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mémoires produits par les ayant-droit des rôles de recouvrement sur les particuliers. On a élevé la question de savoir s'il y avait lieu d'assujettir au timbre: 1° les quittances des ingénieurs lorsqu'elles ont pour objet des sommes supérieures à dix francs; 2° les autres pièces produites ultérieurement pour justifier la quotité des frais des travaux et leur recouvrement. L'affirmative n'est pas douteuse; les seules quittances exceptées du droit de la formalité du timbre sont les quittances de traitement et émolument des fonctionnaires et employés salariés par l'Etat et les pièces relatives à l'administration publique (Loi du 13 brumaire an VII, art. 16, no 1). Les autres quittances ou pièces sont soumises à ce droit comme rentrant dans la catégorie des actes et écritures devant ou pouvant faire titre ou être produits pour obligation, décharge, justification, demande ou défense (Loi précitée, art. 12, n° 1). Or, dans l'espèce, les frais et honoraires quittancés ou dont il est justifié, sont à la charge non de l'Etat mais des particuliers. Si pour faciliter le paiement de ces frais, les départements font des avances aux ingénieurs, ils n'agissent néanmoins que comme intermédiaires entre ces fonctionnaires et les particuliers tenus en définitive de supporter la dépense. (Décision du ministre des finances du 13 mars 1865). «

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276. Il arrivera souvent qu'à côté des frais et dépenses faits dans son intérêt personnel, un usinier devra supporter des frais et dépenses faits exclusivement dans l'intérêt d'un tiers c'est ainsi que bien souvent les actes d'autorisation lui imposent l'obligation d'exécuter certains travaux pour éviter l'inondation des propriétés voisines et notamment de relever les berges de son bief: les frais d'étude et de construction afférents à ces travaux peuvent parfaitement être mis à sa charge: un arrêté conçu en ce sens ne constituerait pas un excès de pouvoir (C. d'Etat, 1er mai 1862. Lebon, 62-368). En sens inverse, il peut se

faire que des tiers soient appelés à contribuer aux frais nécessités par l'instruction de la demande ; il suffit de supposer que ces tiers ont un intérêt commun avec le demandeur en concession: comme ils retireront un avantage de la décision intervenue, il est juste de mettre à leur charge une part proportionnelle des dépenses faites pour arriver à la dite décision. Aussi a-t-il été reconnu que l'on ne pouvait mettre à la charge exclusive d'un usinier la reconstruction d'un barrage qui avait été construit, non-seulement pour le service de son usine, mais encore pour maintenir dans la rivière la quantité d'eau nécessaire pour assurer l'alimentation d'une ville voisine, ainsi que pour satisfaire aux besoins de la navigation et qui, de plus, faisait partie des ouvrages d'art dépendant d'une citadelle (C. d'Etat, 3 août 1865. - Lebon, 66-931). D'après l'article 34 de la loi du 16 septembre 1807, la répartition des frais et dépenses sera faite entre les divers intéressés par un règlement d'administration publique. Lorsqu'il y aura lieu de pourvoir aux dépenses d'entretien ou de répartition des mêmes travaux, au curage des canaux qui sont en même temps canaux de navigation et de desséchement, il sera fait des règlements d'administration publique qui fixeront la part contributive du gouvernement et des propriétaires. Il en sera de même lorsqu'il s'agira de levées, de barrages, de pertuis d'écluses auxquels des propriétaires de moulins ou d'usines seraient intéressés. Il est bien. certain que ces règlements d'administration publique ne constituent point une décision en dernier ressort, et que les parties lésées conservent tous les droits pour en attaquer les dispositions. Au premier abord, rien ne semblerait. s'opposer à ce qu'elles pussent les attaquer par la voie contentieuse au cas où elles y verraient un excès de pouvoir. Mais la jurisprudence du conseil ne leur permet pas de suivre cette voie : on peut consulter en ce sens les arrêts des 1er septembre 1868 (Lebon, 58-626) et 14 janvier 1869

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(Lebon, 69-50). Ces décrets, disent-ils, sont des actes pris par l'administration dans la limite de ses pouvoirs et c'est lorsqu'il sera poursuivi pour le paiement de ses frais, lorsqu'il sera mis en demeure d'exécuter ses travaux que l'usinier devra se pourvoir devant l'autorité compétente pour faire décider s'ils pouvaient être mis à sa charge et dans quelles proportions il devait les supporter. Quelle est maintenant l'autorité compétente à laquelle font allusion ces arrêts? Aucune difficulté en ce qui concerne les frais d'instruction: le décret du 21 mai 1854 porte que le recouvrement en sera opéré comme en matière de contributions directes; par conséquent, les réclamations contre l'exécutoire que le préfet aura délivré suivant les proportions fixées par le règlement d'administration publique, devront être déférées au conseil de préfecture par application de la loi de pluviose an VIII. Mais, quid s'il s'agit d'un acte administratif fixant la portion de travaux à exécuter par chacun des intéressés et non plus seulement la portion de frais incombant à chacun d'eux? L'arrêt du 17 septembre 1858 porte qu'aucune disposition législative n'attribue au conseil de préfecture le droit de prononcer sur des contestations de cette nature; que dès lors, il excéderait les limites de sa compétence en statuant sur les réclamations qui lui seraient déférées dans ces termes. Quelques personnes en ont conclu que le jugement de ces réclamations devait appartenir à l'autorité judiciaire : c'est, suivant elles, ce qui aurait été jugé, d'une manière beaucoup plus explicite, le 14 avril 1853 (Lebon, 53-474). Mais ce dernier arrêt est intervenu dans une hypothèse toute différente: aucun acte administratif n'avait fixé les proportions suivant lesquelles la dépense serait répartie entre les intéressés : par conséquent, le Conseil d'Etat pouvait, sans se heurter aux règles fondamentales du droit administratif, s'appuyer sur ce principe que le conseil de préfecture ne

