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de sa couronne; tout avertissoit l'Europe, et Rome en particulier, qu'un prince qui avoit rempli tous ces grands objets avec autant de sagesse que de bonheur, n'avoit rien à redouter des ennemis ou des envieux de sa puissance.

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Louis XIV avoit voulu se défendre contre INNOCENT XI; mais il n'avoit jamais eu la pensée ni de l'attaquer, ni de l'humilier. Il étoit au contraire pénétré de respect pour les droits légitimes du saint Siége, et pour les vertus du pontife qui y étoit placé; et le cardinal d'Estrées n'eut pas de peine à lui persuader qu'après avoir montre avec tant d'éclat toute l'étendue de son pouvoir, il étoit digne de sa piété de s'arrêter avec l'Eglise gallicane elle-même à ces bornes saintes et vénérables qu'elle venoit de replacer sur leurs antiques fondemens. Le cardinal ajoutoit qu'il étoit à craindre que l'assemblée ne se livrât peut-être, par excès de zèle, à de nouvelles discussions qui achèveroient d'aigrir le Pape et ses conseils, et qu'il paroissoit plus convenable à la dignité du Roi d'abandonner au cours ordinaire des négociations les différends qui restoient encore à régler entre les deux-puissances.

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Ces considérations paroissoient plausibles, et elles <se trouvoient conformes aux principes et aux sentimens habituels de Louis XIV.

I paroît aussi, si l'on en croit l'abbé Ledieu, que le cardinal d'Estrées voulut en cette occasion favoriser les Jésuites, qu'il affectionnoit.

Ces religieux se voyoient obligés à leur tour de se défendre contre cette même assemblée, dont le père de la Chaise avoit secondé avec zèle les

premiers mouvemens. La plupart des propositions dont Bossuet provoquoit la condamnation étoient extraites des ouvrages de plusieurs casuistes de leur société. Il étoit d'autant plus affligeant pour elle d'avoir à expier les torts de quelques-uns de ses membres, que l'on convient généralement que nul ordre religieux ne se rendit plus recommandable par la régularité des mœurs et par la sévérité de son régime.

XXV.-Elle est suspendue par la séparation de l'assemblée.

La séparation imprévue de l'assemblée affligea Bossuet, mais ne le découragea pas. Il étoit si pénétré de la nécessité de venger l'honneur de l'Eglise catholique, compromis par les maximes des casuistes, qu'il prit le parti d'envoyer tout son travail à Rome. Il se flattoit que le Pape l'adopteroit, et lui imprimeroit le sceau de l'autorité du saint. Siége sous la forme d'une bulle solennelle, qui pourroit être reçue dans tous les pays catholiques.

Il expose sa pensée, ses espérances et ses vues dans une lettre à M. Dirois, en date du 13 juillet 1682 (a).

« On m'avoit chargé dans la commission de faire » un projet de censure et une de doctrine. Nous >> prétendions par là donner une pleine instruc» tion à nos prêtres contre ces damnables doc» trines, dont presque tous les livres de morale » sont infectés depuis près de cent ans. Notre >> intention étoit d'envoyer le tout au Pape, prin

(a) OEuvres de Bossuet, tom. xxxv11, p. 262, édit. de Vers. in-8°.

»cipalement la censure, pour en demander la >> confirmation à Sa Sainteté, et la supplier de >> nous la donner; ou, en tout cas, de censurer les » propositions par une bulle en forme, que nous >> eussions reçue avec toutes les marques de res>>pect qu'on peut jamais rendre au saint Siége. » Nous avions réduit en chapitres les propositions » pour une plus grande commodité. Les qualifi» cations projetées étoient fortes, mais modérées, » et sans rien outrer; soutenues presque toutes par » des passages précis de l'Ecriture, et par une doc»trine qui eût éclairé l'esprit. C'étoit du moins » notre dessein.

» Le corps de doctrine eût achevé ce que la cen» sure seule n'auroit pas pu faire; parmi les pro» positions condamnées, nous aurions mis toutes » celles d'INNOCENT XI, et celles d'ALEXANDRE VII; »> nous n'en aurions omis que quelques-unes, ou » qui n'étoient point dans nos mœurs, ou que » nous ne jugions pas à propos d'étaler ici aux » hérétiques, qui en auroient fait des sujets de >> raillerie....

» On n'eût pas pu s'empêcher de marquer qu'on >> désiroit sur ces matières un décret dans une >> autre forme que celle qui a paru; car vous sa» vez qu'on ne peut jamais reconnoître ici le tri>>bunal de l'Inquisition; mais on l'eût fait avec tout » respect, et seulement pour ne point donner un >> titre contre nous....

» Voilà le projet, qui apparemment auroit été » suivi, puisqu'on en étoit déjà convenu avec » M. de Paris, et avec les meilleures têtes de l'as» semblée. C'est de quoi j'ai voulu vous instruire,

» pour que vous puissiez, en tant que vous pour» rez, exciter les prélats de la Cour de Rome à >> achever l'ouvrage d'ALEXANDRE VII et d'INNO» CENT XI; car, encore que ce qu'on fait ces deux » papes soit grand, ce n'est rien faire que de lais» ser soupirer encore la probabilité, déjà entamée » à la vérité, mais toujours venimeuse quoique » traînante, et qui bientôt se rétablira si on ne » l'achève....

>> Mandez-nous les novelles courantes sur la » paix (avec la Cour de Rome). Nous souhaitons » qu'elle soit prompte, et qu'on n'ait jamais be» soin de nous rassembler pour de si malheureux » sujets. »

Mais INNOCENT XI étoit si exaspéré contre l'assemblée de 1682, qu'on ne put jamais le faire consentir à adopter un travail qui étoit l'ouvrage de cette assemblée. Bossuet sentit lui-même qu'on insisteroit vainement auprès d'un pontife aigri par ses préventions. « Pour la morale, écrivoit-il, » je conçois bien que ce n'est pas le temps d'en » parler à Rome; il faut vider les autres affaires >> auparavant. »

Mais nous verrons Bossuet reprendre ce grand ouvrage au bout de dix-huit ans, et le conduire à sa perfection dans l'assemblée de 1700.

XXVI. L'assemblée de 1682 approuve le livre de l'Exposition.

Bossuet eut l'honorable satisfaction de voir l'assemblée de 1682 imprimer le sceau de son approbation à son Exposition de la foi catholique; elle proposa cet ouvrage comme une des méthodes les

plus utiles à l'instruction des hérétiques. Ce fut en cette occasion que M. de Harlay, qui s'étoit refusé jusqu'alors à attacher son nom à tant de noms illustres que Bossuet comptoit parmi ses approbateurs, se vit en quelque sorte forcé par le vœu de l'assemblée à rendre cet hommage tardif au mérite d'un tel ouvrage.

FIN DU LIVRE SIXIÈMENC

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