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Sa Sainteté et l'envoyé de S. M. le Roi Victor-Emmanuel aboutiront sans doute à quelque résultat, malgré l'opposition des partis extrêmes. Cette nouvelle, que Votre Excellence considère comme exacte et certaine, se trouve être en contradiction avec celle que m'a transmise, le 26 du même mois par le télégraphe, l'ambassadeur de Sa Majesté à Rome au sujet de la rupture des négociations précitées, tenue pour certaine dans cette capitale; comme il s'agit d'une question qui a, dès son origine, éveillé la vive sollicitude du Gouvernement de Sa Majesté et qui mérite aujourd'hui plus que toute autre son attention, il est nécessaire que Votre Excellence veuille bien me communiquer, aussi brièvement que possible, les raisons qui ont pu l'induire à espérer encore un résultat dans la grave question dont il s'agit, depuis que le commandeur Vegezzi s'est absenté de Rome.

La dépêche télégraphique de M. Pacheco a pu certainement se référer à un état de la négociation qui s'est modifié ou transformé depuis; mais comme il n'a pas rectifié ses dernières nouvelles sur la rupture des négociations, cette supposition est inadmissible et il faut dès lors mettre en doute l'exactitude de l'un des deux télégrammes.

Dans la seconde partie du télégramme envoyé par Votre Excellence, Elle indique comme la cause qui a pu déterminer un accord sur la question, le manque d'argent dans les caisses du Trésor romain; sur ce point encore le Gouvernement de Sa Majesté désirerait être éclairé par Votre Excellence; car il ne se rend pas compte des facilités que l'arrangement de la question ecclésiastique en Italie pouvait offrir au Saint-Siége d'augmenter les ressources de ses finances. Il s'explique encore moins comment l'absence de ressources et la nécessité de s'en procurer aient pu influer sur l'issue des négociations précitées, alors que la Convention franco-italienne qui décharge les États-Pontificaux d'une partie de leur dette, n'a pas été acceptée même par Sa Sainteté. Peut-être la concision imposée par les communications télégraphiques aura-t-elle empêché Votre Excellence d'exposer les raisons qui éclaircissent complétement le sens de son dernier télégramme; mais comme il importe d'en saisir parfaitement la signification, j'attends du zèle connu de Votre Excellence qu'Elle me fasse connaître, sans perdre de temps, tout ce qui peut servir à dissiper les doutes du Gouvernement de Sa Majesté.

Signé: BERMUDEZ DE CASTRO.

M. Alexandre Mon à M. Bermudez de Castro.

Paris, le 4 juillet 1865.

Monsieur le Ministre, j'ai reçu la dépêche de Votre Excellence du 1er de ce mois, par laquelle Elle me demande de lui donner, aussi brièvement que possible, les raisons qui ont pų m'induire à espérer quelque résultat en ce qui touche la grave question des négociations actuellement pendantes à Rome. Je disais à Votre Excellence, dans mon télégramme, que ces nouvelles étaient arrivées d'Italie et je dois ajouter aujourd'hui que je les ai puisées au ministère des Affaires Étrangères dans mes conversations avec le Corps diplomatique et dans les informations que j'y ai recueillies sur les bonnes dispositions avec lesquelles les négociations avaient été entamées, tant de la part de Sa Sainteté que de la part du Roi Victor-Emmanuel. Je ne me suis point trompé dans l'espoir que j'avais de voir les négociations aboutir à un résultat, et, ce qui le prouve, c'est la concession faite par le Piémont, grâce à laquelle les Évêques éloignés de leurs diocèses peuvent y retourner. Ceci concorde d'ailleurs avec l'espérance qui prévaut chez tout le monde, que les négociations auront sous peu un meilleur résultat puisqu'elles n'ont pas été rompues malgré les grands obstacles qu'elles ont rencontrés; aujourd'hui l'opinion générale est qu'elles sont simplement ajournées et qu'on est fondé à espérer une issue favorable lorsqu'elles seront reprises.

