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séquence de votre faute. Infidèle à la loi du contrat, vous devez payer la moins value de la prisée sortante..... » Il faut cependant bien se rendre compte que la cause du bailleur est sinon plus, tout au moins aussi intéressante que celle du preneur. En louant l'usine, il comptait sur un revenu fixe et rémunératoire : c'est là ce qui l'a décidé. Or, au lieu de la situation qu'il croyait lui être définitivement acquise, il verrait tous ses calculs bouleversés; au lieu de profiter des intérêts de son capital, il serait exposé à une perte sèche et obligé de débourser une somme d'argent parfois considérable : l'opération tournerait donc à sa ruine. Il est bon de remarquer que le locataire avait pu, antérieurement au bail, se rendre compte de la nécessité de ces améliorations et stipuler qu'il serait indemnisé des dépenses par lui faites sa réticence à ce moment serait un véritable piège pour le bailleur, s'il était permis d'ajouter d'office au contrat la clause qui en est absente.

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349. Les détails dans lesquels nous sommes entrés à l'occasion du louage des usines nous permettent de passer rapidement sur les questions qui peuvent être soulevées en cas de vente. En première ligne, la délivrance de l'usine vendue devra comprendre le régime hydraulique qui en constitue la force motrice, c'est-à-dire les biefs, arrièrebiefs et les organes de transmission. Mais ici, s'appliquera la jurisprudence bien connue aux termes de laquelle les biefs et arrière-biefs ne forment point nécessairement partie intégrante de l'usine et ne s'y adjoignent pas d'une manière indispensable : rien n'empêche qu'en conférant à l'acquéreur la pleine propriété du moulin, le vendeur ne lui concède qu'un simple droit de jouissance sur les biefs et arrièrebiefs et même, ne limite ce droit à la quantité d'eau stricte

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ment nécessaire pour le roulement de l'usine. Naturellement, l'acte de vente déterminera ce qui doit être délivré à l'acquéreur : dans le cas où ses termes pourraient prêter à quelque ambiguité, la jurisprudence reconnaît au juge le droit de rechercher en fait quelle a été la commune intention des parties : les règles ordinaires sur les preuves seront applicables dans l'espèce. C'est ainsi qu'en présence d'un acte constatant la vente d'un moulin et de « tout ce qui est fonds audit moulin, » la Cour de Rouen a jugé le 21 février 1824 (Dev., C. N. 7-2-324; - Dalloz, Rép. v° vente, no 647) que le vendeur n'était tenu de délivrer au preneur que les ustensiles accessoires du moulin réputés immeubles par destination elle s'est appuyée pour décider que le canal lui-même était exclu de la vente : 1° sur ce qu'il traversait sur une longueur de 800 mètres des prés et herbages restés la propriété du vendeur; 2° sur ce que, depuis la vente un pont avait été jeté par le vendeur pour réunir les deux rives dudit canal; 3° sur ce que l'acte de vente ne conférait pas à l'acquéreur un droit de pêche sur ledit canal; 4° sur ce que le canal se trouvait en dehors de l'enceinte de haies qui environnaient le canal. Ces motifs nous semblent un peu faibles et nous ne voulons retenir de cet arrêt que le principe par lui posé, à savoir le droit pour le juge d'interpréter librement l'acte de vente. Mais nous pouvons citer, comme à l'abri de toute critique, l'arrêt de Grenoble du 29 novembre 1843 (Dev., 44-2-490) suivant lequel le vendeur ne peut être réputé avoir cédé à l'acquéreur la propriété du bief: 1° lorsqu'il s'est réservé la propriété d'un terrain sur lequel naissent des sources qui contribuent à l'alimentation de ce bief; 2° lorsque les eaux du bief soit par leur situation, soit par la direction qui leur est donnée, servent non seulement au roulement de l'usine, mais encore à l'irrigation des héritages riverains. Ajoutons, en terminant, que les décisions rendues de ce chef par les tribu

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naux et les Cours d'appel échappent au contrôle de la Cour de cassation c'est ce qui résulte de l'arrêt des requêtes da 18 juillet 1822 (Dev., C. N. 7-1-112). Attendu que la Cour d'appel de Grenoble, usant du droit qui lui appartient comme à toutes les autres cours, d'apprécier et d'interpréter les actes, déclare que, de ceux produits devant elle, il résulte que le comte de Saint-Vallier n'avait vendu au sieur Degros et à ses auteurs que l'eau limitativement nécessaire pour le jeu de ses moulins Curson et Terrail; Attendu que ce fait une fois reconnu constant par la Cour de Grenoble, elle a pu sans violer aucune loi et même elle a dû pour être conséquente, juger comme elle l'a fait, que le sieur Degros ne pouvait user des eaux de la nouvelle Veaune que pour le service de ses moulins et que tout autre usage lui en était interdit..... »

