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«Il est fait trois envois de ces lettres. Le premier à 7 heures un quart du matin; le second à 8 heures un quart; le troisième et dernier, consacré exclusivement aux lettres dont le port a été acquitté par les envoyeurs, ne peut avoir lieu qu'une heure après, c'est à dire à 9 heures et quart.

« Les lettres composant les deux premiers envois sont réparties entre des facteurs qui sortent de leurs bureaux respectifs pour entrer en distribution au plus tôt à 9 heures du matin.

«Les lettres affranchies, qui composent le troisième et dernier envoi, moins favorisées encore que les premières, ne sont mises en distribution qu'à 10 heures.

« Enfin ces deux distributions finissent à peu près en même temps, c'est à dire à midi et souvent plus tard.

« Telles sont les différentes phases que parcourent ces lettres, depuis leur arrivée à Paris jusqu'à leur entière distribution ».

Suivait une très intéressante étude de ce qui se passait à Londres, mais qui dépasse le cadre de cet ouvrage ; retenons seulement des termes de comparaison au sujet de l'accélération du service comparé avec celui qui existait à Paris.

« 1o La superficie de la ville de Londres étant de 96.885 hectares, la portion moyenne de cette superficie revenant à chacun des 151 facteurs chargés de la distribution des lettres des provinces et de l'étranger, se trouve être de 642 hectares. La superficie de Paris n'est que de 34.395 hectares. Le service de la distribution des lettres des dépar tements étant fait par 116 facteurs, la portion moyenne de cette superficie, est donc pour chaque facteur, à Paris, de 297 hectares seulement.

2o La population contenue dans le cercle postal où s'exerce la distribution urbaine des lettres à Londres (one penny post) ne peut être évaluée à moins de 1.500.000 habitants, ce qui donne en moyenne, par facteur, 9.934 habitants. Le recensement qui s'achève en ce moment à Paris portera, dit-on, la population de la capitale à 900.000 âmes; c'est donc seulement par facteur 7.759 habitants.

« 3o Le nombre des maisons à Londres dépasse 100.000; et toutes ces maisons sont fermées, l'usage des portiers ou concierges dans cette vlile étant inconnu, d'où il suit que les facteurs doivent frapper et attendre l'ouverture des portes, à chaque maison où ils ont des lettres à remettre. A Paris, le nombre des maisons n'est guère que de 29.000 dont 11.000 ont des portes cochères et un bien plus grand nombre des portiers ou concierges lesquels sont autorisés à recevoir les lettres pour les habitants, usage qui tend à accélérer la distribution.

« 4o Enfin le minimum du nombre des lettres venant des provinces et de l'étranger à distribuer dans Londres, chaque jour, est de 46.000 comprenant 36.000 francs de taxes; ce qui revient par facteur à 305 lettres et à 238 francs de taxes à recouvrer. Le maximum du nombre des lettres mises en distribution à Paris, à 9 heures du matin, ne dépasse pas 23.000 et leurs taxes 14.000 francs, ce qui donne pour moyenne par facteur 175 lettres et 113 francs de taxes.

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Ces mesures furent mises en exécution à partir du 21 Février 1837. Un avis fut placardé dans tous les bureaux afin que le public fût averti de la nouvelle organisation.

« Le directeur des postes fait remarquer qu'il résulte de la nouvelle organisation du service de la poste de Paris de nombreux et importants avantages pour le public, non seulement par rapport à la petite poste, mais encore à l'égard des lettres venant des départements ou de l'étranger.

« Un avantage qui est commun au service de la petite poste et aux lettres venant des départements, c'est l'impossibilité désormais de faire ce qu'on appelle des fausses directions de lettres, c'est à dire d'envoyer des lettres d'un quartier dans un autre. En effet, ces erreurs, qui s'élevaient quelquefois jusqu'à mille par jour, sont réparées par l'effet de la centralisation du travail des facteurs à l'hôtel des postes, au moment même où elles sont reconnues, ce qui ne pouvait avoir lieu quand les lettres étaient envoyées aux facteurs dans chaque bureau d'arrondissement; alors ces lettres perdaient quatre ou six heures pour revenir à leurs destinataires.

«Quant aux lettres venant des départements et de l'étranger, la centralisation des facteurs à l'hôtel des postes en a avancé la distribution le matin de quatre heures, puisque les distributions n'étaient achevées, avant l'adoption de cette mesure qu'à 11 heures et demie et qu'à présent elles doivent être terminées à 9 heures et demie au plus tard.

« Les dépêches si importantes apportées par le courrier de Belgique, qui arrive vers une heure de l'après-midi, ne pouvaient être entièrement distribuées avant 6 heures du soir; elles seront distribuées avant 3 heures de l'après-midi.

<< On distinguait dans Paris quelques quartiers excentriques sous le nom de petite banlieue; ces quartiers étaient privés de la dernière levée des boîtes et de la dernière distribution des lettres. Ils seront placés désormais sous ce rapport sur la même ligne que les quartiers du centre de la capitale.