Il n'y a rien d'étrange, à mon avis du moins, que l'ambassadeur de Sa Majesté à Rome et moi, nous ayons eu, à une distance aussi grande que celle qui sépare Paris de Rome, des renseignements différents sur une question aussi grave qui est à la fois si vivement soutenue et combattue par les divers partis. Comme preuve de ce que je viens d'avancer, je dirai à Votre Excellence que le Ministre des Affaires Étrangères de France a reçu une lettre d'un personnage important de Rome, de laquelle il résulte que, suivant M. Vegezzi, les négociations avaient abouti à un résultat et que, d'après ce qu'en a dit le même jour le Cardinal Antonelli, elles avaient échoué. Votre Excellence se rendra dès lors compte comment j'ai bien pu ne pas écrire la même chose que M. Pacheco, puisque le même jour et à Rome, les deux négociateurs, personnages aussi importants comme M. Vegezzi et le Cardinal Antonelli, étaient si peu d'accord eux-mêmes.

Votre Excellence désire également que je lui explique comment, dans ma pensée, le manque d'argent du Trésor romain pourrait avoir influé sur la solution de la question. Je croyais, et beaucoup d'hommes politiques le croyaient avec moi, que, à partir du moment où le Pape

serait entré dans la voie de la conciliation avec l'Italie, sa sécurité matérielle y aurait gagné et que le crédit débarrassé des craintes de prochains conflits et de nouveaux désordres, aurait facilité au Gouvernement romain l'augmentation de ses ressources en même temps que, en écartant les dangers d'une attaque ou d'une invasion, les dépenses nécessaires pour la défense auraient diminué.

Votre Excellence m'objecte que, si cette nécessité de recourir au crédit avait existé, le Gouvernement pontifical aurait pu accepter la Convention franco-italienne qui décharge le Pape d'une partie de sa dette. Mais l'acceptation de ce Traité entraînait la reconnaissance de l'état d'indépendance des Provinces Pontificales qui avaient fait partie du territoire du Saint-Siége, et Sa Sainteté s'y est toujours refusée jusqu'à ce jour.

J'espère que ces explications dissiperont les doutes de Votre Excellence.

Signé: ALEXANDRE MON.

M. Bermudez de Castro à M. Mon.

Madrid, le 10 juillet 1865.

Monsieur, par sa dépêche no 209 du 4 de ce mois, Votre Excellence m'a fait part des raisons qui l'ont induite à considérer la négociation suivie par M. Vegezzi comme étant dans un état plus favorable que celui auquel on pouvait s'attendre d'après les nouvelles expédiées de Rome par l'ambassadeur de Sa Majesté,

Le Gouvernement de la Reine ne pouvait, vu l'importance de la question, se passer de ces explications, nécessaires pour se former une opinion sur la probabilité plus ou moins grande du succès des négociations pendantes entre Sa Sainteté et M. Vegezzi. La teneur de la dépêche précitée de Votre Excellence démontre d'ailleurs la nécessité de l'ordre royal qui a motivé cette dépêche, puisqu'elle devient ainsi le fondement d'espérances raisonnables que le télégramme de Votre Excellence ne permettrait pas de concevoir à cause de sa contradiction avec la dépêche télégraphique de M. Pacheco relative à la même affaire.

Signé: BERMUDEZ DE CASTRO.

1 M. Zarco del Valle à M. Bermudez de Castro.

Turin, le 10 juillet 1865.

Monsieur le Ministre, le journal l'Italie qui se publie ici, contient dans son édition de ce soir, l'exposé présenté par le Président du Conseil et Ministre des affaires Étrangères du Roi Victor Emmanuel, sur les négociations avec Rome. Je m'empresse de transmettre ci-joint à Votre Excellence un exemplaire de ce journal, du 10 juillet 1865, qui, comme j'ai eu l'honneur de l'annoncer ce matin par le télégraphe, en lui accusant réception de son télégramme d'hier, contient également la traduction de la dépêche adressée par Votre Excellence à l'ambassadeur de Sa Majesté à Rome, sur la reconnaissance de l'Italie par l'Espagne.

Signé : MARIANO, ZARCO DEL VALLE.

