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dans les dépenses qui auront été effectuées. Les droits de navigation établis par la loi de floréal an X étaient affectés à l'entretien des ports et des chemins de halage. Aujourd'hui cette affectation spéciale n'existe plus, et les dépenses de ce service figurent chaque année au budget et parmi les fonds votés pour le service des Ponts-et-Chaussées. — 2o Le propriétaire riverain a droit d'exiger que ceux qui usent du chemin de halage ne fassent rien qui aggrave la condition du fonds servant. Nous verrons dans un instant que tout dépôt de pierres ou de matériaux sur le sol du chemin constituerait une contravention de grande voirie ; à plus forte raison, l'administration n'aurait-elle pas le droit de modifier la nature du chemin de halage et d'en faire une route proprement dite. La jurisprudence ne l'autorise qu'à faire les travaux strictement nécessaires pour faciliter le trait des bateaux. Ainsi, elle peut bien répandre sur ce chemin du sable, du gravier (C. d'Etat, 21 déc. 1861; Lebon, 61, 928); mais elle ne pourrait, sous aucun prétexte, le faire empierrer et remblayer, de manière à le rendre praticable aux voitures. Si l'ouverture d'une voie de communication devenait nécessaire à cet endroit, le riverain devrait être exproprié et indemnisé antérieurement à tout travail. Au cas où les travaux seraient commencés sans que les formes de l'expropriation eussent été suivies, les propriétaires riverains pourraient faire ordonner par l'autorité judiciaire leur discontinuation dans les termes de l'art. 70 de la loi du 3 mai 1841 (C. d'Etat 15 et 30 décembre 1858; Lebon, 58, 712 et 784). Le riverain pourrait encore s'opposer à ce que les bateliers vinssent fixer des pieux sur le chemin de halage et y amarrer leurs bateaux nous sommes loin de la doctrine des Institutes: " Riparum quoque usus publicus est juris gentium, sicut ipsius fluminis : itaque navem ad eas appli cear, funes arboribus ibi natis religare, onus aliquod in his reponere, cuilibet liberum est, sicut per ipsum flumen

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navigare; sed proprietas illorum est quorum prædiis inhærent. § 4 De rerum divisione. Enfin, les personnes étrangères au service de la navigation n'ont pas le droit de circuler sur le chemin de halage sans l'aveu des propriétaires. En ce qui touche les pêcheurs, l'article 35 de la loi du 15 avril 1829, porte: « Les fermiers ou porteurs de licences ne pourront user sur les fleuves, rivières et canaux navigables que du chemin de halage, sur les rivières et cours d'eau flottables, que du marchepied. Ils traiteront de gré à gré avec les propriétaires riverains pour l'usage du terrain dont ils auraient besoin pour retirer et assécher leurs filets. Lors de la discussion, on avait cherché à étendre cette exception. A la Chambre des Pairs, notamment, on demandait que les pêcheurs pussent, conformément au droit romain, faire sécher leurs filets sur la rive. Il fut répondu précisément que le chemin de halage n'est destiné qu'au tirage des bateaux et à la circulation; que les pêcheurs ne peuvent en user pour d'autres opérations et surtout s'y placer avec leurs filets de manière à intercepter le 3o Les riverains ont seuls le droit de jouir des produits du chemin de halage; seuls ils peuvent récolter les herbes qui y croissent (C. d'Etat, 6 juillet 1856; Lebon, 56, 402); seuls ils peuvent profiter de l'abattage des arbres qu'ils y ont plantés, et les arrêts leur reconnaissent le droit de faire abattre ces arbres sans avoir au préalable obtenu d'autorisation. « Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté, que les arbres abattus par le sieur Dufont étaient plantés dans la zône de halage de l'Escaut, sur un terrain qui lui appartenait ; considérant qu'aucune disposition de loi ni de réglement n'interdit aux propriétaires d'arbres plantés sur les chemins de halage de les abattre sans autorisation préalable; que si le décret du 10 avril 1812 a rendu applicable aux canaux et rivières navigables le titre IX du décret du 16 décembre

passage.

1811, contenant réglement sur la construction, la réparation et l'entretien des routes, la même extension n'a pas été donnée à l'art. 101 dudit décret, compris sous le titre 8, article qui a seul servi de base à la condamnation prononcée par le Conseil de préfecture contre le sieur Dufont...» (C. d'Etat, 14 juin 1851; Lebon, 51, 450).