« En ce qui concerne les lettres pour les départements, le public gagne à cette nouvelle organisation de pouvoir déposer ses lettres dans les boîtes de quartiers et des bureaux d'arrondissement une demiheure plus tard que précédemment.

« L'administration des postes va faire placer auprès de chaque boîte de quartiers un écriteau qui indiquera l'heure précise de la distribution d'une lettre par rapport au moment où elle sera jetée à la boîte. «Enfin elle fera connaître tous les jours par une affiche placée à la Bourse l'heure à laquelle les lettres apportées par chaque courrier auront été mises en distribution ».

Paris, le 12 Mars 1837.

LE DIRECTEUR DES POSTES.

Pendant tout le règne de Louis-Philippe, il y eut une lutte continuelle pour la réforme du tarif postal et toujours on eut ce triste spectacle de voir les ministres, les fonctionnaires, les membres de la droite, hostiles à toute réforme, alors que l'exemple de l'Angleterre, qui avait innové en 1840 le port de un penny grâce à la persévérance de Rowland Hill, suffisait à démontrer quels bienfaits les peuples pouvaient tirer de la réforme. La poste est le plus grand élément de civilisation, puisqu'elle permet d'entretenir des relations suivies, fréquentes, entre personnes vivant très éloignées les unes des autres.

Si nous écrivions une histoire de la Poste, nous pourrions nous étendre longuement sur les discussions qui eurent lieu à

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la Chambre des Députés (202) et montrer ainsi plus éloquemment, que nous ne pouvons le faire par nos propres moyens, l'ardeur des défenseurs du progrès et la tenacité des ennemis de toute réforme.

Citons parmi ceux qui luttèrent pour le progrès : M. Emile de Girardin, qui dès 1832, préconisa la réforme postale ; MM. Glais-Bizoin, le baron Duprat, de Saint-Priest, de la Sizeranne, Dufaure, et n'oublions pas de noter les noms des misonéïstes, qui eux aussi luttèrent avec acharnement contre toute amélioration. Ce furent les ministres des finances, le fameux Pussy, Humann, Fould, Lacave-Laplagne, Dumon, puis les

(202) Histoire de la Poste et du Timbre en France, par Georges Brunel

députés de Rainneville, Paul de Gasparin, Vuitry, Demesnay, de Morny et enfin le directeur des Postes Conte, dont c'était d'ailleurs le chant du cygne (203).

Pour épuiser ce sujet, des plus intéressants, nous énumérerons rapidement les étapes des projets de réforme ; on verra avec quel acharnement partisans et adversaires luttèrent : amis de la routine et gens de progrès.

Dans la séance de da Chambre des députés du 19 Mars 1844, M. de Saint-Priest déposa une proposition de loi qui modifiait le tarif de 1827; les lettres du poids de 10 grammes jusqu'à 40 kilomètres devaient payer 20 centimes de port; au delà de 40 kilomètres, 30 centimes quelle que soit la distance. Audessus de 10 grammes, il y avait une échelle de surtaxe.

Le ministre combattit la proposition (naturellement), mais la Chambre prit la proposition en considération et une commission nommée déposa son rapport le 5 Juillet 1844. Voici ce que le rapporteur, M. Chegaray, exposait aux membres de la Chambre :

«La majorité de la commission a pensé que de tous les plans de réforme proposés, celui qu'il convenait de recommander le plus spécialement à l'attention des Chambres et de l'Administration, c'était le plus radical, et par là même le plus énergique et le plus complet de tous, à savoir: la taxe unique à 20 centimes. Il lui a paru en effet : «1° Que dans tout autre système, l'inconvénient capital de l'inégalité de la taxe subsisterait encore dans une proportion beaucoup. plus forte;

«2° Que tout autre système aurait, en outre, l'inconvénient de n'améliorer que partiellement la condition des contribuables; tous au contraire seraient soulagés et satisfaits si la taxe la plus basse s'appliquait, à l'avenir, indistinctement aux correspondances circulant dans toute l'étendue du royaume;

« 3° Que même au point de vue financier, toute réforme de ce genre devait tendre à un développement aussi considérable que possible, de la correspondance, résultat qui ne saurait être espéré que d'un extrême bon marché;

«< 4° Que la réforme devait tendre, en même temps, à l'anéantissement de la fraude, autre résultat qui ne peut être atteint que par la diminution aussi forte que possible de la prime offerte aux fraudeurs par l'élévation de la taxe;

«5° Que dans l'état actuel des choses, une portion considérable des recettes légitimes du Trésor paraît lui être enlevée par l'extension

(203) Conte fut mis à la retraite en 1847, sur les dénonciations formelles de Glais-Bizoin, qui prouva que le directeur des Postes était « un ennemi, avoué, irréconciliable de la taxe uniforme et peut-être de toute réforme ».

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