Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

cependant courir rifque de perdre fa réputation. Car quoiqu'un Vaiffeau ait été conftruit d'après toutes les régles que prescrivent la théorie & la pratique; que fes mâts & vergues foient bien placés & dans leur vrai rapport; qu'on

La pefanteur spécifique des bois varie affez pour être auffi l'objet d'une attention fcrupuleufe; quelquefois le bois de chêne pefe feulement 66 liv. le pied cube, alors il eft flottant; quelquefois il pefe plus que l'eau de mer alors il eft ce que l'on appelle fondrier; il va au fond: il y a de ces bois fondriers qui vont jufqu'à 84 & même 90 liv. le pied cube. Si, pour finir une conftruction, on reçoit des bois fondriers d'une grande pefanteur, il faut tâcher de diminuer à proportion l'échantillon des pieces; ou l'on auroit encore, par ce chef, défaut de ftabilité & défaut de déplacement.

On connoît un moyen fimple de fe procurer la pefanteur fpécifique des bois, ainfi que de toutes autres matières: c'eft celui qu'offre la balance hydroftatique. Pefez un morceau de bois de quelque figure que ce foit, ou un faix de copeaux d'une même piece; enfuite, s'il eft fondrier, voyez ce qui lui refte de pefanteur étant entiérement plongé dans l'eau de mer; du poids de ce morceau ou faix de bois pefé dans l'air, déduifez fon poids, pefé dans l'eau, il restera le poids d'un volume d'eau égal à celui du bois : il n'y aura plus, pour avoir le poids d'un pied cube de ce bois, qu'à faire une regle de trois, dont le premier terme foit la pefanteur du volume d'eau égal à celui du bois; le fecond terme, le poids du pied cubique d'eau; le troifieme terme, le poids du bois pefé dans l'air: on aura, pour quatrieme terme, le poids du pied cube de ce bois. Si le faix ou le morceau de bois, eft flottant, voyez ce que pefe dans l'eau un corps quelconque, mais d'une grande densité, qui ne puiffe s'imbiber, d'une pefanteur fpécifique plus confidérable que celle de l'eau de mer, & fuffifante pour faire fubmerger le bois en expérience, le corps y étant attaché; pefez enfuite, toujours dans l'eau, le bois & le corps liés enfemble; déduifez le poids du bois & du corps, du poids du corps feul; ajoutez le reftant au poids du morceau de bois pefé dans l'air; vous aurez le poids du volume d'eau déplacé il n'y aura plus à faire que la regle de trois pour avoir le poids du pied cubique de ce bois.

Récapitulons en un mot: fi en même tems, premiérement le Charpentier, trop peu fuivi dans l'exécution a donné plus d'échantillon que celui fuivant le devis; deuxièmement, fi l'on a boifé en plein bois, les hauts contre l'ufage & le projet; troifiémement, fi ces hauts fe trouvent de bois d'une péfanteur fpécifique extraordinaire & cela, dans un Vaifleau qui auroit eu tout jufte la ftabilité qu'il convient: ce Bâtiment se trouvera abfolument manqué.

foit

foit fùr enfin que ce Bâtiment poffede toutes les meilleures qualités; il peut cependant arriver qu'un tel Vaisfeau fe comportera très-mal, ce qui proviendroit des raifons fuivantes :

1o. Quoique le gréement du Vaiffeau (quand les mâts & les vergues font placés en leur lieu, & font dans un jufte rapport) n'est pas un objet fi considérable que chaque Marin n'en doive connoître les proportions, il arrive cependant fouvent qu'on emploie des manoeuvres trop fortes & des poulies trop groffes, ce qui produit un poids trop confidérable dans les hauts. Il peut auffi fe trouver que les voiles foient mal coupées; le Vaiffeau perdra, par cette raison, l'avantage de bien marcher au plus près; de bien virer de bord, &c. : d'où il peut réfulter de grands inconvéniens, où la forme du Bâtiment n'ait aucune part.

2o. Le Vaiffeau eft encore expofé à perdre de fes qualités en toute maniere, par une mauvaise difpofition de fon arrimage. Si la charge eft trop bas, le moment de stabilité deviendra trop grand, ce qui doit produire des mouvemens de roulis durs. Au contraire, fi l'on éleve trop le poids de la charge, le Vaisseau portera mal la voile, lorfqu'il vente bon frais, & il ne pourroit fe relever d'une côte où il feroit affalé. Si on le charge trop à ses extrémités, il sera sujet à un grand mouvement de tangage, qui retardera beaucoup fa marche, & à plufieurs autres inconvéniens qui ne proviennent pas davantage du Bâtiment en lui-même.

3o. La bonne maniere de fe comporter d'un Navire dépend auffi beaucoup de la manœuvre; car fi les voiles ne

C

font pas bien orientées, par rapport à la direction du vent & de la route, on perdra de la marche; il pourra devenir lâche au point de manquer de virer de bord, ce qui met fouvent un Vaiffeau dans une position critique : dans les foins du manœuvrier, on comprend l'attention au tirantd'eau, & à la maniere de rider les haubans & étais, dont dépendent beaucoup les qualités du Vaisleau.

