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simple police dans les termes de l'article 471, § 15; l'ar- || ticle 457 ne serait pas applicable, et il y aurait incompétence radicale du Tribunal de police correctionnelle. « Attendu que le seul fait d'avoir mis des planches au-dessus du déversoir du moulin et d'avoir fait élever les eaux de la rivière dans son lit, sans qu'elles aient reflué sur les fonds voisins, ne pourrait être un délit qu'autant que ce surhaussement aurait été expressément prohibé par une autorité compétente..... » Crim. Cass., 16 frimaire an XIV. (Dev., C. N., 2-1-190). La preuve du dommage éprouvé peut se faire par tous les moyens possibles; ainsi, la partie plaignante n'est point tenue d'en justifier par un procèsverbal à l'exclusion de tout autre mode de constat : un arrêt de Cassation rendu par la Chambre criminelle, le 4 sept. 1835 (Dev., 35-1-160) qualifie de motifs erronés en droit, les considérants d'un arrêt de Rouen, suivant lequel l'existence du délit ne pourrait résulter des énonciations contenues dans un rapport d'expert. Le dommage peut consister, ou en une simple inondation, ou en des dégradations plus ou moins fortes, qui auront été la suite directe de cette inondation; l'exposé des motifs de l'article 457 nous montre quelles étaient les préoccupations du législateur lorsqu'il faisait une distinction entre ces deux cas, relativement à l'application de la peine. La loi des 28 septembre - 6 octobre 1791 ne distingue point, lorsque l'inondation a causé des dégradations, ou lorsqu'elle n'en a point occasionné. Ces deux cas sont trop différents pour que la peine doive être la même; le nouveau code établit la distinction. Si aucune dégradation n'a eu lieu, si, par exemple, il n'est résulté de l'inondation d'autre mal que d'avoir interrompu pendant quelque temps la communication sur un chemin ou passage, une amende seule sera prononcée; mais, s'il y a eu des dégradations, le mal étant plus considérable, la désobéissance à l'autorité doit être plus sévèrement punie. Le

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code porte un emprisonnement outre l'amende; cet emprisonnement, quoique de courte durée, suffira pour l'efficacité de l'exemple. "La seconde condition est que le préjudice ait été causé par l'élévation du déversoir au-dessus de la hauteur fixée par l'autorité administrative; tout dommage ayant une autre cause ne peut être puni en vertu de l'article 457. Cet article ne saurait donc régir le cas où la hauteur du déversoir n'aurait pas été fixée par l'autorité administrative; nous allons voir, du reste, dans le paragraphe suivant, que l'autorité n'est pas toujours désarmée en présence de semblables entreprises et peut souvent s'armer d'un autre texte contre les contrevenants. (Crim. Cass. 2 février 1816; Dev., C. N. 5-1-147). Il serait également inapplicable si l'inondation était survenue alors que les eaux se trouvaient au-dessous du niveau légal du déversoir; l'usinier doit ici être déchargé de toute responsabilité pénale, et c'est aux parties lésées à s'adresser à l'administration, pour qu'elle prescrive, s'il y a lieu, l'abaissement du déversoir (Crim. Cass. 25 août 1808; Dev., C. N. 2-1-572).

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Enfin, le délit doit être imputable à certaines personnes limitativement énumérées par la loi : « propriétaires, fermiers, ou tout autre personne jouissant de moulins, usines et étangs. M. Bourguignat (T. I, no 411) enseigne que, si l'usine est l'objet d'un bail, c'est le locataire seul qui doit être poursuivi et qui subira la peine, puisqu'il se trouve pour tout ce qui concerne la marche de l'établissement substitué aux droits du propriétaire. Vainement, en vue de se décharger sur celui-ci de la responsabilité qu'il aurait encourue, alléguerait-il le mauvais état du système hydraulique de l'usine; vainement, prétendrait-il qu'il lui était impossible d'y donner le jeu nécessaire pour empêcher la surélévation des eaux. L'excuse serait inefficace, dit le savant auteur; le locataire, qui avait contre le propriétaire une action pour l'obliger aux grosses réparations, devait s'être mis en me

