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fixés par la loi. Les tiers, auxquels ces actes préjudicient n'ont même d'autre voie que la tierce-opposition.

Toutefois, nous signalerons les différences suivantes :

1o Les transactions judiciaires ne peuvent être attaquées, au fond, qu'autant qu'elles sont entachées d'une cause de nullité ou de rescision; car il s'agit, en réalité, d'un contrat.

2o Si l'un des chefs est annulé, la transaction est anéantie; car elle forme un tout indivisible; tandis que les jugements peuvent être réformés sur l'un des chefs et confirmés sur d'autres. (Voy., au surplus, nos observations sur l'art. 2052.)

Les transactions conclues en conciliation devant le juge de paix sont extrajudiciaires; dès lors, à la difference des jugements portant condamnation, elles ne produisent pas hypothèque; bien plus, elles n'ont pas l'autorité des actes authentiques proprement dits: L'art. 54 Pr., in fine, déclare en effet que les conventions des parties insérées aux procès-verbal n'ont que force d'obligations privées. Assurément, ces procès-verbaux font foi de leur date et dispensent de la vérification d'écritures; mais ils ne suffisent point pour autoriser des actes d'exécution (1).

Ce contrat est consensuel, synallagmatique, commutatif et, de plus, non solennel, bien qu'il ne puisse être constaté que par écrit (2044):

Consensuel, car il se forme par le seul consentement;

Synallagmatique, car chacun des contractants renonce à une partie de ses prétentions ou fait à l'autre des concessions; Commutatif, car les sacrifices sont réciproques;

Non solennel, puisqu'il n'est soumis, pour sa validité, à aucune forme de rigueur: Un acte doit être dressé, à la vérité; mais uniquement pour la preuve (ad probationem). - Nul doute que l'existence de ce contrat pourrait être établie par le serment décisoire et par l'aveu.

La transaction est soumise à toutes les conditions prescrites pour la validité des obligations conventionnelles en général (1108), sa

voir :

10 Une chose qui en soit l'objet, c'est-à-dire une contestation née ou sur le point de naltre: Il faut que le droit de chaque partie soit douteux sinon en réalité, du moins dans la pens e de l'une d'elles. La crainte raisonnable d'un procès, ou le moindre doute sur l'issue d'un procès engagé suffirait pour que la transaction fût déclarée valable.

La transaction intervenue sur des prétentions dénuées de tout fondement serait sans effet.

(1) Merlin, v Bureau de concillation, n. 3 et 5. Carré., Pr., t. 1, n. 232. Zach., p 140, t. 3. Troplong, vo Cautionnement, n. 86; Hyp,, n. 448.

Toutefois, le traité sur des droits qui ne présentaient rien de douteux, quoique nul comme transaction, pourrait, suivant les circonstances, valoir comme renonciation, de la part de celui des contractants qui était éclairé sur ses droits. (Arg. des art. 2056 et 2057) (1).

Ce sont là, au surplus, des questions de fait; le juge prononce eu égard aux circonstances.

Distinguons l'objet du contrat, de l'objet de l'obligation contractée par chaque partie : ainsi que nous l'avons déjà dit, l'objet du contrat est le droit douteux sur lequel on transige; l'objet de l'obligation est, pour chaque partie, ce qu'elle s'engage à donner, à faire ou à ne pas faire.

Si les parties avaient employé la forme d'une transaction, pour déguiser un autre contrat, il y aurait lieu d'appliquer les règles propres au contrat dissimulé.

On peut transiger sur toute espèce de droits, pourvu qu'ils soient aliénables (2046).

2o Une cause licite; en matière de transaction la cause doit consister dans des sacrifices réciproques; autrement la transaction se rapprocherait, suivant les cas, du désistement, de l'acquiescement, ou de la remise de la dette. Mais il n'est pas nécessaire que ces sacrifices aient une égale importance.

3o La capacité de disposer du droit qui est l'objet de la transaction (2045).

40 Enfin, le consentement libre et réfléchi des parties; la violence, le dol ou l'erreur (1109-1117), seraient des causes de rescision (1304).

La violence vicie le contrat, lors même qu'elle est pratiquée par un tiers (1111).

