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ENCYCLOPÉDIE

MODERNE.

DICTIONNAIRE ABREGE

DES SCIENCES, DES LETTRES, DES ARTS,

DE L'INDUSTRIE, DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE :

NOUVELLE ÉDITION,

ENTIÈREMENT REFONDUE ET AUGMENTÉE DE PRÈS DU DOUBLE,

PUBLIÉE PAR

MM. FIRMIN DIDOT FRÈRES,

SOUS LA DIRECTION

DE M. LÉON RENIER,

SECRÉTAIRE TRÉsorier de la bibLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ,
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE,
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT ARCHÉOLOGIQUE DE ROME,

Tome Vingtième.

PARIS,

FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,

IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'INSTITUT DE FRANCE,

RUE JACOB, 56.

M DCCC

MODERNE,

OU

DICTIONNAIRE ABRÉGÉ

DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS.

MADÈRE. (Géographie et Histoire.) Madeira. Ile de l'océan Atlantique près de la côte occidentale de l'Afrique, par 12° 37′ de longitude ouest, et 32° 45' da latitude nord. Elle s'étend en forme de triangle, et a une longueur de vingt-deux lieues sur une largeur de huit à neuf. Sa population est de 94,000 habitants.

M

Madère a été découverte en 1344 par un Anglais. En 1418 elle fut revue par les Portugais Zario et Texeira. En 1431 Jean Gonzalez et Tristan Vaz, également Portugais, y abordèrent. La surface de l'île n'était alors qu'une immense forêt, élevée, touffue, inextricable, qui a valu à cette terre le nom qu'elle porte Madeira signifie pays boisé. Les navigateurs, bivouaquant sous les arbres et se sentant froid, allumèrent du feu pour se chauffer; le feu gagna les arbres, la forêt tout entière s'embrasa, et pendant sept années, diton, ce gigantesque incendie servit de fanal aux vaisseaux qui passaient dans ces parages. Les cendres de ce feu contribuèrent sans doute à fertiliser cette terre, propre à toute culture et surtout à celle de la vigne. En 1445 on y ap. porta de l'île de Chypre des ceps, qui y prospèrent, y acquirent de nouvelles qualités, et procurèrent bientôt à Madère, devenue célèbre par ses vins, une source de richesses considérable. En 1801 les Anglais s'emparèrent de l'île de Madère, et ils la gardèrent jusqu'en 1814. A cette époque elle retourna aux Portugais. On y compte aujourd'hui environ 100,000 habitants. Elle forme, avec quelques fles plus petites, qui en dépendent, un des cinq gouvernements dans lesquels sont divisées les vastes possessions du Portugal en Afrique.

Madère est un volcan éteint, et partout on y retrouve des traces d'anciennes éruptions. De ENCYCL. MOD.

T. XX.

toutes parts sur les côtes ce sont de hautes falaises et des escarpements formidables de laves, qui donnent à l'île, vue du pont du vaisseau qui s'en approche, l'aspect le plus pittoresque et le plus majestueux. Une végétation vigoureuse, une verdure éternelle couvrent les hau. teurs, qui s'étagent du bord de l'eau au centre de l'île, et y atteignent une élévation que les savants n'ont constatée sur aucun autre point du globe. Les richesses végétales de tous les climats, de toutes les latitudes se trouvent réunies sur cette terre privilégiée, depuis la fraise jusqu'aux bananes, depuis la vigne, qui couvre la base, jusqu'aux myrtes, aux fougères et aux lauriers, qui couronnent les sommets. Le printemps perpétuel, qui mêle sans cesse les fruits aux fleurs, y est favorisé par un magnifique climat, dont l'extrême salubrité présente des chances de guérison aux phthisies les plus dangereusement caractérisées.

