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frais de construction de ponts, canaux et autres travaux ou ouvrages d'art contruits sous cette condition; 4° les péages accordés à titre d'indemnité à des propriétaires légitimes de moulins, usines, bâtiments et établissements quelconques, supprimés pour raison d'utilité publique. » L'art. 16 obligeait seulement les propriétaires maintenus dans la jouissance de leurs péages à représenter dans l'année leurs titres aux directoires de département, faute de quoi la perception de ces droits devait être provisoirement suspendue. Vient ensuite la loi beaucoup plus sévère du 25 août 1792, qui, abrogeant l'art. 13 de la loi de 1790, n'admet plus d'exception qu'en faveur des seigneurs qui prouveraient par titres authentiques que les péages dont ils jouissaient antérieurement, étaient la représentation ou le dédommagement d'une propriété dont le sacrifice aurait été fait à la chose publique, et encore les droits ainsi maintenus pouvaient-ils être rachetés dans l'intérêt du commerce et de la navigation. La loi du 17 juillet 1793 fit disparaître les derniers vestiges de l'ancien régime: elle supprima tous les droits seigneuriaux maintenus en 1792 et par conséquent tous les péages conservés au profit des ci-devant seigneurs qui pouvaient établir par des titres primordiaux qu'ils ne les avaient acquis de la nation qu'à titre onéreux. La Convention ne laissait subsister que les droits de navigation perçus sur les canaux et les péages dont les produits étaient destinés à l'entretien des ponts et autres ouvrages d'art. C'est ainsi qu'un décret du 17 fructidor an II, rendu relativement au péage de Saint-Rambert, chargeait l'administration du département de Rhône-et-Loire du soin de vérifier siles propriétaires de ce droit étaient réellement chargés du balisage de la rivière. De même, un jugement du tribunal de Cassation du 26 germinal an VII (Dev. C. N. 1, 1,190), maintenait un droit de pontonnage perçu successive ment par la ville de Rouen et par l'Etat, pour la réparation du

pont de bateaux qui assurait alors la communication entre les deux rives de la Seine. En ce qui touche les canaux, les anciens tarifs n'avaient reçu aucune modification; seul, le canal du Midi avait été soumis à des règlements nouveaux. Le décret du 21 vendémiaire an V, que nous avons déjà cité, décidait que les droits à percevoir sur les voyageurs et sur les marchandises transportés par ce canal, seraient provisoirement portés à dix fois la valeur de ceux fixés par le tarif de 1684.

89. La loi du 14 floréal an X revint aux traditions de l'ancien régime. Sous le titre d'octroi de navigation intérieure, elle établissait des droits de péage spécialement affectés à l'amélioration des cours d'eau sur lesquels ils étaient perçus. Le gouvernement déterminait pour chaque cours d'eau en particulier, la quotité des droits qui pourraient être perçus et les lieux où seraient opérées ces perceptions. Cette législation arrivait fatalement à une conséquence déplorable. Aucune vue d'ensemble ne présida à la rédaction des divers tarifs qui furent appliqués aux principaux cours d'eau de France. La fixation de l'impôt, dit M. Grangez (Tr. des droits de navigation, p. 2 et seq.) avait été réservée au gouvernement, qui ne devait y procéder que d'après l'avis des Conseils et des commissions formées, dans chaque département, des délégués des parties intéressées. C'est ainsi que furent successivement rendus, sous forme de règlements d'administration publique, les arrêtés d'après lesquels fut établie la perception du droit de navigation intérieure. Ainsi s'explique le défaut d'uniformité qui entachait les bases elles-mêmes des tarifs qui furent alors adoptés purement et simplement, et qui depuis ne subirent que d'insignifiantes modifications. Formée sous ces influences locales, la loi offrait de bassin à bassin, de rivière à rivière, et quelquefois de bureau à bureau, des différences essentielles non-seulement dans la quotité des taxes, mais

encore dans le mode de perception. Sur telle rivière, le droit était fixé par bateau, avec la simple désignation des noms sous lesquels l'espèce était alors connue, et sans que rien eût réglé la dimension ou la capacité. Sur telle autre, les bateaux étaient divisés en deux ou trois classes et quelquefois plus en raison de leur longueur, sans que la largeur et le tirant d'eau fussent limités. Sur une autre encore, la largeur formait seule les classes. Dans un bassin, la largeur était imposée sur la charge possible, c'est-à-dire la capacité constatée, et dans un autre sur la charge réelle. Ailleurs, il frappait le poids, la mesure, le volume ou l'espèce des marchandises divisées en plusieurs classes. Les bateaux vides supportaient le quart, le tiers, la moitié ou même la totalité du droit imposé sur les bateaux chargés. Cette complication rendait la perception difficile. Le receveur et le contribuable étaient également embarrassés pour appliquer le droit ; l'expéditeur et le batelier ne pouvaient guère évaluer la dépense totale du voyage, lorsque la navigation embrassait plusieurs cours d'eau. D'un autre côté, le principe de spécialité inscrit dans la loi de l'an X n'avait pas tardé à disparaître; c'est ce qui fut consacré par la loi de finances du 23 septembre 1814. Une loi du 24 mars 1825 autorisa seulement l'administration à établir des droits de péage extraordinaires toutes les fois que la né

