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Déclaration du Roi

portant établissement d'une poste de ville à Paris
donnée à Versailles le 8 Juillet 1759.

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre.
A tous ceux qui ces présentes lettres verront; Salut.

La nécessité où nous sommes de pourvoir au besoin de l'Etat Nous a fait rechercher, pour y parvenir, les moyens qui nous ont paru être les moins onéreux à nos peuples: dans cette vue Nous nous sommes fait rendre compte de ceux de nos droits qui, en affectant le moins la fortune de nos Sujets, seroient susceptibles d'une augmentation modérée; Nous avons reconnu que les Ports de Lettres ont continué d'être taxés sur le pied du Tarif de l'année 1703, malgré l'augmentation du prix des denrées et des dépenses de l'exploitation de cette Ferme et malgré l'augmentation numéraire des espèces, Nous nous sommes portés à augmenter le tarif dans une proportion générale qui sera encore au-dessous de cette augmentation numéraire, de manière que les ports de lettres continueront de coûter moins intrinsèquement qu'en 1703; cette disposition nous a paru d'autant plus convenable que les Tarifs de Ports de Lettres sont encore plus forts dans la plupart des Etats voisins; ayant également reconnu qu'il seroit utile et commode aux Habitants de notre Capitale d'établir dans l'enceinte des Barrières, unc communication plus facile et moins coûteuse que celle qui se fait par les voyes ordinaires des Lettres qu'ils ont à s'écrire par l'établissement d'une Poste intérieure dont chacun seroit libre d'user ou de ne pas user à son gré, et que cet établissement pourroit en même tems accroître le revenu de notre Ferme des Postes, Nous nous sommes déterminés à former le dit établissement, dont l'administration sera faite pour notre compte par le Fermier de nos Postes.

A ces causes et autres à ce Nous mouvant, de l'avis de notre Conseil et de notre certaine science, pleine puissance et autorité Royale, nous avons dit déclaré et ordonné et par ces Présents signés de notre main, disons déclarons et ordonnons, voulons et nous plait ce qui suit:

Il sera établi dans notre Ville de Paris différents Bureaux pour porter d'un quartier dans un autre, dans l'Anceinte des barrières des lettres et paquets sur le pied de deux sols pour une lettre simple, billet ou carte au-dessous d'une once, soit qu'il y ait enveloppe ou qu'il n'y en ait pas et de trois sols l'once pour les paquets et à l'effet de prévenir les abus le port sera payé d'avance, les lettres et les paquets seront timbrés du timbre particulier à chaque Bureau dont ils seront partis, toutes les lettres et paquets seront apportés à un Bureau général pour être de là distribués dans la Ville et ne pourra aucun distributeur se charger en chemin d'aucune lettre ou paquet non timbré, sous peine de punition corporelle; n'entendons néanmoins en aucun cas empêcher les particuliers de faire porter leurs lettres ou paquets dans la Ville et les Faubourgs de Paris, par telles personnes qu'ils jugeront à propos.

POSTE INTÉRIEURE DE PARIS

Les lettres simples, billets et cartes paieront 2 s.

L'once pour les paquets payera 3 s.

Le port sera payé d'avance, sinon les lettres seront mises au rebus. Donné à Versailles le huitième jour de Juillet l'an de grâce mil sept cent cinquante-neuf et de notre règne la quarante-quatrième. Signé Louis et plus bas: par le roi, Phelipeaux.

Vu au Conseil, de silhouette, scellé du grand sceau de cire jaune. Enregistrée, ce requérant le Procureur Général du Roi pour être exécutée selon sa forme et teneur; et copies collationnées envoyées aux Baillages et Sénéchaussées du Ressort, pour y être lue, publiée et registrée enjoint aux Substituts du Procureur Général du Roi d'y tenir la main et d'en certifier la Cour dans le mois et sera le Roi très humblement supplié à la cessation de la guerre, de faire cesser ou de diminuer les Impositions les plus onéreuses à ses peuples, suivant l'arrêt de ce jour.

A Paris, en Parlement toutes chambres assemblées, le dix-sept Juillet mil sept cent cinquante-neuf.

Nous avons dit plus haut que la Petite Poste n'avait pu commencer son office à la date assignée, parce qu'il fallait le temps de l'organiser. Il ne faudrait pas croire que Chamousset pouvait être pris au dépourvu. Loin de là ; il avait tout étudié, tout prévu et son plan d'organisation était singulièrement bien compris ; il n'eut qu'à le mettre en pratique pour qu'il fonctionnât à la satisfaction de tous.