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sure; il n'avait qu'à réclamer à temps la mise en état du système hydraulique de l'établissement; ne l'ayant pas fait, il doit s'imputer sa négligence à faute et en subir les conséquences. Cette doctrine ainsi formulée nous paraît susceptible de critique; nous ne croyons pas qu'en principe le propriétaire de l'usine doive être nécessairement exonéré de toute responsabilité pénale: lui aussi peut avoir, dans certains cas, une faute directe à se reprocher; il suffit de supposer, qu'averti par son locataire des dangers que l'état de l'usine faisait courir aux propriétés voisines, il n'ait pas pris ses précautions pour y parer immédiatement. Suivant M. Bourguignat, il ne saurait être compris dans la prévention, toutes les fois qu'il n'aurait point été contraint judiciairement de procéder aux réparations nécessaires. Il faut, suivant nous, dire au contraire que le bailleur ne sera à l'abri d'une poursuite qu'autant que les faits incriminés se seront passés en dehors de lui et en quelque sorte, malgré sa volonté; nous ne comprendrions pas qu'il pût être relaxé purement et simplement, alors qu'il aurait connu l'exhaussement du déversoir et qu'en tolérant cette infraction à l'acte d'autorisation de l'usine, il se serait rendu complice de l'abus de jouissance reproché à l'usinier. C'est dans ce sens que s'est prononcée la Chambre des requêtes le 12 juin 1855; son arrêt indique nettement les cas où le propriétaire peut être exonéré de toute responsabilité; ce qu'il dit en se plaçant au point de vue de l'action civile, intentée par les propriétaires inondés, est également vrai au point de vue de l'action pénale : « Attendu qu'il est établi en fait par l'arrêt attaqué, que l'exhaussement des vannes du déversoir, cause unique du dommage éprouvé par Bonnin, ne peut être imputé au défendeur qui est toujours demeuré étranger à ce changement des lieux et qui n'en a jamais accepté la responsabilité; que le placement des hausses aux vannes du déversoir est donc un fait personnel aux fermiers, un acte de leur volonté propre, qui, dans l'espèce,

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constitue un quasi délit, et qui aurait pu même donner lieu à l'application de l'article 457 du code pénal; - Attendu que le propriétaire pourrait être tenu des conséquences civiles du mode illégal ou abusif de jouissance de la chose louée, si cet abus ou cette illégalité n'était que l'effet nécessaire ou l'exécution des stipulations du bail; mais qu'il ne saurait répondre des faits personnels du fermier qui n'a agi que d'après sa propre impulsion, dans son intérêt particulier, sans l'aveu et à l'insu du bailleur; qu'en le décidant ainsi, l'arrêt n'a violé aucune loi..... » (Dev., 55-1-170).

304. 2° Transmission nuisible des eaux d'un fonds sur un autre fonds. Art. 15 « Personne ne pourra inonder l'héritage de son voisin, ni lui transmettre volontairement les eaux d'une manière nuisible, sous peine de payer le dommage et une amende qui ne pourra excéder la somme du dédommagement. » Quelle influence l'art. 457 C. pén. a-til eu sur cette seconde disposition? C'est un point universellement reconnu aujourd'hui qu'elle est demeurée en vigueur, nonobstant la promulgation du Code pénal: elle prévoit une série d'infractions qui est restée totalement en dehors des prévisions de l'art. 457 : elle est conçue dans des termes autrement larges: elle s'applique à toute transmission nuisible des eaux, sous quelque forme qu'elle se produise et quelle que soit la qualité de son auteur. « L'art. 15 disent MM. Chauveau et Faustin Hélie (Th. du Code pén. T. VI, p. 222), comprend dans ses termes toute espèce d'inondation, hors l'inondation prévue par l'art. 457. Il ne recherche point les moyens employés pour la produire, il la punit, quels qu'aient été ces moyens; il punit encore les dommages que peuvent causer les eaux, même sans inondation, dans le cours qu'on leur a donné ou dans un cours naturel auquel on aurait fait produire des effets nuisibles par des moyens quelconques. L'art. 457 restreint dans une seule hypothèse ne punit l'inondation que lorsqu'elle est

produite par l'élévation du déversoir des eaux des moulins, usines et étangs au-dessus de la hauteur fixée par le réglement. » La jurisprudence est fixée uniformément en ce sens, depuis l'arrêt déjà cité du 4 novembre 1824; elle permet dès lors d'atteindre l'usinier à qui le fait de l'inondation est imputable, alors même que l'autorité administrative n'a pas fixé la hauteur légale de son déversoir. La solution à donner sera beaucoup plus douteuse toutes les fois que l'inondation sera survenue alors que les eaux se trouvaient au-dessous du déversoir légal. Pour échapper à l'application de l'art. 15, l'usinier soutiendra qu'il est couvert par son autorisation administrative; il n'a fait que se conformer à ce qui lui était prescrit : peut-on, dès lors, lui faire un grief de l'inondation survenue, alors que l'administration ellemême ne soupçonnait pas la possibilité de cette inondation? Au point de vue de la responsabilité pénale, ce raisonnement peut être excellent dans certains cas: mais, ce serait aller bien loin que de l'exiger en thèse générale. Sans doute, l'usinier ne doit pas être condamné lorsque sa bonne foi est évidente et lorsqu'il a cru à l'efficacité des mesures par lui prises pour prévenir l'inondation: mais ce que nous ne comprendrions pas, ce serait l'impunité assurée à celui qui se serait rendu compte des vices de son usine et qui aurait parfaitement su qu'en maintenant l'eau à telle ou telle hauteur, il nuirait à ses voisins dans les termes de notre article 15; l'autorisation administrative ne serait pas dans ce cas un prétexte suffisant pour lui permettre de s'affranchir de toutes mesures de précaution. En somme, pure question d'appréciation pour les juges qui verront dans chaque espèce à qui ils ont affaire, et qui, au cas d'acquittement, devront appuyer leur décision sur l'absence d'intention délictueuse constatée par eux chez le prévenu. — A raison de la généralité de ses termes, l'art. 15 constitue pour les propriétés voisines une garantie des plus sérieuses

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