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dit Dunod (n. 63), le défaut vient de la personne même qui prescrit et ne possède plus; c'est une interruption de fait qui est réelle et dans la nature, au lieu que l'interruption civile ne se faisant que par une espèce de fiction, n'empêche pas la continuation de la possession sur laquelle la prescription est fondée; ce n'est qu'un acte civil or, les actes de cette espèce ne profitent qu'à ceux qui les font et ne nuisent qu'à ceux auxquels ils sont adressés. »

Nous avons décidé par suite, que la prescription court au profit du tiers détenteur d'un immeuble hypothéqué contre le propriétaire, bien que le créancier ait interrompu la prescription de l'hypothèque à lui concédée sur cet immeuble (Voy. art. 2180) (1).

Cette règle souffre trois exceptions: elles résultent de la solidarité, de l'indivisibilité et du cautionnement.

Notre article règle les deux premiers cas; l'art. 2250 s'occupe du troisième.

Lorsque la dette est solidaire, l'interruption de la prescription, à l'égard des débiteurs ou de leurs héritiers est soumise, quant à ses effets, aux principes exposés au titre des obligations (Voy. articles 1206 à 1219; 1225, 873) (2).

Il résulte des derniers mots du deuxième alinéa de l'art. 2249, que les règles établies sur l'interruption quand la dette est solidaire, s'appliquent au cas d'indivisibilité (1225). --Ainsi, la demande formée par l'un des ayant droits à une servitude réelle, interrompt la prescription à l'égard de tous (709 et 710) (3).

Aux trois exceptions établies par les art. 2249 et 2250, il faut joindre le cas de désistement des poursuites prévu par l'art. 2190 C. Nap.: il est de principe que la saisie immobilière ne peut, à partir de la mention prescrite par l'art. 693 Pr., être rayée que du consentement de tous les créanciers inscrits. Le cas où le défendeur originaire formerait une demande en garantie dans le cours de l'instance. Le cas de saisie-arrêt : cet acte interrompt la prescription qui courait au profit du tiers saisi contre le saisi. Enfin, l'interruption résultant des actes faits par le créancier agissant en vertu de l'article 1166, comme exerçant les droits de son débiteur.

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Le jugement par défaut qui condamne deux codébiteurs solidaires, exécuté contre l'un dans le délai de six mois, et resté sans exécution contre l'autre, est-il exempt de péremption vis-à-vis de ce dernier, aussi bien qu'à l'égard du premier? L'art. 1206, dont on pourrait argumenter pour l'af firmative, n'a eu en vue que les obligations conventionnelles dans ce cas, le titre existe définitivement et enveloppe tous les débiteurs dans un même lien; mais un jugement par défaut ne produit pas le même résultat : il n'existe comme titre sérieux et définitif, qu'autant qu'il a été exécuté dans les six

(1) Troplong, n. 647.

3

(2) Vaz., n. 249. Troplong, n. 653.

1

(3) Proudhon, n. 3127. Troplong, n. 637. Dur. n. 275. Cass., 18 fév. 1835. Dall., n. 687

mois; il forme une nouvelle obligation: dès lors, s'il n'a été exécuté que contre l'un des condamnés, il n'a d'effet que contre lui (1).

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Doit-on assimiler aux créanciers et aux débiteurs solidaires, les co-héritiers d'une succession indivise, les associés et autres communistes? Pour l'affirmative, on dit que les communistes sont réputés associés pour tout ce qui est relatif aux biens de la masse encore indivise, qu'ils sont censés mandataires les uns des autres à cet égard (2). --Néanmoins, l'opinion contraire doit prévaloir, en présence des art. 873, 1863 et 2249 (3).

L'interruption qui a lieu à l'égard de l'héritier apparent interrompt-elle la prescription vis-à-vis de l'héritier réel? L'affirmative est indubitable, puisque l'héritier apparent possède pro herede (4).

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Quel est l'effet de l'interruption dirigée contre le co-héritier qui détient On ne saurait assimiler ce cas (dit Dall., tous les biens de la succession? n. 632) à celui où l'interruption est dirigée contre l'héritier apparent; car, Mais la c'était au créancier à rechercher le créancier son débiteur réel. jurisprudence admet avec raison que la prescription est interrompue, car le possesseur est mandataire tacite des autres héritiers (5).

