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sur un massif de maçonnerie ou bien fixés latéralement au mur ou à la berge du bief, soit par une pièce de bois battue au refus d'un mouton ou d'une forte masse. M. Nadault de Buffon ajoute fort justement qu'il doit être baigné par les eaux auxquelles il sert de règle, de manière à être ostensible à tous les yeux : un repère dont la vérification exigerait une opération de nivellement ne serait par le fait à l'usage de personne. Le repère devra être rattaché par les ingénieurs à des points fixes servant de contre-repères ; ils prendront ces points sur une maçonnerie invariable telle que le seuil d'une porte ou l'appui d'une fenêtre; ils pourront en outre conserver, à titre de contre-repère supplémentaire, l'ancien repère provisoire.

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283. Lorsque les travaux exécutés sont conformes aux dispositions de l'acte d'autorisation, l'ingénieur se borne à en proposer la réception et transmet le procès-verbal de récolement en triple expédition à l'ingénieur en chef, qui le soumet, avec son avis, à l'approbation du préfet. L'une des expéditions est transmise au ministère des travaux publics; une autre est déposée aux archives de la préfecture, et la troisième à la mairie de la situation des lieux. Dans l'hypothèse contraire, la circulaire du 23 octobre 1851 veut que le permissionnaire soit immédiatement mis en demeure de se conformer à la décision intervenue. Si les travaux ne se rapportent pas aux dispositions prescrites, mais s'ils n'en diffèrent que d'une manière insignifiante, et, s'il paraît inutile de prescrire la stricte exécution du décret ou de l'arrêté préfectoral, l'ingénieur est autorisé cependant à en proposer la réception définitive; mais avant de dresser les trois expéditions, il convient que cette proposition soit soumise à l'approbation du ministre des travaux publics avec l'avis du préfet. Si les travaux diffèrent notablement des dispositions prescrites, les ingénieurs proposent au préfet de mettre le permissionnaire en de

meure de s'y conformer dans un délai déterminé. Au cas où le préfet approuverait ces dispositions, il prendra un arrêté de mise en demeure sans qu'il soit besoin d'en référer à l'administration supérieure, et à l'expiration du délai, il pourra ordonner la mise en chômage de l'usine ou de la prise d'eau et même la destruction des ouvrages dommageables. Au cas où il ne serait point de l'avis des ingénieurs, il devrait se borner à transmettre leurs propositions au ministre des travaux publics, en y joignant son avis particulier. La circulaire du 27 juillet 1852 est venue mettre ces prescriptions d'accord avec la législation inaugurée par le décret de décentralisation: « Il sera procédé, dans les formes indiquées par la circulaire du 23 octobre 1851, au récolement des ouvrages qui auront été définitivement autorisés ou prescrits. Vous prononcerez, après avoir pris l'avis de MM. les ingénieurs et sauf recours des parties devant le ministre, sur toutes les difficultés que pourrait faire naître l'inexécution de quelques-unes des prescriptions de vos arrêtés ou des règlements intervenus avant le décret du 25 mars sur les matières dont la décision vous est déléguée. Vous ne devrez en référer à l'administration supérieure, en ce qui concerne les affaires actuellement comprises dans vos attributions, que pour difficultés relatives à l'exécution de décisions ministérielles rendues sur le recours des parties intéressées.

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S V.

284. On appelle bief, disait Merlin (Rép. v° Bief), le canal qui sert à recevoir et à conduire l'eau nécessaire pour faire mouvoir un moulin. Le bief est, comme on le voit, l'accessoire indispensable de toute usine qui n'est pas située sur la rivière elle-même et qui ne fonctionne qu'au moyen

d'une dérivation de ses eaux ; aussi, est-il admis sans conteste que celui qui vend ou qui loue une usine hydraulique, vend ou loue ipso facto le droit qu'il peut avoir sur le bief de cette usine. Mais jusqu'où doit s'étendre cette assimilation entre le bief et le corps même de l'usine? Telle est la difficulté que nous avons à examiner en ce moment. Aucun doute ne s'élèvera lorsque l'usinier sera propriétaire des terrains qui séparent son établissement du point de la rive où aura lieu la prise d'eau ; son droit de propriété sur le bief ne saurait être contesté sous quelque prétexte que ce soit. Nous ne rencontrons pas non plus beaucoup d'embarras lorsque la situation réciproque de l'usinier et des propriétaires dont le bief de l'usine traverse l'héritage, se trouvera réglée par un titre : tout au plus, les parties pourraient-elles être en discussion sur l'interprétation de ce titre. M. Demolombe (T. XI, no 132) observe fort justement que les obscurités qui pourraient naître des termes plus ou moins ambigus de l'acte, devraient être surtout dissipées par l'exécution que cet acte aurait reçue, par le genre des travaux au moyen desquels le canal aurait été établi, et par les faits de possession. Mais nous ne pouvons suivre le savant professeur, lorsque s'appuyant de l'autorité d'un arrêt des requêtes du 24 juillet 1839 (Dev. 39-1-918), il soutient que si les moyens d'interpréter le titre font défaut, on doit décider que ce titre ne renferme que la concession d'une simple servitude d'aqueduc; nous verrons en effet qu'aucune présomption n'est admissible a priori en faveur soit des riverains, scit des usiniers, et qu'il y a lieu de s'attacher purement et simplement aux règles ordinaires en matière de preuve. Supposons maintenant l'absence de toute titre régulier : dans le doute, à qui devons-nous reconnaître la propriété du bief? Est-ce à l'usinier? Est-ce aux propriétaires dont il traverse les héritages? Tout d'abord, nous mettrons de côté l'hypothèse où l'eau n'est pas

