Page images
PDF
EPUB

nomination des chefs de pont: en fait, la nécessité d'un pilotage spécial est constatée par un arrêté du préfet chargé par les lois organiques de la police des cours d'eau et de la navigation; les ingénieurs de la navigation sont appelés à déterminer les limites dans lesquelles il sera obligatoire et les conditions auxquelles devra se soumettre le chef de pont. Généralement, l'entreprise du passage des bateaux est donnée à bail avec le titre de chef de pont par adjudication sur soumission cachetée, dans les formes prescrites pour les adjudications de travaux publics; le bail est fait au soumissionnaire qui offre la plus forte réduction sur le tarif de mise à prix fixé par les ingénieurs. Deux conditions sont exigées des concurrents: 1° production d'un certificat de capacité; 2° versement d'un cautionnement destiné à répondre des accidents et retards dans le service. Ce cautionnement doit être fourni en espèces ou en rentes sur l'Etat, et être tenu sans cesse au complet dans la caisse des dépôts et consignations. Les cahiers de charges imposent à l'adjudicataire l'obligation d'opérer par lui-même ou par ses aides le lâchage des bateaux ; il ne peut céder sans autorisation administrative son droit de bail, à peine de nullité de ladite cession et des actes qui la contiendraient. Il doit de plus assurer la régularité du service en se munissant, à ses frais, de cordages, de barquettes, flettes et tous autres agrès nécessaires, tant pour le service d'été que pour le service d'hiver; il s'adjoint à ses frais le nombre d'aides ou de mariniers qui sera reconnu nécessaire pour la sûreté des manoeuvres. Le lâchage des bateaux devra avoir lieu d'après le tour d'arrivée de chacun d'eux et d'après la déclaration qui aura été faite au bureau du chef de pont; les cahiers de charges fixent le délai maxima qui est accordé pour l'effectuer, sauf le cas de glaces et de hautes ou basses eaux; faute de se conformer à cette prescription, le chef de pont est passible d'une retenue sur son salaire ; en cas

d'urgence, les agents de la navigation peuvent faire procéder au lâchage à ses frais, risques et périls. Les tarifs des prix de lâchage et de remontage, tels qu'ils résultent de l'adjudication, doivent être inscrits sur des plaques métalliques aux frais du chef de pont et placés tant dans l'endroit le plus apparent de son bureau que dans les lieux qui lui seront indiqués aux approches du passage. Il lui est enjoint de se conformer à ce tarif, sous peine de résolution immédiate du bail, indépendamment des peines portées par la loi du 6 frimaire an VII, relativement à l'administration des bacs et bateaux; la résolution est prononcée par le Conseil de Préfecture, les peines par les tribunaux ordinaires. D'autre part est autorisée toute convention entre le chef de pont et les bateliers, qui aurait pour objet une diminution de salaires. L'administration ne doit aucune indemnité au chef de pont, lors de la cessation de son bail ; elle ne lui garantit en aucune manière l'exercice paisible de son droit la jurisprudence décide, en conséquence, qu'il n'a droit à aucun dédommagement, lorsque son emploi est supprimé à la suite de travaux qui auraient été exécutés dans le lit du cours d'eau (C. d'Etat, 25 avril 1842; Lebon, 42, 235).

172. Le chef de pont jouit d'un privilége absolu dans l'étendue de la circonscription qui lui est assignée. Au point de vue civil, il peut poursuivre en paiement des droits qui lui sont alloués tout conducteur de bateaux qui se refuserait à les acquitter; les cahiers de charges l'autorisent à procéder dans la forme fixée par la loi du 6 frimaire an VII; l'action sera nécessairement introduite devant les tribunaux ordinaires. Au point de vue pénal, il peut traduire directement devant les tribunaux de répression, les bateliers qui auraient eux-mêmes fait passer leurs bateaux sous les arches des ponts; il n'y a d'exception que pour certaines embarcations de dimensions restreintes et que