Au furplus, la bonne manoeuvre eft d'une plus grande conféquence fur un Corfaire que fur un Bâtiment marchand. Le manœuvrier doit favoir tirer le meilleur parti des qualités de fon Bâtiment pour parvenir à fes fins, puifqu'il a affaire à un ennemi qui pourroit profiter de fes fautes pour se rendre maître de l'attaquer, & le réduire à la feule défenfive; ou bien il eft poffible qu'il manque de se retirer de devant un ennemi fupérieur, quoique fon Vaiffeau foit bon. Ainfi, un Armateur peut faire des pertes considérables de mille manieres, moins par les défauts de son Bâtiment, que par l'ignorance de celui qui le commande. Auffi ne voit-on que trop fouvent qu'un Vaiffeau montre les meilleures qualités pendant une campagne, & les plus mauvaises pendant une autre.

Enfin, on voit par tout ceci, qu'un Vaiffeau de la meilleure forme ne manifeftera fes bonnes qualités que lorfqu'il fera en même tems bien gréé, bien arrimé, & bien manœuvré de la part de ceux qui le commandent.

H

pouv

RAPPORT des Commissaires nommés par l'Académie Royale de Marine, xaminev la traduction Ə’un Craite дe Conftruction де М. де Chapman, faite pav M. VIAL DU CLAIRBOIS,

en 1779.

LE Traité de Construction des Vaiffeaux de M. de Chapman est un Ouvrage vraiment original, & le premier fur cet objet qui foit forti des mains d'un homme du métier. Auffi nous paroît-il jetter beaucoup de jour fur cette partie importante de la Science de la Marine.

Ce célebre Conftructeur commence par donner une nouvelle méthode de calcul de déplacement, qui, fans être beaucoup plus longue que celle que l'on emploie communément, donne un réfultat infiniment plus exact; on confidere ordinairement les parties curvilignes des plans de flottaisons ou de gabarits entre les extrémités des ordonnées, comme des droites; M. de Chapman les regardent comme des parties paraboliques ; & de la nature de cette fection conique & du trapeze, il tire une expreffion, fur laquelle il fonde un calcul affez fimple. Quelques perfonnes pourront trouver cette précision minutieufe; mais, en réfléchiffant sur cet objet, on verra qu'il demande tous les foins & toutes les peines imaginables. Il n'est que trop vrai que de nos jours il fe manque encore des Vaiffeaux, & cela probablement, par beaucoup de négligences qui, chacune petite en elle-même, fe trouvant par hazard dans le même fens, font fomme, & caufent l'effet le plus fâcheux.

Le chapitre de la ftabilité n'offre rien de neuf : comme cette matiere a été fort bien traitée par plufieurs Auteurs, M. de Chapman fuit leurs traces. Cependant il veut établir une propofition fur le lieu de la carene où doit fe faire l'augmentation de déplacement, pour une certaine augmentation de poids que devroit recevoir le Vaiffeau; mais il fait, dans fon calcul, une faute d'analyfe confidérable, &, fon expreffion se trouvant fauffe, ainfi que

XX

le fait obferver M. Vial du Clairbois, le fyftême de conftruction qu'il bâtit fur un auffi mauvais fondement, ne peut que s'écrouler. Au furplus, comme ce Traité eft un ouvrage plutôt élémentaire que fyftématique, ce défaut n'influe en rien fur ce qui vient

à la fuite.

On trouve auffi dans nos bons Auteurs, & particulierement dans la Méchanique de M. Bezout, ce que M. de Chapman dit des centres d'ofcillation & de percuffion par rapport au mouvement de roulis & de tangage. Il réfulte, de ce que l'on voit par-tout à ce fujet, que pour diminuer les mouvemens de roulis, il faut rejetter fur ftribord & bâbord les poids les plus confidérables, afin de donner ce que l'on appelle un plus grand moment d'inertie. Il eft bon de remarquer ici que l'on a quelquefois mal pris cette conféquence," très-bien fondée; on a perdu la ftabilité de plus d'un Vaiffeau, en rejettant fur les aîles grande quantité de left de fer, parce qu'en éloignant ces poids du milieu, les foutenant au bout de la varangue on les exhauffoit: dans un Bâtiment qui n'a qu'une stabilité fuffifante, il ne faut rejetter les plus grands poids fur les aîles qu'autant que cela peut s'accorder avec la condition de ne les pas exhauffer.

Le chapitre de la résistance qu'éprouve le Vaiffeau en mouvement de la part du fluide, nous paroît contenir de bonnes vues, qui, quoiqu'apperçues par d'autres Auteurs * étant mifes au jour dans l'étendue qu'il leur donne, doit fournir des idées naturelles lefquelles, femées dans les génies analyftes qui s'occupent de cette quef tion importante, pourront germer & mener à fa maturité ce fruit fi longtems attendu que l'on ne peut guere efperer d'un seul individu.

ment,

Le Vaiffeau étant en repos, fa carene eft preffée dans tous ses points par le fluide où il eft plongé; lorfqu'il eft mis en mouveaux preffions de l'avant doit être ajoutée l'impulfion de l'eau.... Mais, l'arriere fe dérobant au fluide, il y a une ceffation de preffion, une espece d'impulfion négative fur cette partie qui revient à une impulfion pofitive de l'avant, & doit être ajoutée à celle fur cette partie: voilà l'idée de M. de Chapman, en

* Voyez le Traité de Conftruction des Vaiffeaux de M. le Comte du Maitz de Goimpy, Capitaine de Vaiffeau, (page 59.).

« PreviousContinue »