67. La police des chemins de halage est réglementée par l'arrêt du Conseil du 24 juin 1777, résumant sur ce point tous les textes antérieurs et notamment les Ordonnances de 1669 et de 1672. Les articles 2 et 4 interdisent d'une manière formelle tout travail qui pourrait entraver le service de la navigation; les riverains ne peuvent, sans autorisation, planter des arbres, établir des clôtures, bâtir des constructions à une distance moindre de trente pieds du bord de l'eau; nous rappellerons que l'administration n'a pas besoin de mettre les riverains en demeure de se conformer à cet article; c'est à eux à observer ses dispositions, sous peine d'être poursuivis devant les tribunaux administratifs, ils se prévaudraient vainement de ce que l'autorité préfectorale ne leur aurait pas enjoint de tenir en état le chemin de halage, et n'aurait pas délimité la zône frappée de la servitude (C. d'Etat, 28 août 1844; Lebon, 44, 548). Les autorisations données par l'administration sont essentiellement précaires ; à première réquisition, les ouvrages tolérés antérieurement doivent être détruits; l'arrêt du 9 février 1854 (Lebon 54, 99) a décidé formellement que les constructions élevées le long des rivières navigables, n'ont, quelle que soit leur ancienneté, qu'une existence précaire, et que la démolition peut en être ordonnée à toute époque, sauf le droit à une indemnité, dans le cas où la navigation ne se serait établie sur le cours d'eau, que postérieurement au décret du 22 janvier 1808. En fait, l'administration use de la manière la plus large du droit d'ordonner la suppression des ouvrages qui nuiraient à la naviga

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tion; c'est ainsi, par exemple, qu'il a été décidé que le préfet du Nord n'avait pas excédé ses pouvoirs en ordonnant qu'un particulier, autorisé précédemment à construire un pont tournant en bois sur le chemin de halage du canal d'Aire à la Bassée, serait tenu de le démolir et de le reconstruire dans des conditions donnant toute sécurité au passage des chevaux pour le halage (C. d'Etat, 5 février 1867; Lebon, 67, 148). En second lieu, l'arrêt de 1777 interdit aux riverains ou à quelque autre personne que ce soit, de déposer sur le chemin de halage des terres, pierres, bois, pieux, débris de bateaux ou autres objets pouvant entraver le service de la navigation; nous en conclurons que les mariniers ne pourraient établir des ports le long du chemin de halage, ni y décharger leur marchandise; suivant la remarque de M. Daviel (t. I, no 70), ce n'est qu'en cas de péril imminent que l'on pourrait tolérer, soit le dépôt de quelques objets, soit l'amarrage des câbles. Troisième prohibition, résultant de l'arrêt de 1777 : les riverains ne peuvent pratiquer sur le chemin de halage aucune fouille ni excavation, à moins de 6 toises (11m 69) des bords de la rivière. Enfin, dans son article 11, l'arrêt déclare ouvrages royaux, tous les ouvrages construits pour la facilité du halage; il enjoint aux maires, syndics et autres officiers municipaux des communautés riveraines, de veiller et empêcher que lesdits ouvrages ne soient détruits, dégradés ni enlevés; il ordonne que tous ceux qui feraient ou occasionneraient des dégradations, soient poursuivis extraordinairement, condamnés en une amende arbitraire, et tenus de réparer les choses endommagées. Comme on le voit, les termes de l'arrêt permettent les applications les plus étendues, et les tribunaux administratifs font rentrer dans ces prohibitions les hypothèses les plus diverses. Ainsi, ils décident que le fait de labourer le chemin de halage constitue une contravention de grande voirie (C. d'Etat, 17 janvier

1867; Lebon, 67, 85). Il en est de même du fait d'avoir laissé paître des bestiaux sur ce chemin (C. d'Etat, 18 février 1854; Lebon, 54, 148;

bon, 54, 219; - ibid., 13 avril

ibid., 22 mars 1854; Le

1856; Lebon, 56, 254;

ibid., 26 mars 1856. Lebon, 56, 209;

ibid., 2 fé

vrier 1859; Lebon, 59, 289; - ibid. 16 mars 1859; Lebon, 59, 210; ibid., 2 juin 1869; Lebon, 69, 566). La question serait peut-être plus délicate, dans le cas où on reprocherait à un propriétaire riverain d'avoir circulé soit en voiture, soit à cheval, sur le chemin de halage. Pourtant, il est généralement admis que ce fait rentrerait encore sous l'application de l'arrêt de 1777; le droit de circuler, si on le reconnaissait en principe aux riverains, serait absolument incompatible avec les nécessités de la navigation; le maintien de cette disposition est le seul moyen d'empêcher que le chemin de halage ne subisse des dégradations perpétuelles (C. d'Etat, 31 mai 1854; Lebon, 4, 514; — ibid., 19 mars 1864; Lebon, 64, 241; - ibid., 20 juin 1865; Lebon, 65, 642; ibid., 28 août 1865; Lebon, 63, 873). Peu importerait que la propriété des riverains se trouvât absolument enclavée et ne pût avoir d'autre issue que le chemin de halage (C. d'Etat, 9 juin 1859; Lebon, 59, 453). On peut dire dès-lors que le riverain enclavé se trouve ici dans le cas prévu par l'article 682, C. Civ. ; bien que son héritage confine au chemin de halage, il pourra réclamer sur les fonds de ses voisins un passage qui lui permette de gagner la voie publique (Toulouse, 19 janvier 1825; Sir., 25, 2, 119; Bordeaux, 15 janv. 1835; Dev., 36, 2, 334). Au surplus, l'administration qui cherche avant tout à favoriser l'exploitation des héritages ruraux, accorde volontiers des autorisations de circuler sur le chemin de halage, aux propriétaires qui lui en fout la demande; sur certains canaux, et notamment sur celui du Midi, des règlements spéciaux désignent nominati

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