leurs conducteurs sont autorisés à manoeuvrer eux-mêmes ; ainsi pour la traversée de Paris l'Ordonnance du 18 mai 1847 citait comme pouvant circuler librement: 1° les bachots, doubles bachots, galoupilles et autres embarcations de même nature; 2° les bateaux de bains ; 3° les bateaux à vapeur, à draguer et autres analogues; 4° les margotas de moins de 16 mètres 50 centimètres, mesurés selon une ligne droite allant de l'avant à l'arrière et ayant 2 mètres 75 centimètres de largeur, s'ils n'étaient garnis ni de matières, ni de jambes de force, de seuils ou de bouletants. C'est une question assez délicate que de savoir quelle peine devra être appliquée aux contrevenants. Ici encore nous sommes renvoyés par les cahiers de charges aux dispositions de la loi de frimaire; il en résulterait 1o que le refus de payer le droit dû au chef de pont exposerait le contrevenant à une amende qui ne pourrait être moindre de la valeur d'une journée de travail, ni excéder trois journées, et qu'en cas de récidive, il y aurait lieu, outre l'amende, à un emprisonnement d'un jour au moins et de trois au plus; 2° que le tribunal de simple police serait compétent pour statuer sur la contravention; 3° que des peines spéciales pourraient être prononcées vis-à-vis de ceux qui se livreraient à des voies de fait vis-à-vis du chef des ponts ou qui encourageraient la fraude. Cette extension de la loi de frimaire, bien que consacrée par un arrêt de la Cour de cassation (Crim. Rej. 22 mai 1830; Dalloz, vo Voirie par eau, n° 663) nous semble inadmissible; il est plus que téméraire de soutenir que notre hypothèse est entrée dans les prévisions du législateur de l'an VII; les cahiers de charges, en déclarant que cette loi lui est applicable, auraient donc eu pour résultat de créer une pénalité, ce qui est absolument inadmissible. Un second système consacré par un arrêt du Conseil du 4 mars 1830 (Lebon, 30, 115) veut qu'on se réfère aux pénalités de l'Ordonnance de 1672, et admet ici la

compétence des tribunaux administratifs. Il nous suffira de répondre que les dispositions auxquelles il est fait allusion sont bien certainement abrogées depuis la suppression des anciens offices des maîtres de pont; nous ferons remarquer en outre que les arrêtés préfectoraux et les ordonnances de police établissant des chefs de pont ont bien soin de ne pas viser l'Ordonnance, mais de s'appuyer uniquement sur la loi de 1790, chargeant l'administration de prendre toutes les mesures nécessaires à la sécurité de la navigation. Le plus sage, suivant nous, est de considérer cette contravention comme une simple inobservation d'un arrêté administratif légalement pris, et d'appliquer l'article 471 15° C. Pénal; bien entendu les injures et voies de fait commises à cette occasion, rentreront sous l'empire du droit commun : il est toutefois bon d'observer que les chefs de ponts ne pourraient être considérés comme agents de l'autorité publique, et qu'il n'y aurait pas lieu d'infliger au délinquant l'aggravation de peine résultant de ce chef.

173. Les Ordonnances de police et cahiers de charges déclarent les chefs de ponts responsables 1o des retards qu'ils apporteraient à la descente et au remontage des bateaux; nous avons déjà eu occasion de dire que, dans cette hypothèse, ils supportent par chaque jour de retard une retenue équivalente au quart de leur salaire : les bateliers, au cas où ce retard leur aurait causé un préjudice extraordinaire, conservent leur droit à réclamer de plus amples dommages-intérêts; ce sera une question de fait à débattre devant les tribunaux. Le chef de pont ne pourrait se soustraire au paiement de l'indemnité réglementaire qu'en excipant d'un cas de force majeure, tel par exemple que l'innavigabilité de la rivière; et encore est-il obligé d'en rendre compte immédiatement aux agents du service de la naviga2o De leurs manoeuvres et de celles de leurs aides ou mariniers. Toute avarie provenant de leur fait engage

tion.

leur responsabilité pécuniaire; en prévision de ce cas, les cahiers des charges exigent qu'ils visent à l'avance les lettres de voiture dont doivent être porteurs les conducteurs de bateaux, et constatent ainsi la quantité et la nature des marchandises confiées à leur conduite; à défaut des mariniers et conducteurs d'exhiber ces lettres de voiture, ils ne seront, en cas de naufrage ou autre accident, responsables que des marchandises qu'ils déclareront eux-mêmes avoir composé le chargement du bateau naufragé ou avarié. Le cautionnement fourni par le chef des ponts est affecté à la garantie des indemnités qui pourraient tomber à sa charge ou des condamnations qui seraient prononcées contre lui ou ses agents, dans le cas où il aurait, à dessein, mis en péril les bateaux et marchandises à lui confiés. Ajoutons en dernier lieu qu'il aurait recours, pour le montant de l'indemnité par lui payée, soit contre les aides qui auraient été cause de l'accident, soit contre les tiers qui ne se seraient point conformés à ses instructions et n'auraient point exécuté les manoeuvres prescrites; c'est ce qui résulte d'un jugement du tribunal de Versailles du 9 janvier 1846.

B

174. Ainsi que nous l'avons vu, les canaux de navigation concédés à des particuliers, restent soumis à la surveillance générale de l'administration. Les agents des Ponts-etChaussées sont chargés vis-à-vis d'eux d'un véritable service de contrôle : ils vérifient si les conditions des cahiers de charges sont strictement remplies et tout particulièrement si le canal est en bon état de navigabilité. A un autre point de vue, l'administration peut seule poursuivre la répression des contraventions de grande voirie qui viendraient à être constatées; le concessionnaire serait sans droit, ni qualité pour agir lui-même devant le Conseil de Préfecture. (C. d'Etat, 6 mars 1856. Lebon, 56, 185; ibid, 25 juin 1857.

« PreviousContinue »