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neurs de bateaux à vapeur? En 1853, la chaudière d'un bateau avait fait explosion sur le Rhône à la hauteur d'Audance, et un certain nombre de passagers avait péri dans le fleuve. Des poursuites furent commencées contre le constructeur et le propriétaire du bateau, inculpés d'homicide par imprudence. La question se posait de la manière la plus nette; la Commission de surveillance avait non-seulement délivré au bateau un permis de navigation, mais dans ses visites postérieures, elle l'avait reconnu en parfait état; sur un rapport spécial demandé par le préfet du Rhône, il avait été choisi, en septembre 1852, pour le chef de l'état lors de son trajet de Valence à Avignon; tout se réunissait donc pour démontrer que le constructeur et l'entrepreneur avaient dû le considérer comme présentant toutes les garanties de sécurité possible. La Chambre du Conseil du tribunal de Tournon avait admis ce système et décidé en droit que les constructeurs et propriétaires étaient à l'abri de toute répression pénale, puisqu'ils s'étaient conformés aux prescriptions de l'Ordonnance de 1843; qu'ils n'avaient pu ni prévoir, ni empêcher un sinistre dont la responsabilité devait retomber toute entière sur ceux qui auraient dû constater le vice de la chaudière, si toutefois ce vice était appréciable. Sur l'appel du ministère public, ce jugement fut infirmé par la Cour de Nîmes, le 10 septembre 1853. Les motifs de cet arrêt ne peuvent, suivant nous, laisser place à aucune critique; la Cour fait remarquer combien la doctrine du tribunal de Tournon serait périlleuse pour la sécurité publique; « elle ne tendrait à rien moins qu'à supprimer toute responsabilité dans le cas où précisément cette responsabilité est le plus nécessaire. En effet, la Commission de surveillance n'offre d'autres garanties soit aux intérêts privés, soit à la société que la lumière de ses membres, leur intégrité et l'attention qu'ils apportent à leur examen; il est bien évident que ces garanties n'ont été créées par l'Ordon

nance de 1843 que pour accroître celles qui résultaient déjà des lois générales et non pour les remplacer en les supprimant; s'il fallait admettre qu'elles ont fait cesser la responsabilité des propriétaires et entrepreneurs, on arriverait à constater que l'Ordonnance aurait produit un résultat directement contraire aux intentions qui l'ont dictée. En résumé, les lois générales, c'est-à-dire l'art. 1382 C. Civ. et l'art. 319 C. pénal, continuent, même après l'Ordonnance de 1843, à peser sur ceux qui spéculent sur l'emploi des moyens de locomotion découverts par la science; au point de vue des intérêts privés, leur fortune est le gage de ceux qui auraient à souffrir de leur imprudence, et il est naturel qu'il en soit de même de leur personne, au point de vue de la société, lorsque leur imprudence aura occasionné soit la mort d'un voyageur, soit une blessure grave. »

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151. Sous cette rubrique : « Dispositions générales, la loi du 21 juillet 1856 organise la procédure qui devra être suivie en cas de contravention. L'article 21 nous indique les agents qui ont capacité pour constater les infractions aux réglements sur la police des bateaux à vapeur : « Les contraventions prévues par la présente loi sont constatées par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, les gardes mines, les conducteurs et les autres employés des Ponts et Chaussées et des mines, commissionnés à cet effet, les maires et adjoints, les commissaires de police, et, en outre, pour les bateaux à vapeur, les officiers de port, les inspecteurs et gardes de navigation, les membres de commissions de surveillance instituées en exécution des réglements, et les hommes de l'art qui, dans les ports étrangers, auront, en vertu de l'article 49 de l'ordonnance du 17 janvier 1846, été chargés par les consuls ou agents consulaires français de procéder aux visites des bateaux à vapeur. » L'article 22 traite de l'enregistrement des procès-verbaux et de la force probante qu'il y a lieu de leur attribuer. « Les procès

verbaux, dressés en exécution de l'article précédent, seront visés pour timbre et enregistrés en débet. Ceux qui ont été dressés par des agents de surveillance et gardes assermentés doivent, à peine de nullité, être affirmés dans les trois jours devant le juge de paix ou le maire, soit du lieu du délit, soit de la résidence de l'agent. Les dits procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire. Les procès-verbaux qui ont été dressés dans les ports étrangers par les hommes de l'art désignés en l'article 21 ci-dessus, sont enregistrés à la chancellerie du consulat et envoyés en originaux au ministère de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, afin que les poursuites soient exercées devant les tribunaux compétents. "La loi se préoccupe en outre : 1o du cas de récidive (art. 21). Il y a récidive lorsque le contrevenant a déjà subi, dans les douze mois qui précèdent, une condamnation pour infraction aux dispositions de la présente loi; l'amende et l'emprisonnement peuvent être élevés au double du maximum fixé pour chaque contravention; 2o des circonstances aggravantes. L'article 20, reproduisant les dispositions de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, décide que si les contraventions prévues dans les titres II et III de la présente loi, ont occasionné des blessures, la peine sera de huit jours à six mois d'emprisonnement et l'amende de cinquante à mille francs; que si elles ont occasionné la mort d'une ou plusieurs personnes, l'emprisonnement sera de six mois à cinq ans et l'amende de trois cents à trois mille francs; les dispositions des articles 319 et 320 C. pén., demeurent, bien entendu, applicables aux délits qui ne sont point prévus par l'un ou l'autre de ces deux titres et qui résultent du droit commun; 3o des circonstances atténuantes; possibilité d'appliquer l'article 463 du Code pénal (art. 23); 4° de la responsabilité des propriétaires de bateaux à vapeur. Article 18: « Le propriétaire du bateau à vapeur, le chef d'entreprise ou