« Une chaîne de montagnes, qui n'est, à vrai dire, que le noyau de l'île elle-même, la parcourt dans toute sa longueur, et en détermine la direction. Elle est généralement moins élevée vers ses deux extrémités que dans sa partie moyenne. Là elle se dédouble, si l'on peut employer cette expression, pour enceindre un plateau creusé de profondes vallées, qui forme le centre ou massif. C'est sur le rempart nord de cette haute région que sont rangées les sommités culminantes de Madère : le Pic Ruivo, le plus élevé de tous, qui atteint 1900 mètres au-dessus du niveau de l'Océan; le pic des Torrinhas; ceux do Cidras et do Arriem. La portion de la chaîne qui couvre la partie septentrionale de l'île prend le nom de Paúl da Serra. La partie orientale n'a pas de nom particulier; elle se détache du

groupe central au pic da Lagoas et est domi. née par le pic da Noia (1).

On élève à Madère des bêtes à corne, des moutons et des chevaux de race européenne. Les seuls animaux sauvages qu'on y rencontre sont des lapins et des sangliers. Le sol produit du blé, mais non en quantité suffisante pour la consommation. Parmi les fruits de toute espèce qu'on y récolte il faut citer l'orange, le citron, l'abricot, la pêche; la canne à sucre, le café, les fruits des tropiques y viennent également. Mais, comme nous l'avons déjà dit, la principale richesse de l'tle consiste dans la culture de la vigne, qui produit annuellement 30,000 pipes de vin de toutes qualités. Parmi les meilleures espèces, il faut distinguer celle qu'on appelle en Angleterre malmsey, et qui provient d'un plant de Malvoisie, apporté de Crète; le dry-madera ou madère sec; enfin, le trimadera, vin de même sorte que le précé. dent, mais bonifié par un long voyage sur mer.

La capitale de l'île est Funchal, siége du gouverneur portugais et de l'évêque. Cette ville, peuplée de 20,000 habitants, s'élève en amphithéâtre sur la côte méridionale. Elle est charmante, vue de la mer, et paraît beaucoup moins belle quand on l'examine de plus près et qu'on se trouve dans ses rues, étroites et mal bâties.

Madère commande un groupe d'îles beaucoup moins considérables qu'elle, et qui se compose de Porto-Santo, longue d'environ six milles, avec un bourg du même nom et une population de 6,000 habitants, des Iles Désertes et des Iles Sauvages ou Salvages.

G. Landi, Descrizione dell' isola della Madera; Plaisance, 1874, in-8°.

E. Constantini, Insula Madera Historia; Rome, 1899, in-4°.

F. Alcoforado, Relatio historica de nuper reperta insula Madera; Lisbonne, 1600, in-4°. - Le même ouvrage, trad. en franç. ; Paris, 1671, in-12.

Description of the island of Madera; Londres, 1783, in-12.

Pitta, Account of the island of Madeira; Londres, 1822, in-8°.

T. Bowdich, Excursion of Madeira; ; Londres, 1828, in-4°.

EYRIÈS.

MADRÉPORES. (Histoire naturelle.) Les polypiers pierreux, dont on formait anciennement un genre sous ce nom, ont été distribués en beaucoup d'autres genres, et forment aujourd'hui un grand ordre dans cette immensité de créatures ambiguës qui, sur les limites des règnes animal et végétal, doivent former un règne intermédiaire. Les madrépores jouent un grand rôle, ainsi que les autres polypiers pierreux, dans les changements qui s'opèrent sur divers rivages, par l'accumula

(1) M. d'Avezac, Iles Africaines de l'Océan Atlantique, dans l'Univers pittoresque.

tion très-prompte d'une infinité de dépouilles calcaires. Voyez POLYPIERS.

BORY DE SAINT-VINCENT. MADRID. (Géographie et Histoire.) Capitale de la monarchie espagnole, chef-lieu de l'intendance du même nom et de la capitainerie générale de la Nouvelle-Castille, siége de toutes les autorités et administrations supérieures de l'Espagne. Cette ville est située par 40° 25' latitude nord et 5° 53′ longitude ouest, à 320 lieues sud-sud-ouest de Paris. Sa population est de 211,000 habitants.

