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ouvrages; il leur suffit de prescrire en termes généraux que ces canaux soient disposés de manière à embrasser à leur origine les ouvrages auxquels ils font suite et à écouler facilement toutes les eaux que ces ouvrages peuvent débiter 1. Nous ajouterons: 1° que les ingénieurs devront prendre des mesures exceptionnelles lorsque des usines situées en aval se trouvent alimentées elles-mêmes par les eaux de ce canal de décharge; ils fixeront alors les conditions auxquelles devra se soumettre l'usinier supérieur, et les charges qui lui seront imposées; 2° qu'il est indispensable d'imposer à l'usinier l'obligation de n'établir aucune construction qui puisse faire obstacle à la libre transmission des eaux du reste, même dans le silence de l'acte d'autorisation, l'administration pourrait, en vertu de son droit de police générale, s'opposer à toute entreprise de ce genre et ordonner la destruction immédiate de l'ouvrage incriminé. (C. d'Etat 8 mai 1861. -- Lebon, 61-347).

270. La circulaire de 1851 laisse une latitude complète aux ingénieurs, en ce qui touche certains autres travaux accessoires tels que rétablissement de gués, ponceaux ou aqueducs et qui peuvent être commandés par certaines nécessités locales. A côté des énonciations de cette circulaire, nous signalerons l'article 371 du règlement sur le service des chemins vicinaux arrêté par les préfets en 1854 conformément aux instructions ministérielles : « Si un chemin vicinal est traversé par un canal de moulin ou d'usine, créé de main d'homme ou par un courant d'eau dévié par des travaux artificiels, les ponts à rétablir ou à réparer seront à la charge du propriétaire de l'usine ou de l'auteur des travaux. » M. Aucoc a émis des doutes sérieux sur la

1 Formule annexée à la circulaire du 23 octobre 1851 :

« Art. Les canaux de décharge seront disposés de manière à embrasser à leur origine les ouvrages auxquels ils font suite et à écouler facilement toutes les eaux que ces canaux peuvent débiter. >>

légalité de cet article: que le préfet insère une clause de cette nature dans une autorisation individuelle rien de mieux; l'usinier sera tenu de s'y conformer. Mais en résulte-t-il qu'il ait le droit d'imposer une semblable obligation à tous les usiniers, même dans le silence de leur acte d'autorisation? N'y a-t-il pas au contraire quelque chose d'excessif à ce qu'il statue a priori et d'une manière générale sur une question de cette nature? Le savant président de section faisait remarquer qu'à force de reproduire des dispositions de loi, le règlement de 1854 était arrivé à en faire, c'est-à-dire à régler par arrêté préfectoral des points que le législateur seul pouvait régler et pour lesquels il n'avait donné aucune délégation aux préfets. « Tel est, disait-il en 1865 devant la section du contentieux, le cas de l'article 371 des règlements préfectoraux. Assurément, le préfet peut bien, lorsqu'un usinier lui demande l'autorisation de faire passer des eaux sous un chemin vicinal pour faire mouvoir son usine, n'accorder cette autorisation qu'à la condition que toutes les conséquences de la dérivation des eaux et notamment la construction et l'entretien des ponts sur le chemin vicinal seront à la charge de l'usinier. Nous comprenons qu'il pose cette règle dans son arrêté : cela rentre dans les détails de conservation que l'article 21, mai 1836, donne au préfet le droit de régler. Mais autre chose est cette condition mise à une autorisation et la disposition insérée dans l'article 371 du règlement, disposition qui est générale et absolue, qui s'applique à tous les ponts à établir ou à réparer, et qui ne distingue même pas entre le cas où le chemin aurait été créé postérieurement aux dérivations, et le cas où les dérivations seraient postérieures à l'établissement du chemin. A notre avis, cet article n'a aucune valeur légale, c'est un simple memento d'une règle d'équité, et encore, il aurait besoin d'être rectifié à ce point de vue. » D'où cette conséquence, que l'inobservation de cet