Le dol n'entraîne cette conséquence, qu'autant qu'il a été pratiqué par l'une des parties (1117, 2056, 2e alin., 2057, 1er alin.). L'erreur emporte nullité lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet (1410).

Il y aurait erreur substantielle, c'est-à-dire sur la cause même, si la contestation se trouvait terminée au moment où le contrat s'est formé par un jugement contradictoire en dernier ressort, ou passé en force de chose jugée, ignoré des deux parties, ou de celle qui a obtenu gain de cause (2056).

Il y aurait encore erreur substantielle, dans les cas prévus par les art. 2054, 2055 et 2057, 2e alin.-Mais la découverte de titres inconnus aux deux contractants ne serait point une cause de rescision, si ces titres ne concernaient que quelques-uns des différends réglés par la transaction (2857).

(1) Marbeau, Transaction, n. 166.

L'erreur sur la personne serait également substantielle si cette convention était intervenue intuitu personæ (2053).

Nous ne parlons pas de l'erreur de calcul; il y a seulement lieu de la réparer (2058).

Ces règles sont communes à tous les contrats; mais la transaction a cela de particulier :

1° Quelle ne peut être annulée pour erreur de droit sous ce rapport elle diffère à la fois des contrats en général (1109 et 1110) et des jugements rendus en dernier ressort;

2. Qu'elle n'est pas susceptible de rescision pour lésion;

3o Qu'elle a l'autorité de la chose jugée en dernier ressort (2048 à 2050) les parties peuvent seulement stipuler une peine pour le cas d'inexécution (2047).-Nous verrons toutefois, sous l'art. 2052, que cette assimilation n'est point parfaitement exacte;

4. Que de sa nature, elle n'est pas transmissive, mais déclarative d'un droit: les parties qui transigent ne se proposent pas d'acquérir, mais de consolider entre leurs mains la chose dont elles se prétendent propriétaires.

Il suit de cette dernière observation : 1° qu'il n'y a pas lieu à garantie au cas d'éviction; 2o que la transaction ne constitue point par elle-même un titre suffisant pour servir de base à la prescription de 10 et 20 ans.

Nous supposons que la transaction intervient sur les droits qui faisaient ou qui pouvaient faire l'objet d'un différend; si le véritable propriétaire abandonnait, même par transaction, tout ou partie d'un droit certain, pour obtenir une concession, le titre participerait de la vente et produirait, sous ce rapport, les effets qui résultent d'un acte translatif de propriété.

Il ne faut pas confondre la transaction avec le compromis.- Les parties qui transigent sont elles-mêmes juges de leur différend; Celles qui passent un compromis chargent un tiers de leur choix, qu'elles substituent au juge ordinaire, du soin de prononcer (1003 à 1028).

La transaction diffère également du désistement et de l'acquiescement La transaction peut avoir lieu par acte extrajudiciaire; elle est toujours le résultat d'un concours de volontés : le désistement suppose nécessairement qu'une procédure est introduite; il émane du demandeur seul (402 et 403 Pr.). L'acquiescement suppose également l'existence d'un litige; il émane de la partie condamnée.

La transaction se rapproche beaucoup de la confirmation, surtout lorsque celle des parties qui ratifie s'impose un sacrifice, soit en restreignant ses prétentions, soit en donnant ou en promettant quelque

chose: souvent, en effet, on ratifie un acte susceptible de rescision, en vue de prévenir ou de terminer un procès; mais ces actes diffèrent l'un de l'autre ; notamment sous les rapports suivants :

1o L'acte de confirmation n'est valable, qu'autant qu'il énonce la substance de l'engagement entaché de nullité, la mention de la cause qui vicie cet engagement et l'intention de réparer ce vice (1338). —La transaction n'est soumise, pour sa validité, à aucune de ces conditions (2054).

2o La ratification suppose que le vice du titre est connu. — La transaction suppose que les droits de l'une et de l'autre parties sont douteux.

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3° La ratification peut être gratuite; les parties qui transigent. s'imposent des sacrifices réciproques.

En examinant les diverses causes de nullité déterminées dans ce titre, il est facile de reconnaitre que la loi n'entend, dans aucun des cas prévus, prononcer une nullité de droit; mais seulement autoriser une action en rescision.

2044. La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître (4).

Ce contrat doit être rédigé par écrit.