L'interruption a-t-elle lieu d'une quantité à une quantité? Par ex., je dois 500 fr. à titre de prêt et 500 fr. à titre de dommages-intérêts; mon créancier m'assigne en payement de l'une de ces sommes, sans préciser en vertu de Non, éviquel titre aura-t-il interrompu la prescription des deux dettes? demment. It en serait autrement s'il avait demandé tout ce que je lui dois, sans préciser de quantité (Troplong, n. 675).

Il n'est pas douteux que la demande en payement d'une partie de la dette interrompt la prescription à l'égard de la dette entière.

2250.

L'interpellation faite au débiteur principal, ou sa reconnaissance, interrompt la prescription contre la caution.

L'accessoire suit toujours le sort du principal.

Jugé, par application de ce principe, que la demande du principal d'une créance, s'étend aux intérêts que cette créance a produits pendant les cinq dernières années (6).

Gardons-nous surtout de confondre, en ce qui touche la caution, la renonciation du débiteur à la prescription acquise, avec la reconnaissance de celui-ci, faite avant l'expiration du terme requis pour prescrire : dans le premier cas, la renonciation ne peut être

(4) Troplong, n. 630. Vazeille, n. 238. Boncenne, t. 3, p. 64-72. Merlin, Rép., v• Péremption, sect. 2, § 1, n. 12. Limoges, 14 fév. 1824. Paris, 1er mars 1826, 8 inai 1837, 3 mars 1838. Dev. 38, 2, 341. Voyez cep. Delv., p. 713, notes. Favard, sect. 1, § 3, n. 15. Carré, n. 645. Thomine, n. 187. Cass., 7 déc. 1825. Montpellier, 20 août 1810. Toulouse, 22 août 4826, 8 déc. 1830. Paris, 22 ma.s 1827, 14 août 1828. Pau, 16 août 1837. Dev. 38, 2, 343. Riom, 6 août 1821. Cass., 7 déc. 1825, 15 fév. 1841. Dev. 41, 1, 417. Caen, 14 mai 1846. D. P., 55, 2, 209. Cass., 4 fév, 1852, D. P., 52, 273. - Jugé, en outre, qui l'acquiescement. par l'un des codébiteurs solidaires empêche la péremption à l'égard de tous. Cass., 15 avril 1840. Dev. 140, 1, 491.

(2) Domat, 1. 3, tit. 7, sect. 3, art. 16 et 17.

(3) Vazeille, n. 245. Dalloz, n. 630. Troplong, n. 649 et suiv. Paris, 8 juin 1825. Aix, 3 déc. 1831. Limoges, 8 janv. 1839. Dall., n. 630. Liége, 7 nov. 1820. Bruxelles, 2 mars 4850. D. P. 52, 2, 253. Cass., 15 avril 1828, 22 juin 1830.

(4) Dalloz, n. 631. Troplong, n. 630.

(5) Troplong, n. 650. Riom, 20 déc. 1808, 2 déc. 1816. Bourges, 28 juin 1823. Montpellier, 16 nov. 1842. Dall., n. 631 et 632. Pau, 27 juin 1853. D. P., 545, 579. Cass., 28juin 1834. Dall., n. 632.

(6) Toulouse, 24 déc. 1842. Dall., n. 669. Riom, 4 mars 1847. D. P. 47, 2,

412.

Notre article pose en principe que la prescription court contre
toutes personnes; mais il fait pressentir des exceptions.-Ces excep-
tions sont déterminées dans la section qui nous occcupe. En dehors
des cas prévus, la règle générale reprend son empire (1). L'ancien
adage du palais: Contrà non valentem agere non currit præscriptio,
n'est donc pas une règle générale, puisque la suspension n'a lieu
que dans certains cas déterminés.

Il résulte des termes généraux de l'art. 2251, que l'on peut
prescrire contre l'Etat, contre les communes, et même contre les
personnes qui n'ont point connaissance du cours de la prescription.

La prescription court contre les absents: la loi n'établit point
d'exceptions en leur faveur (137 et 1676) (2): ils doivent s'imputer
d'avoir quitté leur domicile sans constituer de mandataire.

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Après le jugement déclaratif, les absents ont des représentants
légaux dans les envoyés en possession (3). Toutefois, dans ce der-
nier cas, il y a lieu d'appliquer aux absents, l'exception admise en
faveur des mineurs et des interdits, créanciers de leurs tuteurs.

Il faut ajouter aux cas exceptionnels déterminés dans ce chapitre
ceux qui sont prévus par l'art. 1304: aux termes de cet article, la
prescription de l'action en rescision pour cause de violence, de dol
ou d'erreur court, dans le cas de violence, du jour où elle a cessé;
dans le cas de dol ou d'erreur, du jour où ils ont été découverts.