Les érudits espagnols voient dans la ville de Madrid la Mantua Carpetanorum des Romains, ce qui est plus que douteux. Sous la domination des Maures il n'y avait sur l'emplacement qu'elle occupe qu'un village fortifié appelé Majoritum, qui fut conquis par don Ramire au milieu du dixième siècle. Alphonse VI de Castille s'en empara définitivement en 1009. Au quinzième siècle, Henri III embellit et agrandit Madrid, et ajouta à ses moyens de défense. La cour y séjourna quelquefois sous Charles-Quint, qui y signa le fameux traité par lequel François Ier racheta sa liberté. Enfin Philippe II déclara cette ville, par ordonnance, capitale de toutes les Espagnes, bien que rien, si ce n'est sa position centrale, ne justifie cette prééminence. Tolède, située sur un grand fleuve, et d'une antiquité bien mieux constatée, eût conservé plus justement l'avantage d'être le séjour du roi et la tête de la monarchie espagnole, avantage que Madrid, sans eau, sans ombrages, située sur un plateau aride et insalubre, surnommé autrefois Madrid la Osaria (l'Ossuaire), semble avoir usurpé sur elle. Les Français s'emparèrent de Madrid en 1807 et en 1808, après une lutte qui valut à la capitale de l'Espagne le nom de ville héroïque; ils l'évacuèrent en 1812, après la bataille de Salamanque.

Madrid se trouve au milieu d'une plaine sablonneuse, entourée de collines et élevée ellemême à plus de 600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le Manzanarès lui sert de limites du nord-ouest au sud-est; presque à sec en été, ce petit affluent du Tage roule en hiver des eaux abondantes, qui rendent toute leur importance aux beaux ponts jetés sur son lit, et parmi lesquels on remarque le pont de Tolède. La ville a la forme d'un quadrilatère, dont chaque côté a environ une demilieue de long; elle est entourée d'un mur élevé et de boulevards plantés d'arbres. C'est une belle cité, à l'aspect riche et magnifique, surtout dans la partie moderne, qui est remarquable par la largeur de ses rues, sa propreté, et l'architecture en général simple, mais grandiose, de la plupart des maisons particulières. Elle a dix-sept portes, dont la plus belle est celle d'Al

cala, bâtie en forme d'arc de triomphe : cette porte se trouve au bout de la rue du même nom, la plus belle de Madrid. Parmi les promenades, les plus spacieuses et les plus agréables sont le Prado, las Delicias el los Paseos Nuevos : ce sont des espèces de boulevards extérieurs, plantés de beaux arbres et ornés de fontaines en marbre. A l'intérieur, Madrid ne renferme pas de promenades; car on ne peut donner ce nom ni à la place Santa-Anna, malgré la fontaine entourée d'arbres qui s'y trouve, ni au carrefour, rendez-vous des oisifs, où viennent aboutir les cinq plus belles rues de Madrid, et qu'on appelle improprement la Puerta del Sol ( la porte du soleil ). A ces deux places il faut ajouter celle du PalaisRoyal, celle où se donnent les courses de taureaux, et la Plaza-Major.

Parmi les édifices publics, dont un petit nombre se distinguent par leur architecture, les principaux sont : le nouveau palais royal, situé dans la partie occidentale de la ville et rebâti par Philippe V: on vante principalement pour leur magnificence la chapelle et la salle des ambassadeurs, où se trouvent des tableaux du plus grand prix; le Buen-Retiro, autre palais, remarquable surtout par les magnifiques jardins qui l'entourent, mais fortement endommagé en 1808 par l'artillerie française; le palais des Conseils ou du Gouvernement; le superbe édifice du musée royal des beaux-arts et celui du musée des sciences naturelles; la Panaderia, où réside l'académie de l'histoire; Buena-Vista, où se trouvent les belles collections de musée d'artillerie; l'arsenal, riche en armures précieuses et autres objets curieux; l'hôtel des postes, la douane, la monnaie, etc. En outre, Madrid renferme 33 fontaines publiques, 20 casernes, 8 prisons, 3 théâtres, 18 hôpitaux, 3 hospices, 19 églises paroissiales, 64 couvents, parmi lesquels il faut citer celui de Saint-Philippe, et aussi celui des Salésiennes, qui possède une belle église. Enfin, parmi les palais particuliers qu'habitent les grands seigneurs espagnols, beaucoup se distinguent par la beauté de leur architecture, ceux par exemple des ducs de Berwick, d'Alba, de Medina-Cœli, d'Ossuna, de l'Infantado.