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peut statuer que sur les litiges dont la connaissance lui est déférée par un texte formel. Dans notre espèce au contraire, admettre la compétence judiciaire, ce serait arriver à ce résultat exorbitant qu'un décret ou un arrêté régulièrement pris par l'administration dans l'exercice de ses pouvoirs, pourrait être mis à néant par l'autorité judiciaire. C'est donc fort heureusement, suivant nous, que le Conseil d'Etat est revenu sur sa jurisprudence de 1858. D'après l'arrêt du 14 janvier 1869 (Lebon, 69-49), on doit considérer les contestations dont s'agit comme des difficultés s'élevant en matière de grande voirie et entraînant dès lors compétence du conseil de préfecture aux termes de la loi de pluviose. S'il y a lieu à l'occasion de ces difficultés, d'examiner des conventions intervenues entre les intéressés, l'examen de cette question préjudicielle sera bien entendu réservé aux tribunaux ordinaires; le conseil de préfecture devra surseoir jusqu'à leur décision; mais cela n'empêche point qu'à lui seul appartienne en fin de compte le droit de réviser l'acte administratif contre lequel sont dirigées les réclamations. Nous ferons observer d'ailleurs, que l'usinier peut, après s'être conformé à l'arrêté administratif, après avoir payé les frais ou exécuté les travaux mis à sa charge, conserver la faculté de recourir plus tard contre ceux qui, suivant lui, auraient dû en supporter la charge et répéter contre eux ce qu'il croit avoir payé en trop. Ici, ce sera un débat purement civil et qui ressortira aux tribunaux ordinaires : l'administration n'a point à y figurer, puisque, quoiqu'il arrive, l'acte émané d'elle aura été exécuté selon sa forme et teneur.

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278. Pour terminer ce sujet, il nous reste à parler des honoraires et indemnités que les usiniers peuvent être tenus de payer aux ingénieurs à l'occasion des règlements d'eau. - Décret du 7 fructidor an XII, Article 75: « En exécution de l'article 13 du présent règlement, lorsque les ingénieurs des Ponts et Chaussées auront prêté leur ministère

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pour l'exécution des lois et décrets impériaux et des jugements des cours et lorsqu'ils auront été commis pour des travaux dépendant de l'administration publique, de celle des départements et des communes, ils seront remboursés de leurs frais de voyage et autres dépenses, et ils recevront en outre des honoraires proportionnés à leur travail. Ces honoraires seront déterminés par le temps qu'ils auront employé soit à faire des plans et projets, soit à en suivre l'exécution, sans que la base puisse être établie sur l'étendue des dépenses. Les ingénieurs fourniront l'état de leurs frais et indemnités dont ils seront remboursés d'après l'approbation, le règlement et le mandat du préfet. Ce mandat sera exécutoire contre les particuliers qui, intéressés dans une affaire administrative contentieuse ou judiciaire, auront été déclarés devoir supporter les frais dus à l'ingénieur et il sera procédé au recouvrement par voie de contrainte, comme en matière d'administration. Ce texte a été constamment entendu par l'administration en ce sens que les instructions relatives à l'établissement des usines devaient figurer au premier rang parmi les affaires donnant lieu à une perception d'honoraires au profit des ingénieurs. Pendant de longues années, cette prescription fut acquittée sans contestation par les usiniers eux-mêmes; ce n'est qu'en 1849 qu'un avocat du barreau d'Evreux, M. Raymond Bordeaux, émit des doutes sur sa légalité. En présence des abus qui se commettaient dans la pratique et de la facilité avec laquelle les mémoires des frais et honoraires étaient taxés dans les bureaux des préfectures, il se demanda si celte charge, si lourde pour l'industrie privée, lui était bien réellement imposée par le décret de l'an XII. Il arriva à cette conclusion que les travaux des ingénieurs, en matière de cours d'eau, sont compris dans les attributions pour lesquelles ces agents reçoivent un traitement du Trésor; qu'en instruisant les affaires de cette nature, ils procèdent comme

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