L'art. 316 suspend en outre, en certains cas, le cours du délai
accordé au mari pour agir en désaveu; mais il s'agit moins alors
d'une prescription que d'une déchéance.

contre les défenseurs de la patrie et autres citoyens attachés au service des armées de terre
et de mer, pendant tout le temps qui s'est écoulé ou s'écoulera depuis leur départ de leur
domicile, s'il est postérieur à la déclaration de la présente guerre, ou depuis ladite déclara-
tion, s'ils étaient déjà au service, jusqu'à l'expiration d'un mois après la publication de la
paix générale, ou après la signature du congé absolu qui leur aurait été ou qui leur serait
délivré avant cette époque. - Le délai sera de trois mois si, au moment de la publication de
la paix ou de l'obtention du congé absolu, ces citoyens font leur service hors de la Répu
blique, mais en Europe; de huit mois dans les colonies en deçà du cap de Boune-Espérance;
de deux ans au delà du cap. »

Cette loi était restreinte au temps de la durée de la guerre encore engagée; par consé-
quent, elle a cessé d'être en vigueur depuis la conclusion de la paix, en 1815. -Dans l'état
actuel des choses, les militaires ne peuvent prétendre que la prescription est suspendue en
leur faveur; aucune loi ne les place dans l'impossibilité d'agir; libre à eux de laisser un
mandataire (Troplong, n. 703 et suiv.).

(1) Marcadé, p. 151. Dur., n. 285 et 286. Voyez cep. Merlin, Rép., vo Prescrip., p. 427.
Troplong, n. 727. Ces auteurs enseignent qu'on ne doit pas s'arrêter aux seules exceptions
prévues par la loi et que le cas de force majeure doit être également excepté ; ils s'appuient
sur un avis du conseil d'Etat du 27 janvier 4814 et sur un arrêt de Cassation du 9 avril 1818.
Mais il faut observer que cet avis et cet arrêt ne statuent que sur les protêts des effets de
commerce, matière soumise à des règles spéciales. On peut nous opposer un arrêt d'Agen, 25
fév. 1858 (D. P. 58, 1, 139) et un arrêt de cassation du 27 mai 1857. D. P. 57, 4, 290. Mais
dans l'espèce de ce dernier arrêt, il s'agissait d'une question de responsabilité notariale; ii
était rationnel et conforme à la règle de l'art. 2257, de ne faire courir la prescription que du
jour de l'éviction subie; toutefois, la Cour s'est fondée sur le principe que nous rejetons.
(2) Troplong, n. 709. Dalloz, Prescrip., n. 733.

(3) Dur., n. 295. Vazeille, n. 312.

Suspension produite par l'état et la qualité des personnes.

2252. - La prescription ne court pas contre les mineurs et les interdits, sauf ce qui est dit à l'art. 2278, et à l'exception des autres cas déterminés par la loi.

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La règle établie par l'article précédent, souffre exception en faveur des mineurs et des interdits: il résulte de notre article, 1° que la prescription ne peut commencer contre eux. 2. qu'elle s'arrête si elle a commencé contre leur auteur, pour reprendre son cours lorsqu'ils seront devenus capables, ou si les biens qui en sont l'objet passent entre les mains d'un majeur jouissant du libre exercice de ses droits (1) les deux extrêmes se rapprochent alors et complètent le temps voulu pour que la prescription s'accomplisse.

Notons ici, que la loi parle des mineurs et des interdits, sans distinguer si les mineurs sont émancipés ou non émancipés; si l'émancipation a été produite par le mariage, ou si elle résulte d'une décision du conseil de famille; si l'interdiction est légale ou judiciaire (2). Il a paru trop rigoureux, de faire peser sur les incapables placés en tutelle les suites de l'incurie de leur tuteur; car ils ne peuvent s'en garantir; la mission du subrogé-tuteur étant restreinte à une simple surveillance (450). — La loi se fût montrée inconséquente, en privant le mineur émancipé de toute protection, quand il s'agit de lui enlever la propriété d'un immeuble, ou de procurer à son débiteur la libération d'un capital mobilier : car elle déclare, d'une part, que le mineur émancipé ne peut faire d'autres actes que ceux de pure administration sans observer les formes prescrites au mineur non émancipe (484); d'autre part, qu'il ne peut recevoir et donner décharge d'un capital mobilier sans l'assistance. de son curateur (482) or, la prescription conduirait indirecte

ment à l'un et à l'autre résultats.