Voici les considérations que l'auteur de cette innovation présentait au public pour expliquer l'utilité de la Petite Poste.

Les gens riches qui ont beaucoup de domestiques et peu d'affaires pourront trouver ce moyen lent, mais s'il est suffisant pour remplir la nécessité des affaires, j'aurai rempli la partie de mon objet la plus essentielle. Un commissionnaire peut porter une lettre aussitôt qu'elle est écrite, mais celui à qui elle est destinée n'est peut-être pas chez lui, il faut donc faire un second voyage, etc. La Poste de Paris ne faisant porter les lettres que par des facteurs attachés à chaque quartier et comptables de leur conduite, les lettres qui ne pourront être remises directement aux personnes seront confiées à des gens qu'ils connaissent. Les lettres qui n'auront pu être rendues à leur adresse, seront reportées à ceux qui les auront contresignées ; celles qui n'auraient pas été contresignées seront déposées pendant un

mois au bureau de distribution d'où elles viennent, après quel temps elles seront brûlées.

Comme il y a dans Paris plusieurs rues qui portent le même nom, il sera essentiel d'ajouter les quartiers de ces rues, sans quoi on serait obligé de faire passer les envois par les différents bureaux qui ont des rues de même nom, ce qui ralentirait considérablement les remises. Il serait même à souhaiter, surtout dans le commencement, que l'on voulût bien distinguer la partie des rues où s'adressent les lettres, en ajoutant sur la suscription le lieu le plus distingué du voisinage (52). La poste se chargera dans tous les différents quartiers des lettres pour la grande poste dans l'intérieur de Paris moyennant six deniers et un sol (53) seulement pour celles qui viendront des villages où cette poste s'étend. Ces lettres à l'instant qu'elles seront arrivées, seront envoyées par un exprès à la Grande Poste.

C 8

E 15

J

A

QUELQUES MARQUES DE LA PETITE POSTE DE PARIS

Primitivement il devait y avoir quatre distributions par jour. Mais de Chamousset crut plus prudent de commencer par trois seulement. La première distribution était celle des lettres qui avaient été reçues dans la dernière tournée de la veille et toutes celles qui avaient été portées dans les boîtes avant 5 heures du matin; elle se faisait vers les 8 heures ; les mêmes facteurs repassaient une heure après, soit vers 9 heures, pour prendre les réponses, à la porte même des maisons et les porter au bureau de leur district, d'où elles étaient rendues à leur adresse à la deuxième distribution, soit vers midi; les facteurs repassaient vers une heure pour les réponses et la troisième et dernière dis

(52) Nous ferons remarquer que depuis quelques années l'administration des Postes recommande de mettre le numéro de l'arrondissement: Nil novi sub sole...

(53) Le denier était la douzième partie d'un sol.

tribution avait lieu vers 4 heures ; la dernière levée des réponses se faisait avant 5 heures ; après cette heure il ne restait plus que la voie des boîtes.

Les boîtes devaient être placées en aussi grand nombre que l'utilité le démontrerait; celles qui étaient placées à la porte des bureaux de distribution étaient levées une demi-heure après les autres.

FACTEUR DE LA PETITE POSTE
DE PARIS

avec la « claquette » dans
la main droite.
(d'après une gravure de
l'époque).

Les buralistes recevaient les lettres, percevaient le port et marquaient les missives du numéro de leur boîte et de la lettre du bureau dont ils dépendaient. On pouvait se faire adresser les lettres poste restante dans ces bureaux, à la seule condition que les envois fussent affranchis ou bien que ceux qui usaient de ce moyen soient connus du buraliste; dans ce cas, ce dernier pouvait payer les ports des plis non affranchis.

Le facteur levait les boîtes et les emportait au bureau de district aver un bordereau signé du buraliste ; on voit que le côté comptabilité n'avait pas été négligé. Il y avait un écriteau à l'endroit où se trouvaient ces boîtes pour en instruire le public.

Enfin, dernier renseignement curieux, le public était averti du passage des facteurs par l'instrument (appelé claquoir ou claquette) dont se servaient les Hollandais pour donner à ceux qui gardaient leur ville, le moyen de s'avertir et de se réunir promptement.

Les facteurs n'étaient reçus qu'après un examen scrupuleux, afin que parfaitement connus, leur service roit bien assuré ; à la moindre faute, ils étaient punis sévèrement. Ils devaient demeurer dans le quartier. A l'arrivée du facteur au bureau, on

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