amenée à l'usine par un canal entièrement artificiel : c'est ce qui a lieu toutes les fois que le canal d'amenée emprunte sur la totalité ou sur une partie de son trajet le lit d'un cours d'eau; bien que des travaux aient été faits pour en élargir et rectifier le cours, pour en modifier les pentes et la direction, ce cours d'eau n'en subsiste pas moins avec son ancien caractère; les travaux entrepris par l'usinier sont insuffisants pour lui en conférer la propriété et pour supprimer les droits antérieurs des riverains ces derniers continueront à jouir comme par le passé sans avoir à se préoccuper de ce fait que le cours d'eau sert le canal d'amenée à un établissement. Cette solution s'applique a fortiori au cas où ces travaux de rectification ont été entrepris, non seulement pour assurer le roulement de l'usine, mais encore pour satisfaire à une nécessité publique : ce sont là des points de fait dont les tribunaux sont souverains appréciateurs. (Req. Rej., 15 fév. 1854; D. P. 54-1-55.-Civ. Rej., 25 avril 1854; Dev., 54-1-458; D. P. 54-1139; Req. Rej., 3 décembre 1866; Dev., 67-1-64; D. P., 67-1-126. Orléans, 13 décembre 1855; Dev., 55-2-340; Liége, 6 mars 1867; Pas., 67-2-154; Paris, 23 juin 1866; Bulletin, 66-567. — Grenoble, 27 juin 1870; D. P., 70-2-207). La question que nous avons à examiner doit donc se formuler ainsi : « Un canal artificiel créé pour l'alimentation d'une usine doit-il être présumé appartenir à l'usinier ou aux riverains? L'usinier en jouit-il à titre de propriété ou bien à titre de simple servitude? »

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285. On conçoit qu'une semblable situation ait, à raison de son intérêt pratique, attiré depuis longtemps l'attention des jurisconsultes. Nos anciens auteurs sont unanimes pour décider que le canal d'amenée est une partie nécessaire et intégrante de l'usine; que le canal et l'us peuvent être séparés et appartenir à deux maîtres différents; que le droit de l'usinier sur le canal ne peut en conséquence cé

III.

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der que devant des titres formels émanés de lui. Henrys (suite du Livre IV. Quest. 147, T. II, p. 825) rapporte en ce sens deux arrêts des 13 décembre 1608 et 15 juillet 1656 confirmatifs de sentences du bailliage de Montbrison : « Comme en cette province de Forez et en plusieurs autres, ajoute-t-il, un moulin ne peut être moulin sans sa prise d'eau, il s'ensuit aussi que sa prise d'eau est une partie nécessaire, intégrante et presque la principale, puisque sans elle le moulin serait inutile; d'où il faut pareillement inférer que le béal ou canal qui conduit l'eau au moulin n'est pas seulement un simple accessoire ou dépendance, mais plutôt que c'en est une portion inséparable, et qui, prise conjointement avec les bâtiments, ne fait qu'une seule chose, par conséquent que celui qui est propriétaire du moulin, l'est aussi du béal ou canal qui y conduit l'eau, que le sol lui appartient, et qu'il faut croire qu'avant que de bâtir le moulin, il s'est assuré de la prise d'eau et du passage d'icelle; que c'est un droit primitif et qui a dû être le premier dans l'exécution, aussi bien que dans l'intention; parce qu'en effet, celui-là serait ridicule, qui, après avoir édifié un moulin, chercherait où prendre l'eau et où la faire passer. Il faut donc que cela précède, et il doit s'en assurer c'est pourquoi le béal et l'endroit où il passe est toujours censé joint au moulin et appartient au maître. » Brillon s'expliquait de même le 27 novembre 1702, en portant la parole au Grand Conseil, en qualité de substitut du Procureur Général : « Comme un moulin ne peut pas être moulin sans sa prise d'eau, puisque sans elle le moulin serait inutile, l'on peut dire que celui qui est propriétaire du moulin l'est aussi du canal qui conduit l'eau ; car, il faut croire qu'avant de construire le moulin, il s'est assuré de la prise d'eau, du passage, de la conduite. » Telle était également l'opinion de Rousseaud de la Combe (vo Eaux, § 2), du nouveau Denizart (v° Bief) et enfin de Souchet, dans

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