Nous verrons toutefois, que la suspension n'a pas lieu en faveur des mineurs et des interdits pour les petites prescriptions, c'est-à-dire, pour celles qui s'accomplissent par cinq ans et au-dessous (2278); mais on excepte généralement le cas où il s'agirait d'une créance contre le tuteur: investi de l'exercice des actions de l'incapable, responsable même des fautes qu'il a commises, à quel titre le tuteur invoquerait-il la prescription? debuit a semetipso exigere (Dur., n. 293). - Quant au tuteur qui se trouve créancier de l'incapable, sa position est toute différente la maxime contrà non valentem agere ne le protége pas; car

(4) Marcadé, p. 154. Pau, 14 déc. 1836.

(2) Dur., n. 296. Dalloz, n. 707.

VII.

52

il pouvait diriger son action contre le subrogé-tuteur (1). La prescription court-elle contre les personnes qui sont soumises à l'assistance d'un conseil judiciaire ? Ce n'est point là un état d'interdiction (2).

Le peu de développement des facultés intellectuelles chez les majeurs non interdits, est-il une cause de suspension? Si l'on admettait l'affirmative, il faudrait aller jusqu'à soutenir que la prescription est suspendue en faveur de ceux qui n'ont point connaissance de la prescription commencée contre eux: or, l'ignorance n'est mise par aucun texte au nombre des causes de suspension (3).

Jugé, que l'état de démence ne suspend pas la prescription, lors même qu'il a ultérieurement donné lieu à l'interdiction (4).

-

Aux termes de l'article 475, l'action du mineur contre son tuteur, relativement aux faits de tutelle, se prescrit par dix ans, à compter du jour de la majorité: Ce délai est-il suspendu, si le mineur est mort en majorité, avant qu'il ne soit expiré, laissant des mineurs pour héritiers? Duranton (t. 12, n. 548, t. 21, n. 292) et Toullier (t. 7, n. 614), se prononcent pour la négative; ils se fondent sur les raisons suivantes : « l'art. 1304, en instituant une prescription de dix ans pour les actions en nullité ou en rescision, prévoit bien un cas de nullité pour lequel il crée une exception: c'est celui où l'acte rescindable a été souscrit par le mineur luimême; et alors seulement les dix années de la prescription ne courent que de la majorité. Mais quand l'acte a été fait par un majeur auquel un mineur a succédé depuis, l'exception de la loi ne trouve plus d'application et la règle générale de la prescription de dix ans à partir de l'acte conserve tout son empire. L'art. 2252 au titre général des prescriptions, déclare, il est vrai, que la minorité suspend la prescription; mais il a soin d'ajouter : sauf les exceptions déterminées par la loi et l'art. 1304 renferme précisément une de ces exceptions. Selon nous, on doit appliquer à ce cas spécial l'ancienne maxime: Contrà non valentem agere non currit præscriptio. (Voyez nos observations sur l'art. 1304) (5).

Appliquez cette décision, par identité de motifs, au cas où l'interdit serait mort après la mainlevée de son interdiction (Arg. de l'art. 509).

(1) Limoges, 28 mars 1840. Dall., Prescrip., . 705. Minorités, n. 665. Voyez cep. Dur. n. 294, et Marcadé, p. 165.

(2) Dur., n. 298. Marcadé, p. 154. Troplong, n. 741. Dalloz, n. 696.

(3) Troplong, n. 744. Merlin, Quest., vo Prescrip., sect. 1, § 7, art. 2. Bruxelles, 7 oct. 4822. Dall., n. 738.

(4) Douai, 17 janv. 1845. Dev. 45, 2, 277. D. P. 45, 2, 50.

(5) Aux autorités que nous avons citées, joignez Delv., p. 596, notes, t. 2. Marcadé, p. 155. Paris, 11 déc. 1835. Dev. 1836, 2, 185. Dall., n. 690. Limoges, 28 mai 1886. Dev. 1839, 2, 69. Nimes, 20 juin 1839. Ibid., p. 535. Cass.. 8 nov. 1843. Dev. 1844, 4, 430. Dall., ibid. Agen, 10 janv. 1851. D. P. 51, 2, 53. Donal, 24 mai 1854. D. P. 55, 2, 50. Troplong, Prescrip., no 4039. Voyez cep. Cass., 6 vendémiaire an XI, et Angers, 22 mai 1834. Dev. 1834, 2, 337.

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