article 371 ne tomberait point sous le coup de l'article 471, § 15, C. Pén. - Dans tout ce qui concerne ces travaux accessoires, les ingénieurs doivent formuler leurs propositions en termes généraux et éviter autant que possible d'empiéter sur les attributions des autorités locales. Ils se garderont surtout de proposer l'adoption de clauses qui n'auraient aucune raison d'être au point de vue de l'utilité générale ou qui n'auraient aucun trait au régime du cours d'eau: l'administration commettrait, en les sanctionnant, un véritable excès de pouvoir; elle a le droit de réglementer la police des cours d'eau, mais elle n'a point celui de prescrire des mesures qui ne se rapporteraient à ce but que d'une manière tout-à-fait détournée. C'est ainsi qu'il a été successivement décidé : 1° qu'un préfet ne pourrait, en vue de faire droit aux réclamations présentées par des usiniers rivaux, enjoindre à un particulier de modifier une partie des ouvrages établis depuis un temps très-reculé dans l'intérieur de son parc pour y régler l'usage d'un cours d'eau à son passage dans la propriété, de créer un certain nombre de nouveaux ouvrages, enfin de déplacer sur une certaine étendue la clôture dudit parc afin de rendre ces ouvrages visibles et accessibles (C. d'Etat, 19 juin 1863.- Lebon, 63-496); 2° qu'un préfet excéderait ses pouvoirs en mettant à la charge d'un usinier une série de travaux qui seraient destinés moins à prévenir les dommages que le maintien de la retenue à son niveau actuel pourrait causer aux propriétés voisines qu'à procurer sur les deux rives du bief le dessèchement d'une étendue considérable de terrains d'une nature marécageuse (C. d'Etat, 24 fév. 1865. - Lebon, 65 237); 3° qu'un préfet excéderait également ses pouvoirs en prescrivant de substituer à un barrage fixe un barrage mobile, lorsqu'il est constant que son arrêté n'est pas intervenu dans un intérêt général, mais pour satisfaire aux réclamations d'un usinier supérieur (C. d'Etat, 4 août 1866. Lebon, 66-936).

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271. Une fois la chute d'eau concédée, l'usinier est absolument maître d'en disposer comme il l'entend et au mieux de ses intérêts. « MM. les ingénieurs, porte la circulaire du 23 octobre 1851, n'ont, en aucun cas, à régler la chute de l'usine, ni les dispositions du coursier et de la roue hydraulique. On comprend facilement que l'administration peut néanmoins, en vertu de son droit de réglementation, s'opposer à tous les abus qui lui seraient signalés dans la construction de l'usine: elle aura fréquemment à intervenir lorsque la manière dont la chute est disposée semble constituer un danger pour les propriétés voisines et les menace d'inondations, lorsque la transmission des eaux s'opère d'une manière nuisible, ou lorsque les résidus provenant de l'usine sont déversés dans le canal de décharge et ultérieurement dans le courant de la rivière; généralement elle prescrit dans ce dernier cas l'établissement d'une grille ou ratelier formant claire voie : l'usinier devra prendre toutes les précautions nécessaires pour que les résidus n'interceptent pas le cours des eaux en s'accumulant le long de cette grille. Il va de soi que, sur les cours d'eau navigables, la dimension des vannes motrices peut être fixée par l'acte d'autorisation : quelquefois même, cet acte va plus loin et n'autorise leur ouverture qu'à telles ou telles époques, à tels ou tels moments de la journée. Sur les cours d'eau non navigables la règle est diamétralement opposée ; c'est ce que dit la circulaire de 1851: « Sur les rivières non navigables, ni flottables, hors les cas de partages d'eau dans lesquels l'administration peut être appelée à déterminer la situation respective des divers intéressés, les dimensions des vannes motrices doivent être laissées à l'entière disposition du permissionnaire; il n'y a pas lieu non plus d'imposer l'établissement de vannes de prises d'eau en tête des dérivations, ni de fixer la largeur et la pente des canaux de dérivation toutes les fois qu'il n'est pas reconnu néces

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saire dans l'intérêt des propriétés riveraines ou par suite de quelque disposition locale, de régler l'introduction des eaux dans ces cananx. » La règle, ainsi posée pour les cours d'eau non navigables, doit être complétement retournée lorsqu'il s'agit des cours d'eau navigables: en réglementant la dimension des vannes motrices, l'administration sauvegarde les intérêts de la navigation et agit par conséquent dans la limite de ses pouvoirs. Aussi, l'article 6 du formulaire annexé à la circulaire de 1851 prescrit-il d'indiquer la dimension de ces vannes et la hauteur de leurs seuils par rapport au niveau légal. Quelquefois même, il y aura lieu d'exiger l'établissement d'une vanne de compensation annexée à la vanne motrice, ayant exactement la même dimension qu'elle et s'élevant nécessairement par l'effet d'un levier lorsque celle-là vient à être baissée. L'utilité de cet ouvrage sera surtout sensible lorsque des usines se trouvent situées sur le bief au-dessous du nouvel établissement et qu'il est nécessaire de conserver dans ce bief un courant d'eau régulier et continu. Nous ferons observer, en terminant, qu'en principe l'usinier n'est pas tenu de coopérer au curage de la rivière mais, d'autre part, l'administration a le droit de lui imposer une clause formelle à ce sujet : nous reviendrons sur ce point dans notre prochain volume, lorsque nous examinerons les dispositions de la loi du 14 floréal an X; nous aurons spécialement à nous demander si cette clause ne doit pas être sous-entendue, toutes les fois que l'existence de l'usine aura pour résultat d'augmenter l'amoncellement des sables et du gravier dans le lit de la rivière.

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B.

272. Sous l'ancien régime, les prises d'eau étaient accordées à titre permanent et moyennant le paiement d'un capital une fois versé ; il est impossible de se dissimuler qu'il

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