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règlements d'eau qui touchent en général des intérêts nombreux et complexes ne doivent intervenir qu'après un examen complet, et qu'une fois rendus, ils ne doivent être modifiés qu'avec une extrême réserve. Quand ces actes ressortissaient exclusivement au chef du pouvoir exécutif, ces principes dirigeaient l'administration supérieure; elle s'interdisait à elle-même le droit de faire ouvrir des enquêtes tendant à remettre en question les règlements existants. Dès lors, elle doit tenir à ce qu'on ne s'écarte pas des mêmes principes, aujourd'hui que le décret de décentralisation vous a transporté, Monsieur le Préfet, les pouvoirs qui avant ce décret appartenaient exclusivement au chef du gouvernement en Conseil d'Etat. En conséquence, et pour prévenir la mobilité qui, en s'introduisant dans les arrêtés réglementaires pourrait en affaiblir l'autorité et inquiéter ces intérêts auxquels se rattachent ces actes importants, il convient, Monsieur le Préfet, qu'aucune demande en révision ne soit soumise aux enquêtes avant que l'administration supérieure, sur l'avis préalable de MM. les ingénieurs, ait été d'abord consultée. Le décret de décentralisation, en remettant le droit de faire des règlements à l'autorité préfectorale placée plus près des divers intéressés, ne fait que donner une importance nouvelle aux prescriptions de la circulaire du 23 octobre 1851. Ces observations, vous le comprenez, M. le préfet, s'appliquent à plus forte raison aux cours d'eau du domaine public proprement dit, sur lesquels les règlements continuent à émaner de Sa Majesté en son Conseil d'Etat; elles me paraissent d'ailleurs suffire pour lever les incertitudes que pourraient faire naître les termes de la circulaire du 27 juillet 1852, qui doit se combiner avec les dispositions précitées de la circulaire du 23 octobre 1851. » Nous ajouterons que cette instruction a pour but de restreindre les pouvoirs de l'autorité administrative; qu'en conséquence, il y aurait lieu, suivant la juris

prudence du Conseil d'État, à recours contentieux si le préfet avait réglementé d'office une usine sans prendre auparavant l'avis de l'administration supérieure.

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302. L'exploitation des usines hydrauliques doit avoir lieu conformément aux lois et règlements sur la police fluviale et la navigation. A côté des textes généraux qui interdisent toute prise d'eau non autorisée, toute dégradation aux ouvrages faits en rivière, nous rencontrons une série de textes n'ayant qu'un intérêt local, et ne s'appliquant qu'à une seule rivière, souvent même qu'à une seule usine. Un grand nombre d'entre eux sont antérieurs à la révolution; les lois de 1790 et de 1791 qui ont statué sur la police et les cours d'eau ne les ont pas abrogés et ultérieurement l'article 484 du Code pénal est venu les maintenir de la manière la plus formelle; un grand nombre d'arrêts du conseil, cités par nous au cours de ce travail, appliquaient encore les pénalités qu'ils avaient édictées, sauf les modifications introduites par la loi du 23 mars 1842. Nous citerons, par exemple, l'Ordonnance de 1672 relative aux moulins et usines établis sur la Seine et sur les rivières qui y affluent ; l'arrêt du Conseil du mois de septembre 1711 prescrivant diverses mesures de police applicables aux usines dans l'étendue de la généralité de Bordeaux; l'arrêt du Conseil du 5 novembre 1734 réglementant les usines établies sur le Doubs; l'arrêt du Conseil du 17 juillet 1782 enjoignant aux propriétaires des usines situées sur la Garonne d'enlever les bancs de sable qui viendraient à se former dans la distance de cinquante toises au-dessus et au-dessous de leurs établissements; l'arrêt du conseil du 23 juillet 1783 spécial à la Loire enfin les deux Ordonnances de l'intendant de Hainaut, l'une du mois de décembre 1785 limitant la dimension

des vannes motrices des usines établies sur l'Escaut, l'autre du 21 juin 1786 contenant des dispositions réglementaires pour les usines ou moulins situés sur le cours de la Sambre. Aucune difficulté ne s'élèvera lorsque les infractions constatées tomberont sous le coup, soit de ces anciens arrêts du Conseil ou de ces Edits et Ordonnances, soit de l'article 1 de la loi du 29 floréal an X; ce seront des contraventions de grande voirie dont la poursuite et la répression auront lieu par voie administrative. D'autre part, toutes les fois que ces infractions ne tomberont pas sous l'empire de ces dispositions pénales, l'usinier pourra néanmoins être poursuivi en vertu de l'article 471, § 15 du Code pénal. Le décret présidentiel, l'arrêté préfectoral qui lui imposent telles ou telles conditions constituent bien réellement des règlements faits par l'autorité administrative dans l'exercice de ses fonctions; et cette dernière, si elle ne veut point recourir à une mise du chômage qui semble toujours arbitraire, est libre de s'adresser au Tribunal de simple police qui prononcera contre l'usinier la peine édictée par cet article 471. Il faut confesser que ce n'est pas sans peine que l'on établira dans les questions de détail la limite exacte de la compétence judiciaire et de la compétence administrative; on se trouve dans l'impossibilité absolue de formuler a priori une règle précise et qui puisse conduire à donner une solution à peu près uniforme dans les espèces qui se présenteront. Tout se réduira à rechercher si en l'absence. d'un texte spécial relatif à la rivière sur laquelle la contravention a été commise, la dite contravention ne peut pas être rattachée à l'une de celles énumérées par l'arrêt du 24 juin 1777, l'arrêté du 19 ventose an VI, ou la loi du 29 floréal an X. C'est en nous plaçant à ce point de vue que nous signalerons comme absolument erronée la doctrine émise par M. Bourguignat (T. I, n° 405), lorsqu'il soutient que l'usinier qui a dépassé le point d'eau fixé administrati

