Page images
PDF
EPUB

Des événements de la nature la plus grave et dont la portée ne saurait être calculée d'une manière précise, ont porté le trouble dans toute l'Europe et la tiennent dans un état de fiévreuse inquiétude. Le développement inouï des forces militaires nous rappelle que notre siècle, malgré sa réputation d'humanité et de civilisation sans cesse progressantes, est encore malheureusement le beau temps des armées permanentes, et qu'en dépit du progrès des connaissances et des forces humaines, en dépit de conquêtes faites dans le domaine des sciences et des arts, les gouvernements méconnaissent et repoussent avec légèreté la source la plus naturelle et la base de la civilisation des États, savoir le droit des peuples à choisir eux-mêmes le mode par lequel ils veulent être gouvernés.

Et cependant, aussi longtemps qu'on n'aura pas sincèrement reconnu et fait triompher ce principe, l'harmonie des rapports politiques et un équilibre durable des diverses nationalités resteront à l'état de belles aspirations.

Heureux, dès lors, tout peuple et tout pays dont la vie politique s'appuie sur la base solide de la volonté populaire et prend racine. dans la plus grande liberté possible donnée à chacun de ses éléments.

Lorsque, à la fin du siècle dernier, l'esprit de la liberté, semblable à un ouragan, a fait écrouler l'ancien ordre de choses européen, il trouva la Confédération suisse d'alors malade à l'intérieur et devenue infidèle au principe même de son existence. Aussi s'affaissa-t-elle sur elle-même, malgré les preuves qu'elle donna de la vaillance de ses fils.

C'est pourquoi nous devons nous réjouir de ce que la Suisse actuelle, au milieu des difficultés du moment, se présente unie, prête à faire face au danger, et si peu disposée à se laisser entraîner dans les divisions de parti, que même les appréciations les plus divergentes au point de vue politique et constitutionnel ne se sont manifestées que sur des articles secondaires de notre pacte fondamental, lors des derniers débats pour la révision de la Constitution, et que le peuple a lui-même ajourné, jusqu'à un plus mûr examen, les modifications projetées à des institutions qui lui sont devenues chères.

Notre force militaire est aussi mieux et plus complétement organisée que dans les temps passés. Les sacrifices que nous avons faits dans ce sens nous permettent de compter sur une armée de 200 000 hommes bien préparés, et dans lesquels nous pouvons avoir confiance. Cette armée pourrait être encore renforcée par l'appel de la Landwehr et l'organisation de la Landsturm qui nous donneraient, au besoin, une réserve de 100 000 hommes.

Dans un pays où tout citoyen est soldat, d'après la Constitution, et où chaque génération est appelée au service militaire, une semblable

réserve peut être d'une grande utilité dans bien des cas et principalement quand surgit un danger partiel.

C'est pourquoi, tout homme de la milice doit se rappeler qu'une attaque éventuelle ou une violation de notre territoire dans une intention hostile peut être repoussée, non-seulement en résistant énergiquement à la frontière, mais encore en prenant promptement l'offensive sur le territoire ennemi.

L'attitude courageuse de nos pères à Fraubernunen au Rothenthurm, dans le Nidwald et à Chiamutt, n'a pu défendre la patrie de l'invasion des armes étrangères, tandis que les batailles de Frastenz, de Nancy, de Musso et de Novare ont établi la réputation des armées suisses. La même attitude énergique serait couronnée aujourd'hui du même succès, si le besoin s'en faisait sentir. Dans ces circonstances relativement favorables, et avec la ferme volonté d'assurer notre indépendance et notre liberté en les faisant passer, le cas échéant, par une nouvelle épreuve du feu, le peuple suisse peut attendre avec calme les événements; d'autant plus que jusqu'à ce jour notre neutralité n'a encore été attaquée ni menacée d'aucun côté.

Reprenons donc, Messieurs, et conduisons à bonne fin nos travaux législatifs, confiants dans l'union qui règne parmi le peuple, ainsi que parmi ses représentants, et avec l'intention bien arrêtée de maintenir, de défendre la tâche et la destination historique de la Suisse dans l'existence politique de l'Europe.

Que le Tout-Puissant, qui a placé la République helvétique, cet antique asile de la liberté et des victimes de la persécution politique, comme un exemple et comme une médiatrice entre les intérêts opposés des nationalités basées sur la simple conformité du langage, préserve encore notre patrie et nous donne la force d'accomplir sa volonté providentielle.

En formulant ce vœu ardent, je déclare ouverte la session ordinaire de 1866.

TROISIÈME PARTIE.

ITALIE.

LIVRE VERT

NÉGOCIATIONS ENTRE L'ITALIE ET LE SAINT-SIÈGE AU SUJET DE LA NOMINATION DE NOUVEAUX TITULAIRES AUX SIÈGES ÉPISCOPAUX VACANTS.

MISSION DU COMMANDEUR VEGEZZI.

Note du général La Marmora au commandeur Vegezzi, lui envoyant les instructions du Gouvernement italien pour la mission qui lui a été confiée auprès du Saint-Siége.

Monsieur le Commandeur,

Turin, le 25 mars 1865.

Je vous envoie ci-annexées les instructions préliminaires auxquelles vous aurez à vous conformer pour la mission qui vous a été confiée près du Saint-Siége, à la suite de l'initiative prise par le Saint

Père.

Signé LA MARMORA.

INSTRUCTIONS.