D'après les documents que M. Grangez a pu analyser, on payait par tonne et par distance de 5 kilomètres :

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cessité en serait reconnue. En présence de cet état de choses, le gouvernement avait songé de bonne heure à une révision de la loi de floréal; dès 1820, une commission spéciale avait été nommée pour étudier la question; le 6 avril 1824, elle présentait un projet de loi établissant sur tous les cours d'eau une taxe uniforme de 0 f. 04 par tonne et par distance de 5 kilomètres. Ce projet ne put être converti en loi à raison des nombreuses lacunes qu'il présentait; mais bientôt de nouvelles études furent réprises. On reconnut alors, suivant les expressions de M. Grangez (p. 6), qu'il fallait 1o faire payer l'impôt en raison de la distance parcourue; 2o asseoir la taxe sur le poids des marchandises; 3° faire servir le tonnage du bateau comme moyen de vérification; 4° ne pas imposer les bateaux vides; 5° ne pas taxer uniformément toutes les marchandises. Une loi du 20 mai 1834 appliqua ce système à la navigation de la basse Seine; deux années plus tard était promulguée la loi du 9 juillet 1836, dont les principales dispositions sont encore en vigueur et à l'étude de laquelle nous consacrerons quelques pages1.

90. Avant d'entrer dans l'examen des textes, il est nécessaire de trancher une question qui domine toute cette matière. Par quelle autorité des droits de navigation pourraient-ils être établis sur une rivière qui, antérieurement, en était exempte? On a soutenu plusieurs fois que les droits de navigation n'avaient pas le caractère d'un impôt véritable et ne constituaient, en réalité, que de simples taxes d'entretien; d'où la conséquence qu'ils pourraient être perçus en vertu d'un simple décret. On a argumenté en ce sens de l'article 3 de la loi du 30 floréal an X, déclarant

1 Nous nous bornerons, dans ce chapitre, à déterminer quel est le montant des droits de navigation proprement dits; nous ne nous préoccuperons pas des décimes qui, suivant les circonstances, peuvent être ajoutés par une loi spéciale au principal de l'impôt.

précisément que le gouvernement avait un pouvoir absolu pour soumettre à tel ou tel péage la navigation de chaque rivière. Ce système paraît avoir été accueilli en 1834 par la commission de la Chambre des Députés, chargée d'examiner le projet de loi sur la navigation de la Seine. « Les péages sur les rivières ne sont pas des impôts, mais des taxes destinées à l'entretien des travaux, taxes que doivent payer ceux qui en profitent en raison des avantages qu'ils en retirent. La jurisprudence se montre beaucoup plus sévère et exige formellement l'intervention du pouvoir législatif. (Trib. de la Seine, 1er février 1828; Gazette des Tribunaux du 2 février 1828; Crim. Rej. 25 fév. 1853; Dev. 55, 1, 511.) A l'appui, on invoque deux raisons qui nous semblent péremptoires: 1° L'article 24 de la loi de 1836 n'autorise le gouvernement à modifier les tarifs existants qu'à la condition de faire convertir en lois dans les premiers mois de la session suivante les ordonnances rendues à ce sujet ; 2° les droits de navigation figurent chaque année dans la loi de finances en tant qu'impôts indirects; ce qui établit d'une manière indiscutable leur qualité réelle.

Chose curieuse : l'administration avait elle-même acquiescé d'avance à cette solution; nous lisons dans une circulaire du Directeur général des Ponts et Chaussées, en date du 1er avril 1820. « Les droits de navigation constituent un impôt, assis sur une branche particulière d'industrie, et fondé sur les avantages que retire cette industrie des dépenses qui ont été faites pour la rendre plus facile par l'entretien des fleuves et des canaux.

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91. L'article 1er de la loi de 1836 porte qu'à dater du 1er janvier 1837, le droit de navigation intérieure sera perçu d'une manière uniforme sur toutes les parties de cours d'eau qui n'auront pas fait l'objet de concession particulière; à ce droit de navigation proprement dit, on assimile les droits de péage spécialisés perçus à cette époque

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