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» pour tout ce qui étoit grand et sublime, récitoit » avec une mémoire imperturbable les plus beaux » morceaux des poètes anciens et modernes. »

Quelquefois même avec cette simplicité naïve que n'exclut pas le génie, « (a) il laissoit lire devant » lui quelques fragmens de ses propres ouvrages; >> il recueilloit les observations de tous ceux qui » l'écoutoient; il profitoit de leurs avis pour y faire » tous les changemens et toutes les corrections qu'on » paroissoit désirer. C'est ainsi, ajoute l'abbé Le» dieu, que fut lue et corrigée en 1703, aux prome»> nades qu'il fit pendant son dernier séjour à Ver»sailles, sa Politique sacrée, à laquelle il mettoit » la dernière main, et qu'il étoit prêt à publier.

L'abbé de Choisy, revenu de ses voyages et des égaremens de sa jeunesse, alors occupé d'études plus sérieuses, ne parle qu'avec enthousiasme du bonheur qu'il a trouvé à entendre Bossuet, et à vivre avec lui.

« (6) Quels agrémens dans sa société! quelle éga» lité dans son humeur! quels charmes dans sa con»versation! nous y apprenions toujours en nous » réjouissant sans cesse, chacun avoit la liberté d'y » mettre du sien, le maître de la maison ne vou»loit point de préférence; et si la supériorité de » son génie ne l'avoit pas fait reconnoître, sa mo» destie l'eût fait oublier. »

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Ces promenades philosophiques, qui rappellent en quelque sorte celles de Platon et des premiers fondateurs des écoles de la Grèce, avoient com

(a) Mts. de Ledieu. (b) Eloges de Bossuet, par l'abbé de Choisy.

mencé dès 1673, à Saint-Germain, où la Cour étoit encore fixée pendant les hivers (1); il n'y avoit point alors, les après-midi, d'office divin les dimanches ni les fêtes à la chapelle dụ château. Ce fut pour en tenir lieu, que Bossuet proposa à ses disciples de consacrer leur promenade accoutumée à l'étude de l'Ecriture sainte; et comme on étoit alors dans l'avent, ce fut par la lecture des prophéties d'Isaïe que l'on commença ce grand travail.

On se servit d'un exemplaire de la grande Bible' de Vitré, qui appartenoit à Bossuet, et dont les marges offroient tout l'espace nécessaire pour recevoir les notes qui devoient être le résultat de ces utiles discussions; l'abbé Fleury fut choisi pour tenir la plume, et transcrire au retour de chaque promenade les notes à la marge, à mesure qu'elles étoient convenues et arrêtées (2). Ces promenades et ces lectures, continuées pendant une longue suite d'années, produisirent les notes et les commentaires de Bossuet sur les différentes parties de la Bibie.

La Cour ne tarda pas à être instruite de l'objet de ces savantes réunions. Elle étoit alors dans tout son éclat (a) et toute sa splendeur, et c'étoit sans

(4) Depuis 1672 jusqu'à 1679.

(1) Dès 1672, Louis XIV fixa son séjour à Saint-Germain pendant les hivers, et il alloit passer les étés à Versailles. Cette disposition subsista jusqu'en 1682. Mais depuis l'été de 1682, Louis XIV s'établit entièrement à Versailles, et ne fit plus aucun séjour à Saint-Germain.

(2) Cet exemplaire de la Bible de Vitre, qui appartenoit à Bossuet, et sur lequel sont inscrites les notes de l'abbé Fleury, et quelques notes de la main de Bossuet, appartient aujourd'hui à un libraire de Paris nommé Brajeux.

doute un spectacle assez extraordinaire que de voir au milieu des fêtes et des plaisirs qui se succédoient dans ces lieux enchantés, Bossuet, la Bible à la main, méditant sur des vérités qui ne passent point, à l'ombre de ces belles forêts qui avoient vu tant d'âges et de choses, et qui devoient voir encore tant de vicissitudes et de catastrophes.

Mais tel étoit l'esprit du siècle où Bossuet vivoit, qu'un contraste qui n'auroit paru que singulier et bizarre un siècle plus tard, offrit à la Cour de Louis XIV un spectacle auguste et imposant. Comme le cortége qui accompagnoit Bossuet dans ses promenades, étoit en grande partic composé d'ecclésiastiques, une voix s'éleva pour donner le nom de concile à cette respectable société, et cette dénomination lui resta pendant toute la vie de Bossuet (1). Pour être plus sûr de se trouver réunis, et ne pas perdre un temps précieux à s'attendre, tous les membres qui la composoient étoient invités à dîner chez lui les jours de la semaine consacrés à ce travail (2)..