I. Nécessité de pourvoir aux siéges vacants.

Sont vacants dans le Royaume d'Italie les siéges archiepiscopaux et épiscopaux énumérés sur la liste ci-jointe, no I.

L'accord à intervenir entre le gouvernement du Roi et le SaintSiége dans le but de pourvoir aux siéges vacants, devra être précédé d'une enquête, relativement au nombre et aux circonscriptions des diocèses du Royaume.

Si le Saint-Siége ne voulait se prêter à aucun arrangement à ce sujet, il n'y aurait pas lieu de faire des propositions en ce qui touche les siéges vacants.

Des raisons économiques et politiques de toute évidence exigent une nouvelle circonscription des diocèses du Royaume. Il suffit de rappeler à cet égard que, dans le Royaume d'Italie, sur une population catholique de 21 millions, on compte 44 siéges archiepiscopaux et 183 siéges épiscopaux, en tout 227 siéges, tandis qu'en France, par exemple, y compris l'Algérie et les colonies, sur une population catholique d'environ 36 millions, il n'y a que 17 archevêchés et 71 évêchés, en tout 88 siéges. Il suffit de rappeler également qu'en Ombrie, sur une population de 492 829 habitants, il y a 17 diocèses avec 1 archevêque et 16 évêques, tandis qu'en Lombardie une population de 1 169 312 habitants est placée sous un seul diocèse, celui de Milan.

Si cet argument pouvait avoir pour effet de convaincre le Gouvernement Pontifical, le Gouvernement du Roi proposerait que la circonscription diocésaine fût fixée de façon à ce qu'un siége archiepiscopal ou épiscopal se trouvât dans chaque centre administratif, et que l'on conservât les siéges auxquels se rattachent d'illustres souvenirs et des traditions ecclésiastiques, ou qui sont dans des conditions particulières comme situation.

Si des circonscriptions de cette nature étaient adoptées, on laisserait au Saint-Siége le soin exclusif de déterminer les circonscriptions métropolitaines. Mais comme il n'y a pas à espérer que l'on puisse de sitôt arriver à une entente sur ce point, le Gouvernement du Roi n'admettra que la provision de ceux des siéges vacants qui, suivant le plan indiqué plus haut, devront être conservés.

Ainsi, lorsqu'il s'agirait de pourvoir à des siéges vacants on pourrait favoriser la nomination du titulaire d'un siége désigné pour être supprimé, à un des siéges qui devront être conservés.

Le délégué du Gouvernement royal sait quelles propositions doivent être faites par nous touchant la provision à quelques-uns des princi

paux siéges vacants. D'après l'accueil que le Saint-Père fera à ces propositions, on induira s'il y a lieu de lui soumettre encore d'autres propositions. Mais on peut dès à présent faire remarquer qu'elles ne justifieront nullement les craintes exprimées par le Saint-Père, que le Gouvernement royal ne fût amené à proposer des personnes non acceptables.

Le Saint-Siége ne mettra aucune difficulté à accueillir la présentation, de la part du Gouvernement du Roi, des titulaires pour les siéges vacants dans les anciennes provinces et dans la Lombardie; mais il est à prévoir qu'il élèvera des difficultés en ce qui touche les siéges des autres provinces, et en particulier ceux des provinces autrefois pontificales. Sur ce point, le Gouvernement du Roi ne peut en principe accepter une solution qui n'impliquerait pas la reconnaissance, de fait, du royaume d'Italie, et la translation en conséquence, sur la tête de Victor-Emmanuel II, de tous les droits et priviléges qui, en cette matière, compétaient aux Souverains et aux Gouvernements auxquels il a succédé. Mais comme il ne sera guère possible de faire valoir vis-àvis du Saint-Père les raisons découlant des plébiscites et qu'il importe de ne pas mêler à cette question spéciale la grande controverse politique qui s'agite entre la domination temporelle du Pape et l'Italie, il sera nécessaire de trouver à cet égard un expédient laissant la voie ouverte à la conciliation.

En partant de l'idée de la séparation de l'Église et de l'État, idée · dont le Gouvernement du Roi se préoccupe depuis si longtemps et dont l'application complète enlèverait au pouvoir civil toute faculté d'ingérence dans la nomination aux siéges, on recoinmande l'adoption du parti suivant qu'il faudra présenter comme la dernière limite des concessions auxquelles le Gouvernement du Roi pourrait consentir en l'état actuel des choses, et qui serait en même temps une preuve de la résolution sincère du Gouvernement de renoncer à toute espèce de droits et de priviléges en faveur de la liberté de l'Église, à la condition que l'Église fût disposée de son côté à renoncer à tout ce qui fait aujourd'hui obstacle à la liberté de l'État.

Pour cette fois, et sauf à s'entendre plus tard sur les dispositions définitives, le Gouvernement du Roi renoncerait au droit de nommer aux siéges vacants en Lombardie, dans les provinces parmesanes, napolitaines et siciliennes, et à ceux qu'il pourrait encore valablement revendiquer en Toscane, de même que dans les provinces qui firent autrefois partie du premier royaume d'Italie, en vertu de l'article 4 du concordat du 13 septembre 1803, conclu entre le Saint-Siége et la République italienne. Il se bornerait à une simple présentation ou recommandation, comme cela a été précédemment pratiqué par la maison royale de Savoie, pourvu que dans l'acte de préconisation des

« PreviousContinue »