.

Le Gouvernement royal de Hanovre déclare, relativement aux prétendues négociations engagées avec la Cour royale de Prusse, que l'on peut, eu égard à la conduite observée par lui de tout temps, nourrir la conviction qu'il a pleinement la conscience de ce qui, d'après les

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lois fondamentales de la Confédération, constitue les droits et les devoirs des États confédérés, et que, même dans la situation actuelle, il observera consciencieusement ces devoirs.

Schaumbourg-Lippe se déclare prêt à verser des contributions au bénéfice de la Société d'histoire ancienne allemande.

Brême et Hambourg présentent des tableaux de statistique commerciale de l'année 1865, et Lubeck se déclare prêt à participer aux délibérations sur le projet d'une pharmacopée allemande commune.

Le Gouvernement grand-ducal d'Oldenbourg propose l'institution d'une instance austrégale relativement à la succession du Holstein1; la motion est renvoyée au comité holsteinois.

La motion de la Bavière et de sept autres Gouvernements, touchant la sauvegarde de la paix fédérale, est acceptée à l'unanimité ; le Gouvernement autrichien et le Gouvernement prussien' donnent l'assurance qu'ils déclareront dans un très-court délai sous quelles conditions ils seront prêts à ramener leurs troupes à l'effectif de paix.

Les Gouvernements de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg, de la Hesse grand-ducale et de Nassau formulent la déclaration positive qu'ils remettront leurs troupes sur le pied de paix, aussitôt que les autres gouvernements feront de même 3.

La motion relative à la sortie du Duché de Limbourg de la Confédétion germanique est renvoyée à un comité de cinq membres, lequel sera choisi ad hoc.

1. Voir ci-après, page 15.

2. Voir ci-après, page 15.

3. Le ministre (bavarois) vote pour la motion, et il est chargé en outre de déclarer que le gouvernement royal n'hésitera pas à ramener son armée à l'effectif de paix, aussitôt qu'entre les gouvernements d'Autriche et de Prusse une entente sera opérée relativement à la réduction au pied de paix de leurs forces militaires.

Le ministre (wurtembergeois) vote pour la motion et peut, connaissant les intentions de son très-haut gouvernement, s'associer à la déclaration formulée par le ministre de Bavière. Il doit faire observer en même temps que le gouvernement wurtembergeois en s'associant aux États qui ont présenté la motion, n'a fait que donner un témoignage de ses sentiments fédératifs et patriotiques.

Les déclarations de Nassau et du grand-duché de Hesse ne sont, en substance, que la reproduction de celles de la Bavière et du Wurtemberg.

Le Hanovre, après avoir donné son vote sur la motion, a fait remarquer « qu'il n'avait point armé.»

La Hesse électorale, se référant à son vote du 9 mai sur la motion saxonne, exprime de nouveau l'espérance qu'une entente s'opérera entre les deux grandes cours allemandes.

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