vement ne saurait être réputé avoir commis une contravention de grande voirie et ne tomberait que sous le coup de l'article 471, § 15 du Code pénal. (Nous ne parlons pas, bien entendu, du cas ou cette surélévation a eu pour conséquence l'inondation des propriétés voisines; nous reviendrons dans quelques minutes sur cette hypothèse). L'arrêt du 24 juin 1777 punit d'une amende de 500 livres ceux qui auront altéré le régime des rivières navigables; or, l'exhaussement du point d'eau d'une usine a pour résultat immédiat d'affaiblir les eaux de la rivière; c'est là une des altérations les plus graves qui puissent être apportées à son régime. Ce que nous disons est si vrai que l'arrêté de nivose an VI qui, d'après son préambule, a pour but de rappeler à l'observation des anciennes lois et principalement de l'arrêt de 1777, interdit aux riverains comme ayant été antérieurement prohibées toutes entreprises de ce genre. Sans pouvoir excéder le niveau qui aura été déterminé » porte l'article 10. M. Bourguignat fait, du reste, observer que l'administration ne poursuit qu'avec la plus extrême réserve le simple fait de surélévation; qu'elle apprécie toujours les circonstances et n'agit que si l'usinier se trouve en faute soit par négligence, soit par imprudence; qu'en fait, elle accorde aux maîtres d'usines pour le niveau de leurs eaux une tolérance de plusieurs centimètres, suivant l'importance et la hauteur des bergeş, et ne donne suite aux procès-verbaux dressés contre eux que s'ils ont négligé d'ouvrir les vannes de décharge en temps opportun.

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303. Le Code rural des 28 septembre 6 octobre 1791 réprimait tout abus de jouissance imputable à l'usinier et qui avait pour résultat des dommages ou dégradations causées à la propriété d'autrui. Il prévoyait deux faits bien distincts: 1° Inondation des propriétés voisines par suite de la trop grande élévation du déversoir d'une usine. Article 16: « Les propriétaires ou fermiers des moulins et usines construits ou

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à construire, seront garants de tous dommages que les eaux pourraient causer aux chemins et aux propriétés voisines, par la trop grande élévation du déversoir. Ils seront forcés de tenir les eaux à une hauteur qui ne nuira à personne et qui sera fixée par le directoire du département, d'après l'avis du directoire de district; en cas de contravention, la peine sera d'une amende qui ne pourra excéder la somme du dédommagement: « L'article 457 du Code pénal a radicalement modifié cette disposition et a précisé d'une manière beaucoup plus nette les caractères du délit d'inondation : « Seront punis d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et des dommages-intérêts, ni être au-dessous de cinquante francs, les propriétaires ou fermiers, ou toute personne jouissant de moulins, usines ou étangs, qui, par l'élévation du déversoir de leurs eaux au-dessus de la hauteur déterminée par l'autorité compétente, auront inondé les chemins ou les propriétés d'autrui; s'il est résulté du fait quelques dégradations, la peine sera, outre l'amende, d'un emprisonnement de six jours à un mois. » Que l'article 457 du Code pénal ait abrogé la décision ci-dessus visée de la loi de 1791 et puisse seul aujourd'hui recevoir son application, c'est ce qui ne saurait être mis en doute depuis l'arrêt de rejet de la chambre criminelle du 4 novembre 1824 (Dev., C. N. 7-1-550); le fait d'inondation est donc aujourd'hui un délit, qui, conformément aux règles du droit commun, ne peut se prescrire que par trois ans ; la prescription annale admise quant aux contraventions rurales ne saurait être invoquée en semblable circonstance. Les conditions essentielles de ce délit se dégagent bien nettement à la simple lecture de notre article. Il faut d'abord qu'il y ait eu préjudice causé hors de là, l'usinier ne pourrait être poursuivi que pour infraction aux clauses de l'arrêté ou du décret qui a autorisé son usine; ce ne serait, suivant les cas, qu'une contravention de grande voirie ou une contravention de

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