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Les billets de

* Port Payé ". Essai d'une Poste Parisienne et qu'il en advint.

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INSI Paris correspondait bien avec les Provinces, mais ne correspondait pas avec lui-même. Or, bien que les historiens n'en parlassent point, il se trouva un homme qui fut frappé de cette absence de relations urbaines et qui se mit dans la tête d'y remédier.

Par la correspondance de Pellisson, on a pu heureusement retrouver le nom de cet homme audacieux, car aucun bibliographe ne le cite, encore qu'il fût membre de l'Académie française. On verra dans un instant pour quelles raisons il est à peu près inconnu :

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«M. de Velayer fit imprimer certaines formules de billets d'une douzaine des sortes, comme pour demander de l'argent à un débiteur, recommander une affaire à son procureur, un ouvrage à quelque artisan, etc..., afin que ceux qui auraient des choses semblables à écrire pussent se servir de ces billets tout faits, du moins en remplissant les quelques lignes de blanc qu'on y laissait, comme on fait aux quittances des parties casuelles et en une infinité d'autres affaires. Ces billets se vendaient au Palais, avec les autres billets de port payé.

« Pour s'en servir il fault remplir le blanc et la date du jour du mois auxquels vous escrivez et après cela vous n'avez qu'à

entortiller le billet autour de celuy que vous escrivez à votre amy et le faire jeter ensemble à la boëtte.

<< Acante en ayant acheté une douzaine pour cinq sous, s'avisa, pour employer son argent, d'envoyer à Sappho, par la voie des boîtes celui qui est ici attaché » (2).

En réalité, M. de Velayer s'appelait Jean-Jacques Renouard, comte de Villayer et c'est le nom estropié du fondateur de la Poste de Paris pour Paris qui a longtemps dérouté les chercheurs.

On ne trouve dans les dictionnaires biographiques aucune trace de M. de Villayer qui pourtant fut membre de l'Académie française (3). I naquit en 1605 à Nantes, où son père était maître des comptes. Il fit avec son frère, ses premières études au collège de la Flèche et alla les terminer à Rennes. Il y fut reçu Conseiller au Parlement de cette ville en 1632, mais il n'y resta que quelques années pour venir prendre possession d'un office de Conseiller au Parlement de Paris; en 1636 il était Maître des requêtes à la Chambre du 'roi; en 1640, il arrivait au Conseil d'Etat où il devait siéger pendant cinquante-cinq années consécutives; il en fut même le doyen (en 1681). Pendant les troubles de la Fronde, il resta fidèle au ministère, et sans doute en récompense il obtint en 1655 des lettres patentes élevant au titre de comté sa petite terre de Villayer (petit baillage aux environs de Rennes). En 1659 il se présenta à l'Académie française n'ayant pourtant aucun bagage littéraire ; il y fut reçu et dispensé de prononcer le discours d'usage, car on ne trouve aucune trace de sa réception dans les archives de l'Académie (4). De Villayer mourut en 1695. Voici ce que dit de lui un contemporain (5) :

« Ce bonhomme était plein d'inventions singulières et avait beaucoup d'esprit (c'est peut-être à lui qu'on doit les inventions des pendules et des montres à répétition). Il avait disposé à sa portée, près de son lit, une horloge avec un fort cadran,

(2) Détails fournis par Pellisson (Acante et Pisandre étaient deux de ses pseudonymes).

(3) Cf. René Kerviler

Jean-Jacques Renouard de Villayer. Intermé

diaire des chercheurs et des curieux LI vol..

(4) Ce fut l'illustre Fontenelle qui lui succéda au fauteuil académique et il dit peu de choses sur son prédécesseur dans son discours de réception, il occupait le 22 fauteuil.

(5) CF Journal de Dangeau, par Saint-Simon (1691).

dont les chiffres étaient creux et remplis d'épices différentes, en sorte que conduisant son doigt le long de l'aiguille sur l'heure la plus proche qu'elle marquait, il pouvait, dans l'obscurité, après avoir sucé son doigt, par le goût et la mémoire connaître l'heure qu'il était (sic).

