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un arrêt du 31 mai 1826, qu'aux termes de l'art, 527 C. civ. chacun peut disposer de ce qui lui appartient, à moins que la loi ne s'y oppose; que, s'il existe des lois qui déclarent incessibles les pensions accordées pour le gouvernement, il n'en est pas de même à l'égard de celles données ou léguées entre particuliers, même à titre d'aliments; — qu'il résulte bien de l'art. 581 du Code de procédure, lequel déclare insaisissables les sommes et pensions pour aliments, que l'on ne peut être privé de ces pensions malgré soi, sur la poursuite des créanciers; mais qu'il n'en résulte pas, que l'on soit dans l'incapacité d'en disposer, ni que la cession qui en est librement consentie soit nulle; que l'art. 1003 Pr. ne s'explique pas davantage sur la question, puisqu'il se borne à dire que toutes personnes peuvent compromettre sur les dons et legs d'aliments: mais qu'autre chose est de ne pouvoir, en cas de procès, compromettre sur un droit, c'est-à-dire, de ne pouvoir recourir à des arbitres; autre chose est, en l'absence de toute contestation, de ne pouvoir céder ou transporter ce droit par une convention volontairement souscrite: qu'il est évident que la prohibition intimée dans le premier cas ne s'étend pas nécessairement au second: une disposition prohibitive ne pouvant jamais être établie par induction ou par raisonnement. »

Cet arrêt, il est vrai, ne statue que sur le cas de cession ; mais, dit avec raison Troplong, (no 97), si le créancier peut vendre et disposer, pourquoi lui refuserait-on la faculté de transiger? L'indisponibilité ne résulte d'aucun texte de loi. D'ailleurs, loin de reproduire les textes prohibitifs de la loi romaine, l'art. 2045 déclare d'une manière générale qu'il suffit, pour trausiger, d'avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction (1). Vainement argumenterait-on de l'art. 1004 Pr., qui défend de compromettre sur les dons et legs d'aliments: celui qui compromet aliène son droit plus que celui qui transige, puisqu'au lieu d'en rester l'arbitre il se met à la disposition d'un tiers. L'art. 1989 démontre, d'ailleurs, que la transaction n'est point placée sur la même ligne que le compromis, car il dispose que le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre.

Duvergier Vente, (no 214) admet également, comme règle générale, que la pension alimentaire constituée à titre gratuit est inaliénable: il conclut de là que la transaction serait nulle si elle ôtait aux aliments leur véritable caractère; c'est-à-dire, si elle faisait manquer le but de la libéralité; si elle devait avoir pour résultat de priver le donataire ou le légataire des ressources alimentaires que le donateur ou le testateur a manifesté la volonté de lui assurer, ce qui arriverait notamment, si la transaction substituait

(4) Troplong. Vente, n. 227. Cass. 22 février 1881. Dev. 1831, t. 107, 21 juin 1813.

-

un capital une fois payé, à des prestations périodiques, indispensables aux besoins de la vie (1). Cet auteur place à tort, les pensions qui sont l'effet d'une libéralité, sur la même ligne que celles qui sont dues jure sanguinis; nous ne voyons pas pourquoi, dérogeant à la règle générale qui laisse à toutes personnes la faculté de disposer de ses biens, on refuserait en pareil cas au donataire ou au légataire, celle de transiger sur l'objet des dispositions faites en sa faveur. Dans ce système, il faudrait aller jusqu'à soutenir que le maintien des stipulations intervenues est conditionnel; que l'ayantdroit peut revenir sur la transaction s'il tombe dans le besoin: nul n'oserait aller jusque-là.

Tenons donc pour règle que le droit aux aliments, résultant d'une libéralité, est aliénable, comme celui qui a été stipulé dans un contrat à titre onéreux; non seulement quant à l'émolument, mais encore, à la différence de celui qui est établi jure sanguinis, quant au titre.

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Quant à l'homologation du tribunal, elle serait sans utilité en pareille matière (Troplong, n. 98); car de deux choses l'une ou la transaction est valable ou elle est nulle: – Au premier cas, il n'y a pas lieu de demander à la justice un supplément de capacité ;-au deuxième cas, cette formalité ne peut valider un contrat dont la loi ne reconnait pas l'existence : le juge a pour mission de constater un droit, de controler des engagements; mais il ne peut conférer aux parties la capacité de faire un acte prohibé (2). — On argumente à tort, par analogie, de l'autorité des lois romaines, qui permettaient de transiger sur les aliments, avec l'autorisation du prêteur: ces lois n'ont pas de force juridique dans nos institutions modernes.

