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vigation proprements dits et non pas aux droits accessoires perçus dans certaines circonstances spéciales; elle est absolument étrangère aux contraventions dont nous nous occupons actuellement, et il n'y a point lieu d'argumenter de ses dispositions pour les appliquer à une hypothèse qu'elle n'avait point en vue (Crim. Rej. 8 déc. 1854; Dev. 55, 1, 75).

§ II.

Police de la navigation fluviale.

A. Réglement général du 21 juin 1855.

B. Réglements particuliers aux baleaux à vapeur.
C. Réglements particuliers aux bateaux loueurs.

D. Organisation du service du halage.

E. Prescriptions particulières au transport par eau des marchandises explosibles.

Α

117. Le soin de régler la police de la navigation sur les cours d'eau navigables, a de tout temps appartenu aux autorités locales. Dans notre ancienne jurisprudence, les intendants étaient chargés, dans l'étendue de leur généralité, de prescrire toutes les mesures qui pouvaient assurer la libre circulation sur les rivières et canaux; nous aurons plus tard, en traitant des usines, à citer l'Ordonnance émanée en 1784 de l'intendant de Hainaut. A Paris, spécialement en ce qui touche l'approvisionnement de la cité, le bureau des Finances de l'Hôtel-de-Ville partageait ces attributions avec l'intendant de l'Ile-de-France; ainsi, nous verrons que l'autorité municipale s'était arrogé le droit de réglementer la circulation des trains de bois sur la Seine et ses affluents. Le principe que nous avons énoncé avait subi deux exceptions: 1° l'autorité royale avait seule le droit d'édicter des règlements applicables à toute l'étendue d'une rivière parcourant plusieurs généralités; nous citerons l'édit de décembre 1672 relatif à la navigation de

la Seine; l'arrêt du Conseil du 24 juin 1777 relatif à la navigation de la Marne; enfin l'arrêt du Conseil du 23 juillet 1783 relatif à la navigation de la Loire ; - 2o la concession d'un canal par l'autorité royale emportant avec elle le droit de haute et basse justice, il s'ensuivait que le concessionnaire ou ses représentants avaient seuls qualité pour prendre les mesures relatives au service de la navigation; le canal de Briare était régi par les ordonnances de son juge conservateur; le canal du Midi par celles du juge châtelain de Toulouse. En 1790, le droit de réglementer la navigation passa aux administrations de département et en l'an VIII aux préfets qui les remplacèrent; de son côté, le ministère des Travaux publics conserva le droit d'édicter des règlements généraux embrassant toute la partie navigable d'une rivière; quant au privilége des concessionnaires de canaux, il disparut avec les lois abolitives de la féodalité. En fait, l'administration supérieure n'usa de son droit que dans de très-rares circonstances; la plupart du temps, les arrêtés portant règlement général, émanèrent non du ministre lui-même, mais du Directeur général des ponts et chaussées. Toute latitude était laissée à l'initiative des préfets, qui peu à peu en vinrent à trancher jusqu'aux points de détail les plus insignifiants: l'ordonnance du préfet de police du 25 octobre 1840, applicable à la navigation de la Seine et de la Marne, peut être considérée comme le type le plus parfait des arrêtés promulgués dans la plupart des départements de 1800 à 1854. Le défaut de concordance entre ces divers règlements ne tarda pas à susciter les plaintes les plus nombreuses; les divergences qui se produisirent entre les différents tribunaux administratifs, mirent le comble aux embarras du commerce et de la batellerie; de toute part on demandait une législation uniforme qui prévînt le retour des anciens abus. Le ministère des Travaux publics prit le parti le plus sage; une Commission for

mée d'inspecteurs généraux des ponts et chaussées fut chargée de préparer les bases d'un règlement qui put servir de type pour les règlements à venir; les préfets étaient tenus désormais de se conformer à ces dispositions; leur droit se bornait à le compléter en y ajoutant toutes les prescriptions qui pourraient être rendues utiles par les nécessités locales. «Soumettre la navigation à un régime libéral, disait la circulaire du 21 juin 1855, qui sert en quelque sorte de préambule à ce règlement, n'interdire à chacun que ce qui peut nuire à la liberté de tous, et, au besoin, imposer à la batellerie les conditions nécessaires pour obtenir la rapidité et la régularité des transports, en un mot, encourager et rendre possible entre les voies navigables et les chemins de fer une concurrence profitable pour le commerce et les consommateurs; tels sont les principes généraux qui ont présidé à la rédaction de ce règlement. » Le règlement de 1855 se divise en sept titres dont nous étudierons le plus rapidement possible les principales prescriptions.