Madrid est riche en établissements scientifiques on y trouve deux bibliothèques publiques, dont l'une contient plus de 200,000 volumes imprimés, un grand nombre de manuscrits, un médailler de 150,000 pièces, et l'autre une superbe collection d'estampes. Dans le musée des beaux-arts est établie une magnifique galerie de tableaux. Le musée des sciences naturelles, où se font des cours publics sur les différentes branches des sciences physiques et sur leurs applications, possède un cabinet d'histoire naturelle, une belle collec

tion de minéraux, un riche jardin botanique. On enseigne les mathématiques appliquées et la mécanique dans un conservatoire des arts et métiers, fondé sur le plan de celui de Paris. La médecine, la chirurgie, la pharmacie, le génie civil et militaire ont leurs écoles ou leurs colléges. Enfin Madrid compte treize sociétés savantes, dout les principales sont les académies des beaux-arts, de la langue espagnole, de l'histoire d'Espagne, d'économie et de médecine.

11 se publie dans la capitale de l'Espagne un assez grand nombre de journaux.

G. d'Avila, Teatro de las grandezas de la villa de Madrid; Madrid, 1823, in-fol.

G. de Quintana, Historia de la Antiguedad, Nobleza y Grandeza de la muy antigua, noble y coronada villa de Madrid; Madrid, 1629, in-fol.; le même ouvr. trad. en françals; Cologne, 1665, in-12. D. Alvarez y Bæna, Compendio historico de las grandezas de la coronada villa de Madrid, Madrid, 1736, in-8°. G.

MADRIGAL. (Littérature.) Ce mot n'a pas d'analogue dans la littérature ancienne. A quelle littérature l'avons-nous emprunté ? la question est encore à résoudre.

11 se trouve dans l'italien et dans l'espagnol; on lui attribue la même signification dans ces deux langues, mais non pas la même étymologie.

Madriale ou madrigale sont synonymes en italien. Madriale, dit le cardinal Bembo, dérive de mandra, mot emprunté au grec par le latin, et qui signifie bergerie. De mandra, qui est entré dans la langue italienne, a été tiré mandriale, berger. Madriale ou madrigale ne signifierait-il pas chant à l'usage des bergers, poëme pastoral? Le caractère de ce petit poëme, exclusivement consacré à la tendresse ou à la galanterie, s'accorde assez, en effet, avec celui de la passion permanente que prête aux bergers la littérature du moyen âge.

Un autre étymologiste italien, Ferrari, prétend que ses compatriotes tiennent madrigale des Espagnols, et qu'il vient de madrugar, se lever matin; ce qui suppose que les inventeurs du madrigal chantaient comme le coq, dès la pointe du jour. Il s'ensuivrait que madrigal veut dire chant du matin, comme sérénade chant du soir.

Le docte Huet pense que madrigale (c'est ainsi que nos pères ont longtemps écrit ce mot) pourrait bien venir de martégale, espèce de poésie dont l'invention appartient aux martégaux, montagnards provençaux dont elle a retenu le nom, comme la gavotte a retenu celui des gavots, montagnards du pays de Gap, chez qui cette danse était en usage longtemps avant qu'il y eût à Paris une académie royale de danse et de musique.

Ménage hasarde une autre étymologie :

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