M. Pacheco à M. Bermudez de Castro.

Rome, le 1 juillet 1865.

Monsieur le Ministre, j'ai fait connaître par le télégraphe à Votre Excellence, le départ de M. Vegezzi, la négociation qu'il avait été chargé de suivre au nom du Gouvernement du Roi Victor Emmanuel n'ayant point abouti. Aujourd'hui je suis à même de vous donner par la voie du courrier ordinaire de plus amples explications à ce sujet.

Lorsque M. Vegezzi vint pour la première fois à Rome, il était inspiré d'un esprit tout particulier de conciliation sur tous les points. En le voyant accepter les propositions du secrétaire d'État de Sa Sainteté, sans lui opposer aucune difficulté sérieuse, il y avait lieu de supposer que le Cabinet italien lui avait donné des instructions dans ce sens et qu'il désirait mettre à tout prix un terme à ses différends avec le SaintSiége. On ne conçoit pas, en effet, qu'un négociateur dans la position qu'occupait M. Vegezzi, se soit avancé à ce point, sans avoir la conscience de ce qu'il faisait. De là la conviction presque générale où l'on était du bon résultat que devaient avoir ces pourparlers, conviction que partageaient le Souverain-Pontife et le Cardinal Antonelli; conviction qui m'avait gagné moi-même et que seule, l'ambassade de France ne paraissait pas partager, à en juger par certaines paroles échappées au comte de Sartiges.

C'est à Turin que s'élevèrent les difficultés qui obligèrent M. Vegezzi à se rendre dans cette capitale. Mais, jusqu'au moment de partir, ce délégué ne doutait pas qu'elles pourraient facilement être écartées; c'est ainsi qu'il s'est exprimé vis-à-vis de moi. Son départ disait-il, n'était même pas nécessaire; il était seulement utile pour gagner du temps et parce que les explications se donnent mieux de vive voix que par écrit.

Mais à son retour, la situation était déjà changée. M. Vegezzi n'avait pas pu convaincre plus de trois membres du Cabinet italien de la convenance d'abandonner pour cette fois la condition du serment pour les évêques. L'exéquatur à donner aux bulles de nominations, point sur lequel il avait également cédé dans le commencement, était une condition qu'on ne pouvait supprimer. Les opinions personnelles du négociateur restèrent les mêmes; il ne laissait ignorer à personne que son Gouvernement s'engageait dans des affaires de moins d'importance que ne l'était une entente avec Rome; mais qu'il se voyait obligé de s'en tenir à ses instructions et qu'il devait insister sur la question de l'exéquatur et du serment, conditions indispensables pour arriver à un accord.

En présence d'une attitude ainsi modifiée, Votre Excellence comprendra que l'accord devenait impossible. On aurait pu continuer à négocier si, dès le principe M. Vegezzi avait demandé ce qu'il réclame aujourd'hui, mais en revenant sur des conditions qu'il avait précédeminent acceptées, il faisait beau jeu à ses adversaires qui travaillaient ouvertement à rompre les négociations. Dès lors, on ne devait arriver à aucun résultat, sauf sur une question très-secondaire, le retour, dans leurs diocèses, des évêques qui en étaient éloignés, question qui avait été vidée dès le principe.

En quittant Rome, M. Vegezzi pria Sa Sainteté de ne pas considérer la négociation comme rompue, mais comme simplement ajournée. Il paraît que le Souverain Pontife lui aurait répondu que le Gouvernement italien pouvait la reprendre quand il le désirerait, en acceptant les bases sur lesquelles on était primitivement tombé d'accord.

En ce qui me concerne, mon action dans toute cette affaire a dû être très-restreinte. Il était bien tard lorsque j'ai été informé par le télégraphe qu'on était résolu d'agir avec prudence d'après mes indications et lorsqu'on m'a annoncé l'arrivée d'instructions par le prochain courrier, instructions que jusqu'à ce jour je n'ai pas encore reçues. J'ai dû, en conséquence, me borner à quelques conversations avec les uns et les autres. J'ai dit à M. Vegezzi que son Gouvernement avait tort de com

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