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118. Titre Ier. Conditions à remplir pour naviguer. L'article premier traite de la dimension des bateaux qui pourront circuler sur les rivières navigables; le réglement se borne à fixer d'une manière invariable la hauteur minima du bord au-dessus du plan de flottaison à 0,10. Quant à la longueur et à la largeur des bateaux, quant à leur enfoncement au-dessous du plan de flottaison, quant à leur hauteur au-dessus de ce même plan, on s'en remet à l'appréciation des préfets. Quelques indications leur sont cependant données sur les limites dans lesquelles ils doivent se renfermer. La longueur des bateaux devra, en général, être fixée de telle sorte que dans les écluses, lorsqu'ils touchent les murs de chute, il reste au moins 0m30 de jeu du côté des portes d'aval dans toutes les positions qu'elles occupent pendant leur mouvement. La largeur des bateaux devra être moindre de 020 que celle des écluses: toutefois, à titre transitoire,

les préfets peuvent, pour un temps plus ou moins long, autoriser la circulation sur les rivières des bateaux qui ne seraient point conformes à ces dimensions et qui auraient été construits avant la promulgation du nouvel arrêté. L'enfoncement du bateau sera inférieur de 0m 15 à la profondeur d'eau sur le fond normal du canal; cet enfoncement pourra être réduit par arrêtés spéciaux rendus dans des cas exceptionnels et notamment en cas de sécheresse ; avis sera donné de cette réduction par voie de publication et d'affiches, et les bateaux circulant sur le canal devront dès lors être allégés de telle sorte que leur tirant d'eau n'excède pas la profondeur ainsi fixée. Ces dimensions devront être rigoureusement observées sans qu'il y ait lieu à aucune tolérance; nous citerons comme exemple l'arrêt du Conseil du 28 décembre 1858 (Lebon, 58, 757) qui considère comme contravention de grande voirie le fait d'avoir fait circuler sur le canal de Mons à Condé un bateau ayant un tirant d'eau supérieur de deux centimètres à celui prescrit par l'arrêté du préfet du Nord du 26 décembre 1856. L'article 6 complète l'article 1er en réglementant la longueur et la largeur que pourront avoir les bateaux marchant en convois. L'édit de décembre 1672 avait laissé sur ce point toute liberté aux bateliers; l'article 2, chapitre II, leur imposait seulement l'obligation de découpler leurs bateaux au passage des ponts et de les passer séparément ; encore aucune peine n'était-elle prononcée contre ceux qui auraient contrevenu à cette prescription; l'édit se bornait à les déclarer civilement responsables de la perte des marchandises. L'Ordonnance de police du 25 octobre 1840 vint remédier aux inconvénients qui résultaient de cet état de choses en interdisant aux mariniers de descendre les trains par couplage (art. 9). Nous retrouvons cette prohibition dans le réglement de 1855. « Les bateaux pourront marcher en convois; ils ne seront ni accouplés, ni remorqués.

On pourra néanmoins en attacher deux l'un à la suite de l'autre, quand il sera possible de le faire sans augmenter le nombre de chevaux habituellement employés à la traction d'un seul bateau. Ne seront pas considérés comme bateaux accouplés ou doublés les bateaux reliés ensemble de manière à former un système invariable qui n'excède ni en longueur ni en largeur les dimensions fixées à l'article premier. » Généralement, on tolère que chaque bateau soit suivi d'un canot de secours; mais en même temps on exige que ce canot ne dépasse pas une certaine longueur et ne serve en aucun cas au transport des marchandises. Nous verrons du reste que de nombreuses exceptions sont apportées en pratique à la prohibition de l'article 6, notamment en ce qui touche le touage et le remorquage par bateaux à vapeur.

119. L'article 3 de notre titre veut que chaque bateau, train ou radeau, ait au moins un marinier à bord, et soit, en outre, muni de ses agrès en bon état et notamment de plusieurs ancres ou piquets d'amarre ainsi que des cordages nécessaires. Aux termes de l'article 4, les conducteurs de bateaux devront les soumettre, à certaines époques déterminées par l'arrêté préfectoral et plus souvent, s'ils en sont requis, à une vérification ayant pour objet de constater qu'ils sont en état de naviguer; que les échelles prescrites par la loi du 9 juillet 1836 et l'ordonnance réglementaire du 15 octobre suivant sont en cuivre; qu'elles n'ont subi aucune altération et que leur point zéro correspond exactement au tirant d'eau à vide. Cette vérification sera faite par les agents et dans les ports désignés à cet effet. En cas d'urgence, la vérification des bateaux en marche pourra être faite sur un point quelconque du canal par l'ingénieur ou par un agent qu'il déléguera spécialement; tout bateau reconnu en mauvais état sera retenu et ne pourra se remettre en marche qu'après avoir été convenablement réparé.

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