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350. Lorsque le contrat est muet sur la force dynamique qui doit être délivrée à l'acheteur, ce dernier est réputé avoir accepté l'usine dans l'état où elle se trouvait au jour de l'acte le vendeur a satisfait à son obligation lorsqu'il lui a fait la délivrance de la chûte par lui exploitée, telle qu'elle se comportait alors. Nous avons déjà examiné ce cas de même que celui où la force motrice qui doit être délivrée est évaluée en chevaux par l'acte de vente : suivant nous, cette force doit être calculée sur la roue qui se trouve directement en contact avec l'eau : nous avons montré (n° 339) en quoi péchaient les autres systèmes proposés par la doctrine. Lorsqu'il s'agit de vente d'une usine et non plus de bail, il arrivera souvent que les parties ne calculent pas par tant de chevaux la force d'une usine: l'acte intervenu contiendra par exemple la vente d'une chûte de tant de mètres. C'est ce qui se rencontrera fréquemment lorsqu'avant d'avoir achevé les bâtiments de l'usine, le concessionnaire d'une prise d'eau cède à des tiers le droit qu'il tient de l'administration. M. Daviel (T. II, no 659) résume

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assez heureusement les usages qui font loi en cette matière et suivant lesquels doit être calculée la hauteur réelle de la chute. C'est, dit-il, de surface à surface, c'est-à-dire en prenant la distance qui existe entre le niveau superficiel de l'eau en tête de la chute et le niveau superficiel de la tranche d'eau dans le coursier, que nos ingénieurs déterminent la hauteur d'une chute et dans le silence des contrats c'est cette mesure qui devra être suivie. » Le savant auteur distingue ensuite ces deux expressions Vente d'une chûte de tant de mètres. " Vente d'une pente de tant de mètres. Dans le premier cas, le vendeur doit livrer à l'acquéreur une chute entière, c'est-à-dire livrer en outre la pente nécessaire en aval pour donner aux eaux un libre écoulement et prévenir tout remous qui réagirait sur la chute vendue et la neutraliserait d'autant. Dans le second cas, au contraire, il suffira que le vendeur livre à son acquéreur une portion de cours d'eau qui, d'un point à un autre, présente la pente convenue: c'est à ce dernier à s'arranger pour y établir son usine, et, en conséquence, il aura à déduire sur la hauteur de sa chute, la pente nécessaire pour l'écoulement des eaux en aval. Enfin, troisième hypothèse : le contrat se borne à déterminer l'épaisseur de la tranche d'eau qui doit passer sous la vanne motrice. M. Daviel recommande aux parties de bien spécifier comment se mesurera l'épaisseur de cette tranche d'eau, si c'est, la rivière coulant dans son cours et son volume naturels ; si c'est, la vanne motrice entièrement levée ou la vanne trempant, et dans ce cas de combien la vanne trempera; si c'est, la roue marchant où la roue arrêtée. Quand les parties ont omis de s'expliquer à cet égard, ajoute-t-il, il semble que l'épaisseur de la tranche d'eau doit se mesurer quand l'usine marche suivant son régime et son activité ordinaires : car c'est l'effet utile produit par cette tranche d'eau dont a disposé la convention et cet effet est produit, non pas suivant

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la force motrice de la rivière coulant dans son cours et son volume naturels, mais suivant la force motrice résultant de la disposition du coursier et du régime de l'usine.

351. Si nous nous occupons maintenant de l'obligation de garantie, nous aurons à signaler deux différences essentielles entre le contrat de vente et le contrat de louage : 1o Le vendeur ne s'oblige pas à procurer à l'acheteur une jouissance perpétuelle : il lui garantit seulement qu'aucune cause d'éviction n'existe actuellement, tandis que le bailleur est tenu, dans un certain sens, de garantir le preneur des évictions postérieures à la passation du contrat : d'où une conséquence importante. Supposons que l'autorité administrative juge nécessaire de restreindre le volume de la prise d'eau par elle concédée : la situation du locataire de l'usine est tout-à-fait favorable; le bailleur s'est engagé à le faire jouir et nous savons quelle action découle pour lui de cet engagement. Dans notre espèce au contraire, l'acheteur n'aura aucun recours à exercer contre le vendeur : ce dernier n'était point tenu de lui assurer une jouissance indéfinie, mais seulement de lui transférer tous ses droits sur la chose il a donc satisfait à son obligation et ne saurait être inquiété à raison des évictions dont il n'y avait ni causę, ni germe existant lors du contrat. Vainement l'acheteur chercherait-il à invoquer l'article 1638 et à soutenir que l'immeuble était grevé de charges non apparentes et que déclaration eût dû lui en être faite comment, en effet, assimiler à une charge non apparente, un assujettissement de cette nature dont le principe réside dans la loi ou dans des règlements généraux que nul n'est censé ignorer? La solution serait encore la même, aux termes de l'arrêt des requêtes du 20 février 1863 (Dev., 65-1-164), si postérieurement à la vente de l'usine, l'administration exigeait de l'acquéreur qu'il fournît l'espace nécessaire, soit pour le chemin de halage, soit pour le passage des flotteurs. Le vendeur, nous

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