Les anciens auteurs s'étaient vivement préoccupés de cette question, notamment en ce qui touchait la transaction sur choses laissées par testament: l'intérêt public, disait Voët, de trans. n. 13, et Vinnius c. 5, n. 7, exige que les volontés du testateur soient ponctuellement exécutées; la loi 6, ff. de transactionibus, et la loi 5, ff. Quemadmodùm testam, aperiuntur, sont formelles à cet égard. - Mais, de nos jours, on ne voit pas sur quoi reposerait la distinction que l'on prétendrait établir entre les aliments constitués par testament et ceux qui résultent d'une donation: les raisons d'utilité publique sur lesquelles on se fondait n'existent plus.

2045.

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Quelles personnes peuvent transiger.

Pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.

Le tuteur ne peut transiger pour le mineur ou l'inter

(1) Cass., 21 juin 1815.

(2) Voy, cep. Dur., n. 403.

dit

que conformément à l'article 467 au titre de la Minorité, de la Tutelle et de l'Emancipation; et il ne peut transiger avec le mineur devenu majeur, sur le compte de tutelle, que conformément à l'article 472 au même titre.

Les communes et établissements publics ne peuvent transiger qu'avec l'autorisation expresse de l'Empereur.

Transiger, c'est disposer des choses qui sont ou peuvent devenir l'objet d'un procès. Bien que la transaction ait toujours été considérée comme déclarative de propriété, il faut reconnaitre, en effet, que l'une et l'autre partie aliènent, puisqu'elles font des sacrifices réciproques: qui transigit alienat.-La transaction suppose dès lors, dans la personne des contractants, non seulement la capacité de s'obliger; mais encore celle d'aliéner la chose qui fait l'objet du contrat. De ce principe, nous déduisons les conséquences suivantes :

Les mineurs, les interdits, les femmes mariées non autorisées, et autres incapables ne peuvent transiger, en ce sens qu'ils ont le droit de faire annuler la transaction, soit par voie d'action, soit par voie d'exception, si elle leur est désavantageuse: mais la nullité est relative; la partie avec laquelle ils ont traité ne peut s'en prévaloir (1125).

Les administrateurs du bien d'autrui sont en général incapables de transiger: ce principe s'applique dans toute sa rigueur en cas d'absence et de succession bénéficiaire ou vacante. Les lois romaines l'étendaient même aux tuteurs; mais cette prohibition, qui paraissait établie en faveur du mineur, lui devenait souvent funeste; car son intérêt peut exiger qu'il termine ou prévienne un procès. Le Code admet avec plus de raison la validité des transactions conclues par le représentant légal du mineur, pourvu que les formes et les conditions prescrites par l'art. 467 aient été observées. La transaction ainsi consentie a la même force et la même autorité que si elle était passée entre majeurs (1). Ces formes doivent être suivies, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à la nature des droits. contestés; même lorsqu'il s'agit d'intérêts échus des capitaux, d'arrérages de rentes, de loyers ou de fermages: la règle est absolue.

Il est généralement admis que le père, administrateur des biens de son fils mineur, ne peut transiger pour ce dernier, que sous les conditions prescrites pour la validité des transactions faites au nom du mineur en tutelle (2).

(1) Cependant, ne serait-il pas logique de reconnaître aux tuteurs et aux administrateurs comme au mineur émancipe, et par les mêmes raisons, le pouvoir de transiger sur des cffets mobiliers?

(2) Merlin, v Trans., § 1, n. 7. Rigal, p. 43.

Le mineur émancipé ne peut faire aucun acte autre que ceux de pure administration, sans observer les formes prescrites au mineur non émancipé (484): or, la transaction n'est point un acte d'administration.

Ainsi, de ce que le mineur émancipé a la capacité de recevoir un capital mobilier et d'en donner décharge avec l'assistance de son curateur, on ne saurait conclure qu'il a par cela même, s'il est assisté, la faculté de transiger sur ses capitaux. Pour que la transaction soit valable à cet égard, les art. 484 et 467 exigent l'autorisation du conseil de famille, l'avis de trois jurisconsultes désignés par le ministère public, et l'homologation du tribunal (1).

Néanmoins, malgré les termes absolus de l'art. 484, in fine, nous pensons que le mineur émancipé est capable de transiger, sans l'assistance de son curateur, sur l'effet des actes de simple administration; par ex. sur les intérêts de ses capitaux et sur les fermages ou loyers qui lui sont dus par les fermiers ou locataires : -Sans doute il ne peut disposer de ces sortes de biens par donation entre vifs; mais ils peut les dissiper; or, comment refuser toute efficacité à la transaction qu'il a consentie sur de semblables objets? Le passage suivant de l'exposé des motifs démontre du reste que telle a été la pensée du législateur:

« La capacité necessaire pour transiger est relative à l'objet de la transaction: Ainsi, le mineur émancipé pourra transiger sur les a objets d'administration qui lui sont confiés et sur ceux dont il a a la libre disposition (2). »

Mais le mineur émancipé ne pourrait transiger sur les fruits et revenus non encore échus; car ce ne serait plus là un acte d'administration: il y aurait lieu d'observer les formes prescrites par l'art. 467.

