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verbal et de celle du cahier des charges à lui délivrer. L'avance de ces différents frais devra être faite par vous, Monsieur le Préfet; le remboursement de ces avances se fera comme pour les adjudications de pêche. Je me réfère, à cet égard, aux instructions contenues dans ma circulaire du 1er décembre 1863. » Le ministre s'est réservé le droit de statuer en dernier ressort : 1° sur les plaintes qui lui seraient adressées par les agents de l'administration au cas de collision frauduleuse entre les enchérisseurs; 2° sur les demandes en réduction ou en décharge de prix que pourraient formuler les adjudicataires définitifs.

71. On admet sans difficulté que les rigoles d'alimentation des canaux font partie du canal lui-même; en effet elles n'ont pu être établies que sur des terrains acquis soit par l'Etat, soit par les concessionnaires (C. d'Etat, 23 février 1870; Lebon, 70, 165). Il n'y a pas non plus de contestation quant aux ponts qui traversent le canal; d'après la jurisprudence, les cahiers de charges imposant au propriétaire du canal l'obligation d'entretenir et de reconstruire ces ponts, lui reconnaissent ipso facto la propriété de ces ouvrages (C. d'Etat, 23 mai 1870; Lebon, 70, 615). Arrivent maintenant deux questions assez délicates: 1o Que faut-il décider à l'égard des terrains qui recouvrent le souterrain d'un canal? Un arrêté du Conseil de préfecture de la Charente-Inférieure avait refusé de les comprendre dans les dépendances du canal; M. le ministre des Travaux publics se pourvut contre cette décision. Le Conseil de Préfecture, disait-il, a vu dans le fait reproché à la femme Boulerne, un simple dommage causé à une propriété domaniale, et non une contravention de grande voirie, attendu que les terrains, sur lesquels l'herbe a été coupée, ne font pas partie des ouvrages constituant le canal, et dont les dispositions de l'arrêt du 24 juin 1777 ont pour but d'assurer la conservation. Il s'est, par ce motif, déclaré incom

pétent. Le Conseil de Préfecture me paraît être dans l'erreur. Le terrain qui enveloppe le souterrain d'un canal est incontestablement une dépendance du canal, au même titre que les levées et francs bords. Ce n'est pas là une propriété ordinaire régie par la loi civile. Il y aurait de graves inconvénients et même des dangers au point de vue de la conservation des voûtes, à admettre la doctrine du Conseil de Préfecture de la Charente-Inférieure. Il existe des souterrains sur la plupart des canaux ; leur périmètre est indiqué sur les plans, et il n'a pas été contesté jusqu'à présent que les règlements de grande voirie ne fussent applicables pour réprimer les contraventions qui seraient commises dans l'enceinte de ce périmètre. » Le Conseil d'Etat s'est prononcé dans le sens de l'avis ministériel, par arrêt du 21 novembre 1861 (Lebon, 61, 835). 2° Que faut-il décider à l'égard des chambres d'emprunt situées de chaque côté du canal? Suivant une doctrine acceptée par le ministère des Travaux publics, elles devraient, dans un but d'intérêt général, être considérées comme dépendances des canaux; elles se rattachent aux levées du chemin de halage et rentrent par conséquent dans l'ensemble des travaux exécutés par l'Etat. Dans l'espèce à laquelle nous faisons allusion, cette prétention de l'administration pouvait paraître des plus raisonnables; elle soutenait qu'il y avait contravention de grande voirie, dans le fait d'avoir coupé des saules plantés dans une chambre d'emprunt située au pied d'une digue du canal de Berry; elle faisait observer qu'il était indispensable, pour la conservation de cette digue, que la chambre d'emprunt fût tapissée de plantations touffues pour résister à l'action des eaux; sans ces plantations, il était impossible qu'on pût combler l'excavation qu'elle formait à une faible distance de la rive. Le Conseil d'Etat n'a pas cru pouvoir aller aussi loin, et le système proposé par le ministère des Travaux publics a été rejeté

par un arrêt du 27 janvier 1859 (Lebon, 59, 71). L'existence de ces chambres d'emprunt préoccupe, à juste titre, l'administration supérieure, qui cherche, autant que possible, à en prescrire la suppression; en tous cas, aux termes de la jurisprudence, l'Etat ou la Compagnie concessionnaire sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour leur assainissement; c'est ce qui a été décidé en thèse générale par arrêt du Conseil du 2 mai 1866 (Lebon, 66, 423).

