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1132) un arrêté par lequel le Conseil de préfecture de la Nièvre s'était déclaré compétent pour statuer sur un procès-verbal dressé par les agents de la Compagnie du commerce des bois des petites rivières et constatant qu'un usinier avait fait établir dans le Sozay des ouvrages non autorisés. M. Godart de Belboeuf, commissaire du gouvernement, avait fait justice des arguments mis en avant pour défendre la décision attaquée. Fallait-il chercher dans les anciens édits la raison d'être de la compétence administrative? Or, en supposant même que ces anciens édits eussent attribué compétence spéciale à la juridiction administrative du bureau de la ville, il est évident que cette attribution de juridiction a dû disparaître avec les lois de la révolution. Fallait-il s'attacher à la loi du 29 floréal an X? Elle exclut virtuellement notre hypothèse, puisqu'elle ne considère comme contraventions de grande voirie que celles commises sur les rivières navigables. Fallait-il dire enfin que la compétence administrative est ici nécessaire parce que ces rivières sont affectées à un service public? Mais les chemins vicinaux, les places et rues des villes ou bourgs sont affectées à un service public et ne cessent pas pour cela de faire partie de la petite voirie. M. Godard de Belbœuf terminait par une observation fort juste : Il est à remarquer que dans l'état actuel de la législation, il n'existe que deux espèces de voirie, la grande et la petite voirie ; quant à une troisième catégorie, placée sous un régime mixte, qui ne serait ni la grande, ni la petite voirie, mais qui participerait de l'une et de l'autre, nous n'en avons trouvé trace nulle part. De quel droit la juridiction administrative, se substituant à l'autorité de la loi, prendraitelle l'initiative de cette création que repousse toute la législation ancienne et moderne ? »

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§ III.

A. Conditions imposées dans l'intérêt de la navigation.

B. Conditions imposées dans l'intérêt du Trésor public.

c. Obligation pour les concessionnaires de supporter tous les frais de l'instruction.

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A.

267. La première condition qui est imposée au concessionnaire d'une prise d'eau est de ne point dépasser le niveau légal de la retenue fixé par le réglement de son usine: On entend par niveau légal d'une retenue la hauteur à laquelle l'usinier doit, par une manoeuvre habile des vannes de décharge, maintenir les eaux en temps ordinaire et les ramener autant que possible en temps de crue. » La pente d'un cours d'eau navigable ou flottable n'appartient à aucun point de vue aux propriétaires riverains, et l'administration peut disposer de cette pointe comme elle l'entend; aux termes d'une jurisprudence constante, les décisions qu'elle prend dans le but d'assurer la répartition des eaux entre l'industrie et la navigation ne sont pas susceptibles d'être attaquées par la voie contentieuse (Conseil d'Etat 2 mai 1866. -- Lebon, 66-418; -- ibid; 28 février i869. Lebon, 69-231.) - La circulaire de 1851 spécifie les points sur lesquels doit se porter l'attention des ingénieurs chargés de fixer le niveau légal de la retenne : « La fixation de ce niveau, dit-elle, doit être faite de manière à ne porter aucune atteinte aux droits de l'usine supérieure et à ne causer aucun dommage aux propriétés riveraines. Ce n'est que dans l'examen attentif des circonstances de chaque affaire que MM. les ingénieurs trouveront les moyens de satisfaire à la première de ces conditions. On ne saurait non plus poser, pour la seconde, de règles générales. La différence à maintenir entre le niveau de la retenue et les

points les plus déprimés des terrains qui s'égouttent directement dans le bief varient avec la nature du terrain, le genre et le régime du cours d'eau. A défaut d'usages locaux, et, s'il n'est pas reconnu nécessaire d'adopter des dispositions particulières que MM. les ingénieurs devront motiver avec soin, l'administration admet que cette différence doit être au moins de 0m 16. On ne devra pas cependant prendre, pour base de l'application de cette règle, quelques parties du terrain peu importantes qui pourraient présenter une dépression exceptionnelle. Lorsqu'au lieu de recevoir directement les eaux de la vallée, le bief est ouvert à micôte et supérieur à une partie des terrains qui le bordent, la règle précédente n'est plus seule applicable. Il faut alors que les terrains riverains inférieurs au bief soient protégés contre le déversement des eaux, par des berges naturelles ou des digues artificielles dont la hauteur soit au moins de 0m 30 au-dessus de la retenue. Les digues artificielles auront en général une largeur de 0m 60 en couronne et des talus réglés à 3 de base pour 2 de hauteur. MM. les ingénieurs ont d'ailleurs à reconnaître, dans ce cas, si les eaux de toutes les parties de la vallée que la retenue affecte ont un écoulement assuré, et à prescrire, s'il y a lieu, les dis positions nécessaires pour leur évacuation, en tant que ces dispositions peuvent être mises à la charge de l'usinier. » M. de Passy (Et. sur le service hydraulique, p. 19) fait observer que de pareils travaux ne doivent être imposés au permissionnaire que sur des terrains qui lui appartiennent ou dont les propriétaires réclament ou autorisent ces travaux ; c'est là, en effet, une application de ce principe que le réglement d'une retenue ne doit renfermer aucune charge impérative vis-à-vis des tiers. En d'autres termes, les tiers ne peuvent être contraints de céder à l'usinier les terrains nécessaires pour y établir les ouvrages dont s'agit; aucune servitude ne peut être constituée sur leurs fonds dans le