(( C'est lui aussi qui a inventé ces chaises volantes qui par des contrepoids, montent et descendent seules, entre deux murs, à l'étage qu'on veut. M. le Prince (6) s'en est fort servi à Paris et à Chantilly. Madame la Duchesse, sa belle fille et fille de roi, en voulut une de même à son entresol à Versailles et voulant y monter un soir, la machine manqua et s'arrêta à mi-chemin,

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REPRODUCTION DE LA FIN D'UNE LETTRE ADRESSÉE A COLBERT
LE 10 NOVEMBRE 1664 PAR DE VILLAYER (8).

en sorte qu'avant qu'on pût l'entendre et la secourir, en rompant le mur, elle y demeura bien trois longues heures engagée. Cette aventure la corrigea de la chaise et en a fait passer la mode (7). »

M. de Villayer fut donc nommé de l'Académie française et reçu par qui? Par La Bruyère ! Or, il semblerait que dans ces conditions il était facile de retrouver l'éloge de cet homme in

(6) Louis II, prince de Condé.

(7) C'était en somme un essai d'ascenseur: On remarquera le ton misonéislo avec lequel ces détails son narrés ; dire qu'il en a été toujours ainsi de la plupart des inventions !

(8) D'après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale (fonds Colbert).

telligent et innovateur. Pas du tout, car, c'est sous le nom d'Hermippe, que le célèbre auteur des Caractères l'a dépeint et comment, vous allez en juger (9) :

«Hermippe est l'esclave de ce qu'il appelle ses petites com. modités il leur sacrifie l'usage reçu, la coutume, les modes, la bienséance; il les cherche en toutes choses; il quitte une moindre pour une plus grande; il ne néglige aucune de celles qui sont praticables; il s'en fait une étude, et il ne se passe aucun jour qu'il ne fasse en ce genre une découverte. Il laisse aux autres hommes le dîner et le souper, à peine en admet-il les termes; il mange quand il a faim, et les mets seulement où son appétit le porte. Il voit faire son lit; quelle main assez adroite ou assez heureuse pourrait le faire dormir comme il veut dormir? Il sort rarement de chez soi ; il aime la chambre, où il n'est ni oisif ni laborieux, où il n'agit point, où il tracasse, et dans l'équipage d'un homme qui a pris médecine. On dépend servilement d'un serrurier et d'un menuisier, selon ses besoins; pour lui, s'il faut limer, il a une lime, une scie s'il faut scier, et des tenailles s'il faut arracher. Imaginez, s'il est possible, quelques outils qu'il n'ait pas, et meilleurs et plus commodes à son gré que ceux-mêmes dont les ouvriers se servent il en a de nouveaux et d'inconnus, qui n'ont point de nom, productions de son esprit, et dont il a presque oublié l'usage. Nul ne se peut comparer à lui pour faire en peu de temps et sans peine un travail fort inutile; il faisait dix pas pour aller de son lit dans sa garde-robe, il n'en fait plus que neuf, par la manière dont il a su tourner sa chambre ; combien de pas épargnés dans le cours d'une vie ! Ailleurs l'on tourne la clef, l'on pousse contr ou l'on tire à soi, et une porte s'ouvre : quelle fatigue voilà un mouvement de trop qu'il sait s'épargner; et comment ? C'est un mystère qu'il ne révèle point. Il est à la vérité un grand maître pour le ressort et pour la mécanique, pour celle du moins dont tout le monde se passe.

Hermippe tire le jour de son appartement d'ailleurs que de la fenêtre, il a trouvé le secret de monter et de descendre autrement que par l'escalier et il cherche celui d'entrer et de sortir plus commodément que par la porte ».

(9) Cf. Fournier, la Comédie de La Bruyère.

On trouvera ci-dessous un autographe de La Bruyère adressé au comle Phélypeaux. Or, pour montrer comme tout se tient

: le reste vous aura che

Ja majiné maroquine Etoit si contente mais qu'aussi feroi il on plaits singulier a le

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dans la vie, c'est un descendant de Phélypeaux, comte de

Maurepas, qui signa la fameuse ordonnance créant de façon définitive la Petite Poste de Paris, en 1760, comme nous le verrons par la suite.

(10) L'original se trouve à la bibliothèque de l'Ecole des Chartes.

REPRODUCTION D'UNE LETTRE ORIGINALE ADRESSÉE PAR LA BRUYÈRE

AU COMTE DE PONTCHARTRAIN (PHÉLYPEAUX) (10)

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