Pélisson sollicita l'honneur d'être admis à ce concile, et n'eut pas de peine à l'obtenir. Quoiqu'il ne fût pas ecclésiastique, peu d'ecclésiasti

(1) Cette espèce de concile, pour se servir du nom qu'on lui avoit donné, se réunit sous la même forme pendant douze années consécutives, et subsista jusqu'en 1685. Depuis cette époque, la résidence ordinaire de Bossuet étant à Meaux, ik ne parut plus à Versailles et à Fontainebleau que pendant de courts intervalles, pour remplir ses fonctions de premier aumônier de Mme la Dauphine, et ensuite de Mme la duchesse de Bourgogne.

(a) L'abbé de Longuerue, qui assistoit quelquefois à ces conférences, disoit que Bossuet faisoit fort mauvaise chère. Cela est très-possible.

ques étoient plus instruits que lui dans la science de la religion, et avoient rendu autant de services à l'Eglise romaine par l'éclat de sa conversion et le mérite de quelques ouvrages écrits sur les controverses des Catholiques et des Protestans! Sa modestie l'avoit d'abord porté à demander d'assister à ces assemblées uniquement pour y écouter, et il en fut un des membres les plus utiles et les `plus éclairés.

Ce fut aussi pendant le cours de ces conférences, que Fénelon, jeune encore, fut présenté à Bossuet par le marquis de Fénélon son oncle, et que se forma entre ces deux grands hommes une liaison qui subsista pendant bien des années. Fénélor introduisit ensuite l'abbé de Langeron dans la société de Bossuet; la marquise de Langeron, dame d'honneur de MADAME LA PRINCESSE, avoit vivement demandé à Bossuet d'honorer son fils de sa bienveillance et de ses conseils paternels.

Telle étoit l'existence de Bossuet à la Cour : sans crédit réel, sans aucune influence sur les ministres, sans aucun pouvoir sur les dispensateurs des grâces ecclésiastiques, Bossuet avoit déjà, par la seule considération de son génie et de sa vertu, une telle puissance d'opinion, que tous ceux qui aspiroient à l'estime publique, ambitionnoient la distinction d'être admis dans sa société, et attachoient plus de prix à un tel honneur, qu'aux honneurs les plus éclatans.

III.

Notes et Commentaires de Bossuet sur l'Ecriture. sainte.

Bossuet ne commença à publier qu'en 1691 ses dissertations et ses notes sur plusieurs parties de

la Bible. Les grandes affaires dans lesquelles il avoit été obligé d'intervenir, et des travaux plus pressans encore, ne lui avoient pas permis de mettre en ordre le recueil des notes qui étoient résultées de tant de conférences.

Il crut devoir publier d'abord ses notes sur les psaumes, comme pouvant être d'une utilité plus générale. Ces chants sacrés, qui depuis trois mille ans ont été répétés par tant de générations dans tant de langues différentes, et qui se répètent encore chaque jour dans toutes les parties de la terre, seront toujours la plus sublime expression de la reconnoissance des créatures pour leur auteur, et ils semblent avoir reçu une durée éter'nelle du nom même de l'Eternel, à qui ils sont consacrés. Ils forment la partie de la Bible dont l'Eglise nourrit chaque jour la piété des fidèles, et avec laquelle ils sont le plus familiarisés. Bossuet dédia ce travail au chapitre et au clergé du diocèse de Meaux; cette Epitre dédicatoire, datée du 8 juin 1690, respire l'onction la plus douce et la plus pieuse; il y rappelle avec reconnoissance le zèle et les lumières des vertueux coopérateurs qui avoient concouru avec lui à cet utile travail. C'est dans cette même Epitre dédicatoire qu'il exprime avec le plus touchant abandon le vœu qu'il a formé de vieillir et de mourir sur les livres sacrés IN HIS CONSENESCERE, HIS IMMORI, SUMMA

:

VOTORUM EST.

Cette Epitre dédicatoire est suivie d'une dissertation sur les psaumes, où tout ce qu'il importe à la plupart des Chrétiens de savoir sur cette partie si importante de la Bible, est exposé avec autant de précision que d'ordre et d'exactitude. Ar

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