but d'assurer l'écoulement des eaux, s'ils n'y consentent, formellement; mais, à un autre point de vue, rien n'empê cherait l'administration d'imposer au concessionnaire l'obligation de se mettre d'accord avec ses voisins et d'obtenir d'eux, à ses risques et périls, l'autorisation d'établir tels ou tels ouvrages sur les terrains leur appartenant; elle peut même stipuler que la concession de prise d'eau ne produira aucun effet tant qu'il ne lui sera pas justifié de cette entente.

268. Pour constater si le niveau légal de la retenue n'est pas dépassé, il doit être placé près de l'usine, en un point apparent et de facile accès, désigné, s'il y a lieu, par l'ingénieur, un repère définitif et invariable; le zéro de ce repère indique le niveau légal de la retenue. D'après le modèle annexé à la circulaire de 1851, la clause imposée au concessionnaire est ainsi libellée : « Il sera posé près de l'usine, en un point qui sera désigné par l'ingénieur, un repère définitif et invariable du modèle adopté dans le département. Ce repère, dont le zéro indiquera seul le niveau légal de la retenue, devra toujours rester accessible soit aux fonctionnaires publics, soit aux particuliers qui ont intérêt à vérifier la hauteur des eaux. Le permissionnaire ou son fermier seront responsables de la conservation du repère définitif ainsi que des repères provisoires jusqu'à la pose du repère définitif. » La validité de cette clause qui accorde, comme on le voit, un droit de passage sur la propriété de l'usinier à tous ceux qui ont intérêt à vérifier le repère, n'a pendant longtemps donné lieu à aucun doute; les tribunaux l'acceptaient sans difficulté. C'est ainsi que le 27 mai 1847, le Conseil d'Etat rejetait le pourvoi formé devant lui par un sieur Vitcoq contre une ordonnance royale qui l'obligeait à ouvrir et à entretenir un sentier d'accession pour l'usage des personnes à qui il importait à consulter le repère de police de son niveau d'eau. La Cour de Cassation interprétant, cette

prescription avait décidé : 1° que l'usinier n'avait point le droit de clore son héritage de manière à empêcher l'accès des intéressés; 2° que dans le silence de l'acte administratif d'où résultait cette servitude, c'était à l'autorité judiciaire qu'il appartenait d'en règler le mode d'exercice. (Req. Rej., 21 avril 1863. -- Dev. 64-1-484; -- D. P. 64-1-288.) Malgré ces décisions, les usiniers ne cessèrent de réclamer ; ils alléguaient que si l'administration pouvait prendre toutes les mesures nécessaires dans l'intérêt de la navigation et de la police des eaux, elle ne pouvait cependant pas aller jusqu'à porter atteinte à un droit de propriété privée : que dans un intérêt général elle exerçât sa surveillance par le ministère de ses agents; qu'elle les autorisât à pénétrer dans l'usine et à y vérifier le repère aussi souvent qu'ils voudraient, rien de mieux : mais n'excédait-elle point ses pouvoirs en admettant à y participer des tiers qui n'agissent que dans leur intérêt privé? A ces considérations, on se bornait à répondre par l'axiome : « qui peut le plus, peut le moins; le chef de l'Etat, le préfet pouvaient refuser l'autorisation demandée; pourquoi dès lors n'auraient-ils pas pu la soumettre à telle ou telle condition?« MM. les ingénieurs que j'ai consulté sur le pourvoi du sieur Arson, disait en 1864 M. le Ministre des travaux publics, ont fait observer qu'un pourvoi semblable à celui des requérants a été repoussé par le Conseil d'Etat: que l'établissement d'une retenue sur les cours d'eau n'est pas de droit commun et doit être assujettie aux conditions jugées nécessaires par l'administration qui, seule, peut autoriser ces retenues; que dans l'espèce, il ne s'agit nullement de maintenir le passage ouvert et accessible à tous, même la nuit ; que le barrage est à une courte distance de la propriété et qu'il suffit d'établir un sentier de 25 mètres de longueur qui peut être clôturé latéralement et à son extrémité ainsi que le plan l'indique. Après examen, d'accord avec le Conseil gé

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