le gérant, par les ordres de qui a lieu l'un des faits prévus par les articles 13, 14 et 16 de la présente loi, est passible de peines doubles de celles qui, conformément aux dits articles, seront appliquées à l'auteur de la contravention. ♥

152. Il arrive bien souvent que des arrêtés préfectoraux interviennent pour compléter les dispositions de l'ordonnance de 1843 et de la loi de 1856; d'où question de savoir quelle doit être la sanction de ces arrêtés. Nous ne pouvons que reproduire la distinction établie par nous d'une manière générale. Lorsque l'arrêté a pour objet d'assurer la conservation du cours d'eau et de ses rives, toute infraction constitue une contravention de grande voirie justiciable du Conseil de préfecture; lorsque l'arrêté a pour objet une mesure de sécurité publique, toute infraction constitue une simple contravention justiciable du tribunal de simple police. Dans le premier cas, il n'y a de pénalité à prononcer qu'autant qu'elle est prononcée par un ancien réglement, à moins que l'administration ne préfère qualifier la contravention d'infraction à un arrêté préfectoral et traduire le contrevenant devant le juge de simple police pour lui faire appliquer l'article 471 15° C. pén. Dans le second cas, l'article 471 15° C. pén. s'appliquera sans difficulté. D'après la jurisprudence, il faut considérer comme contravention de grande voirie l'infraction à un arrêté préfectoral portant qu'à la rencontre des bateaux halés, les bateaux à vapeur ne devront pas passer par tel bras de rivière, arrêté qui, pris en vertu de prévenir les obstacles et les dangers pouvant résulter de la rencontre de bateaux engagés en sens contraire dans les passages étroits de ce bras, a eu aussi pour objet la conservation des talus du chemin de halage et des maçonneries de la culée d'un barrage (C. d'Etat, 6 mai 1857; Lebon, 57, 354). D'autre part, il a été jugé qu'il y avait contravention exclusivement justiciable du tribunal de simple police: 1o lorsque contrairement à un arrêté

préfectoral les agents d'une compagnie de bateaux à vapeur ont négligé d'embarquer à un ponton, spécialement établi à cet effet, tous les voyageurs qui s'étaient présentés (C. d'Etat, 18 avril 1845; Lebon, 45, 195). 2° Lorsqu'un bateau à vapeur rencontrant en rivière un autre bateau ne lui a pas laissé libre le côté du halage (C. d'Etat, 19 juillet 1854; Lebon, 54, 664). 3o Lorsque, contrairement aux réglements, il ne se trouvait à l'avant du bateau à vapeur aucun marinier (C. d'Etat, 18 août 1857; Lebon, 57, 678). 4° Lorsqu'un bateau à vapeur a été introduit dans le sas d'une écluse avant la sortie d'une péniche qui l'occupait. (C. d'Etat, 6 janvier 1858; Lebon, 58, 19).

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153. Le toueur, dit M. Lalou (Manuel de la navigation, p. 212), est un bateau sans roue ni hélice, le plus souvent à fond plat et quelquefois à demi quille, muni à l'avant et à l'arrière d'un gouvernail de faible dimension, mobile par une roue d'engrenage, telle qu'en possèdent ordinairement les bateaux à vapeur. Ce bateau est muni d'une machine à vapeur fixe, d'une force proportionnée à la puissance qu'on veut donner au remorqueur (ordinairement vingt-cinq à trente chevaux). Cette machine sert à imprimer une rotation continue à deux treuils en fer égaux et successifs, égaux l'un à l'autre et placés sur le pont du toueur. Autour de ces treuils vient s'enrouler la chaîne qui passe de l'avant à l'arrière du bateau, en opérant sur sa route un triple cercle de révolution autour de ces treuils où elle est conduite par une aiguille de marche ou coulisse à poulie placée à chaque extrémité du bateau, et qui la conduit par d'autres coulisses jusque sur ces treuils et ensuite sur l'aiguille d'arrière. La chaîne est jetée en fond d'eau et scellée aux deux extrémités de la ligne que le toueur parcourt. Dans les vingt dernières années, de nombreuses lignes de

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