Appliquez aux personnes placées sous l'assistance d'un conseil judiciaire, pour cause soit de prodigalité, soit de faiblesse d'esprit, les règles que nous venons d'exposer sur la capacité du mineur émancipé (499 et 513) (3).

L'influence que le tuteur exerce encore, même après l'expiration de ses fonctions, sur la personne de celui qui a été placé sous sa protection, pourrait lui donner les moyens de couvrir les vices de son administration, par des conventions dommageables, consenties en aveugle par ce dernier : L'art. 472 du Code c.vil, auquel notre article renvoie, frappe de nullité tout traité intervenu entre le tuteur et le mineur devenu majeur, avant l'accomplissement de certaines conditions. Néanmoins l'expression: tout traité, est trop

(1) Dar., t. 18, n. 409. Zach., p. 141, t. 3. Troplong, n. 46. Voy. cep. Marbeau, n. 67, et l'avard. Rép., ve Transaction : ces auteurs enseignent que l'assistance du curateur est suffsante:- Mais nous pensons qu'ils entendent mal les articles 482, 484 et 487.

(2) Zach., p. 141, t. 3. Dur., t. 18, n. 409. Troplong, n. 45. Marbeau, n. 67. (a) Dur., n. 408 et 109.

générale : nul doute que le mincur devenu majeur peut transiger avec le tuteur, bien que celui-ci n'ait pas encore rendu son compte, lorsqu'il s'agit d'intérêts qui ont couru depuis que la tutelle a pris fin (Troplong, no 44) (1).

Le mineur commerçant peut transiger sur les contestations relatives à son négoce (art. 2 C. de comm.)- Toutefcis, quand la transaction a des immeubles pour objet, les formes prescrites par l'art. 467 du Code civil doivent être observées: le mineur commerçant peut hypothéquer ses immeubles; mais il ne peut les aliéner (art. 6 C. de comm.).

La femme séparée de biens, peut, sans autorisation, disposer à titre onéreux de son mobilier et l'aliéner (1449); elle a dès lors la faculté de transiger sur des objets de cette nature (2). — La femme mariée sous le régime dotal jouit des mêmes droits que la femme séparée, quant à ses paraphernaux.

Les transactions intervenues entre époux sont nulles, à moins qu'on ne se trouve dans un des cas d'exception déterminés par l'art. 1595 (3).

Dans les divers cas où la transaction peut être déclarée nulle pour cause d'incapacité de l'une des parties, il est bien entendu, que la partie capable ne peut se prévaloir de la nullité (1125)

Les communes et les établissements publics sont placés sous la tutelle du gouvernement; elles ne peuvent ni acquérir ni aliéner sans une autorisation expresse: cette autorisation leur est donc indispensable pour transiger (4).

Le grevé peut-ll transiger sur les choses soumises au fideicommis? ~~~ puisqu'il ne peut aliéner le droit éventuel du substitué (2045) (5).

Non

Quelle est la valeur d'une transaction sur choses soumises à l'emphytéose? Elle ne peut amoindrir les droits de l'empyhtéote. Troplong, no 101.

Choses qui peuvent être l'objet d'une transaction.

2046. -On peut transiger sur l'intérêt civil qui résulte d'un délit (6).

La transaction n'empêche pas la poursuite du ministère public.

(1) Voy. notre commentaire sur l'art. 472.

(2) Marbeau, n. 94. Dur., t. 18, n. 409.

(3) Dur., n. 467, t. 18. Zach., t. 3, p. 140. Troplong, n. 52.

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(4) Voy. arrêté du 7 messidor an IX, du 22 frimaire an XI1. L. du 18 juillet 1837. Observons que l'administration en ce cas intervient commne tutrice et nor comme autorité administrative; par conséquent les difficultés qui surviennent relativement à la transaction ne doivent pas être jugées administrativement, mais judiciairement. (Décret du 2 janvier 1812). Voy. Dur., n. 411. Rigal, p. 27 et suiv.

(5) Troplong, n. 101. Suiv. Dar., t. 9, n. 592, la transaction produit son effet si elle est homologuée; mais c'est là suppléer au silence des lois.

(G) Le mot délit est ici générique : il exprime les contraventions, les délits et les crimes.

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