La définition que donne le Code est incomplète en effet, elle serable exprimer, que les transactions sont les seules manières de terminer un procès ou de le prévenir : or, nous avons vu, qu'on arrive également au premier résultat par le désistement ou par l'acquiescement, et au second par la ratification. Il faut, pour caractériser la transaction, ajouter à ces mots : ou préviennent une contestation à naitre ; ceux-ci: par l'abandon réciproque d'une partie de leurs prétentions ou la promesse que l'une des parties fait à l'autre. Analysons cette définition:

La transaction est un contrat: par conséquent, elle est soumise aux règles du droit commun sur les obligations conventionnelles (1108). — Mais indépendamment de ces règles, elle a deux caractères propres; il faut :

1o qu'elle ait eu pour but de terminer ou de prévenir une contestation: il n'y aurait pas de transaction, disait M. Bigot-Préameneu, si elle n'avait pour objet un droit douteux. (2) » Des

(1) Cette définition est incomplète : en effet, les transactions ne sont pas les seules manières de prévenir une contestation ou de terminer celle qui existe; il faut ajouter à la detition du Code ces mots : pur l'abandon réciproque d'une partie de leurs prétentions, ou 17 promesse que l'une d'elles fait à l'autre de quelque chose, pour avoir le droit entier et désormais incontesté, etc. Dur., n. 391 et suiv.).

2 Exposé des motifs. Fenet, p. 103, 215,

droits qui n'ont rien d'équivoque, ou des prétentions évidemment dénuées de base, ne peuvent donc en être l'objet :

Un créancier transige avec son débiteur sur le titre qui constate ses droits, bien que ce titre soit clair et précis; un débiteur transige avec l'héritier de son créancier, sur une dette dont ce dernier lui a fait remise par un testament dont il ignorait l'existence; un légataire et l'héritier transigent sur des dispositions testamentaires qui présentent de l'obscurité, mais qui se trouvent éclaircies par un codicile nouvellement découvert : dans ces divers cas, la transaction sera comme non avenue, faute de cause.

Le traité intervenu sur des droits non douteux, peut valoir, suivant les circonstances, comme simple renonciation, comme cession, ou comme échange; mais il ne constitue pas une transaction.

La transaction ne serait pas dépourvue de cause, si l'une des parties pouvait concevoir le moindre doute raisonnable sur ses droits par ex., la crainte d'un procès, ou l'appréhension sur l'issue d'un litige engagé, suffirait pour que le contrat fût déclaré valable, quoiqu'en réalité le doute n'existât pas juridiquement: sufficit metus litis instantis rel dubius litis pendentis (1). L'article 2056 contient une application de cette règle.

Le juge est appréciateur des circonstances: sa décision peut être réformée en appel, comme un mal jugé; mais elle échappe à la censure de la Cour de cassation (2).-Toutefois, gardons-nous de croire qu'il puisse prononcer arbitrairement s'il avait méconnu la substance de la transaction, sous prétexte de l'interpréter, sans nul doute il y aurait lieu à cassation; spécialement si le préambule d'une transaction porte que les parties traitent à nouveau et à forfait, sans avoir égard à une décision antérieure qui sera considérée comme nulle et non avenue, le juge ne peut, sous prétexte d'interprétation des clauses de cet acte, refuser effet au préambule de la transaction pour faire revivre la décision annulée (3).

La contestation doit être réelle: il ne dépend point des parties d'imprimer au contrat qu'elles se proposent de conclure, le caractère propre aux transactions, en supposant des difficultés nées ou sur le point de naître par ex, si elles avaient dissimulé une vente ou un partage sous la forme d'une transaction, la partie lésée ne serait pas moins fondée, en prouvant ce fait, à invoquer le bénéfice des art. 1674 et 887, nonobstant les art. 888 et 2052, qui déclarent la transaction non sujette à rescision pour cause de lésion (4).· Si

(1) De condict. indib. L. 65, § 1.

(2) Cass. 7 février 1809.

(3) Cass 6 juillet 1836. Dev. 1836. I. 926. Cass. 21 janvier 1835. Dev. 1835. I. 105. (4) Nous avons déjà eu occasion de développer ces principas au titre des Successions (art. 888), en parlant des partages faits sous la forme d'une transaction.

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