72. La délimitation des canaux navigables est absolument soumise aux mêmes règles que la délimitation des rivières proprement dites. Les arrêtés du préfet intervenant en semblable matière, doivent se conformer strictement aux titres qui déterminent la largeur du canal et les droits soit de l'Etat, soit des concessionnaires sur les dépendances de ce canal. Si des terrains constituant une propriété privée, ont été sans cause compris dans le périmètre du canal, le seul mode de procéder sera, comme nous l'avons soutenu tant de fois, le recours contentieux du Conseil d'Etat qui annulera l'arrêté et remettra les propriétaires en possession. La question de savoir si tel ou tel terrain fait partie d'un canal, peut également se présenter comme question préjudicielle; ici, la jurisprudence n'a pas admis, comme elle l'a fait pour la délimitation des rivières, que le tribunal, juge de la question du fond, fût également juge de l'exception; nous ne pouvons, pour notre part, comprendre les motifs de cette différence. D'après les arrêts, si la question surgit au cours d'une instance pendante, le tribunal qui en est saisi doit, avant de statuer sur le fond, renvoyer les parties à se pourvoir devant l'autorité compétente, pour obtenir la délimitation préalable du canal ou pour faire reconnaître tels autres droits qu'elles prétendraient avoir. Nous citerons les termes de l'arrêt du Conseil du 19 juillet 1855 : « Considérant que la société du canal de Buzay soutient qu'elle

est propriétaire du canal et de ses levées qui en forment une dépendance; que la dame Le Bourdais prétend au contraire, que si ce canal, qui sert à l'entretien du desséchement des étangs et marais de Buzay et à la navigation, est placé sous la garde et la surveillance de l'administration, les levées dont s'agit lui appartiennent, en vertu de titres privés, et que par conséquent elle a droit à une indemnité, à raison des dégradations que leur ont fait éprouver les eaux du canal; que dans ces circonstances, il y avait lieu, par le Conseil de Préfecture, de surseoir à prononcer sur cette indemnité, jusqu'à ce qu'il eût été statué par l'autorité compétente sur les droits de propriété qu'elle prétend avoir sur lesdites levées..." (Lebon, 55, 550). Ce ne sera que dans des cas très-graves, que la question préjudicielle pourra être déférée à l'autorité judiciaire; presque toujours, il s'agira de rechercher quelle est la portée des actes administratifs contemporains de l'établissement du canal, c'està-dire des arrêts du Conseil, ordonnances, lois, décrets qui en ont fixé la largeur et le tirant d'eau réglementaire. Il faudrait, pour trouver une hypothèse où la compétence des tribunaux ordinaires fût indiscutable, supposer qu'un propriétaire riverain veut faire constater quels étaient, avant l'établissement du canal, ses droits sur des terrains qui en dépendent aujourd'hui. « Considérant que le préfet, par son arrêté de conflit, ne conteste pas la compétence de l'autorité judiciaire, pour le cas où l'action du sieur Ratier aurait seulement pour objet de faire reconnaître les droits. qu'il aurait eus à une servitude de passage sur les terrains dont il s'agit, avant qu'ils eussent été affectés au service du canal, ou qui lui auraient été réservés lorsque ces terrains ont été acquis en vue de cette affectation... » (C. d'Etat, 6 juin 1861; Lebon, 61, 479). Encore n'accepterions-nous pas sans réserve la dernière phrase de cet arrêt; l'appréciation des réserves auxquelles il fait allusion, ne nécessi

tera-t-elle pas l'intervention de l'autorité administrative? S'il est nécessaire de statuer sur le sens à donner à telle ou telle stipulation, sur la valeur de telle ou telle clause, il est évident qu'il ne s'agira plus seulement d'appliquer un acte administratif, mais de l'interpréter, ce qui est interdit aux juges civils. Les pouvoirs des tribunaux administratifs sont très-nettement consacrés par les arrêts intervenus sur la matière. Il en résulte : 1o qu'en cas de discussion sur l'étendue des francs-bords d'un canal de navigation, c'est aux tribunaux administratifs seuls qu'il appartient de statuer sur ce chef (Trib. des Conflits, 11 mars 1850; Lebon, 50, 445); 2° que les tribunaux administratifs peuvent seuls décider si un terrain, revendiqué par un particulier, fait ou ne fait point partie des dépendances d'un canal de navigation (Trib. des Conflits, 20 mars 1850; Lebon, 50, 471) ; 3° que dans une contestation portée devant l'autorité judiciaire entre le riverain d'un canal et l'Etat, relativement à la possession d'une zone de terrain attenant au canal, il y a lieu pour l'autorité administrative de revendiquer le droit de constater quelles sont, à cet endroit, les limites du domaine public (C. d'Etat, 2 août 1860; Lebon, 60, 599); 4o que dans une contestation entre l'Etat et un particulier, au sujet de parcelles de terrain que l'administration soutient être les dépendances d'un canal, les tribunaux ordinaires n'ont aucune qualité ni pour interpréter un acte de vente nationale, ni pour apprécier quelles ont pu être, à une époque donnée, les dépendances du canal (C. d'Etat, 13 déc. 1861; Lebon, 61, 898).

73. Les nécessités de l'alimentation des canaux ont donné lieu à d'assez nombreux procès. Il arrive souvent que les concessionnaires sont obligés pour se procurer le volume d'eau nécessaire, de détourner le cours d'une rivière ou tout au moins d'y faire des prises d'eau considérables, d'où un conflit presque inévitable entre eux et les particuliers qui

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