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réclamer contre une opinion qui empruntoit une grande autorité du nom et des vertus du réformateur de la Trappe, et pouvoit jeter une espèce de défaveur sur tout l'ordre de Saint-Benoît.

IV. Lettre de Bossuet sur l'adoration de la Croix.

Ce fut dans un de ses voyages à la Trappe, que Bossuet eut occasion de voir le frère Armand, nouveau Catholique. C'étoit un gentilhomme français, réfugié en Hollande, où il s'étoit attaché au service du prince d'Orange. La lecture de quelques ouvrages de Bossuet avoit commencé par lui donner des doutes, et finit par le disposer à goûter sa doctrine. H revint en France, fit abjuration, se retira à la Trappe, et fut admis à faire des vœux, après que sa vocation eut été long-temps éprouvée. L'abbé de Rancé s'étoit singulièrement attaché à ce nouveau prosélyte, qui avoit beaucoup d'esprit, et qui avoit fait de grands sacrifices pour se réunir à là religion catholique. Il voulut même lui donner un témoignage de son affection paternelle, en lui faisant prendre le nom d'Armand (1), à l'époque où il émit ses vœux solennels. L'abbé de Rancé le fit connoître à Bossuet, et l'autorisa à s'entretenir avec ce prélat sur des matières de religion. Il obtint ensuite permission de lui écrire, et de lui proposer ses doutes; c'est ce qui donna lieu à une réponse que Bossuet lui fit de Versailles le 17 mars 1691, et qui a été publiée sous le titre de Lettre de monsieur l'évêque de Meaux, sur l'adoration de la Croix (a); elle fut imprimée en 1692.

(a) OEuvres de Bossuet, tom. xxv, p. 53, édit. de Vers. in-8°.

(1) Armand étoit le prénom de l'abbé de Rance.

Dans cette lettre, Bossuet montre l'intention que s'est proposée l'Eglise, en rendant de si grands honneurs au signe de la rédemption des hommes. « L'Eglise, en montrant la croix, a ramassé sous » cette simple figure toutes les merveilles de la » mort de Jésus-Christ. Là, comme dans un langage » abrégé, tout ce que le Sauveur a fait pour nous » se retrace à notre cœur et à notre pensée. Des » volumes entiers ne rempliroient pas ce qui est » exprimé par ces deux signes, par celui de la » Croix, qui nous dit tout ce que nous devons à » JÉSUS-CHRIST, et par celui de nos soumissions, qui >> exprime au dehors tout ce que nous sentons pour >> lui......

» Quels honneurs, dit Bossuet, ne rend-on pas » en public au livre de l'Evangile..... Les Protes>> tans eux-mêmes prêtent leurs sermens sur le livre » de l'Evangile. Par ces honneurs on témoigne son >> attachement, non pas à l'encre et au papier, mais » à la vérité éternelle qui nous y est représentée. » Je n'ai encore trouvé personne d'assez insensé >> pour accuser ces pratiques d'idolâtrie. Je demande » à présent, qu'est-ce donc que la croix, sinon l'a» brégé de l'Evangile, tout l'Evangile sous un seul » signe et sous un seul caractère....

» Il ne faut qu'une seule chose pour confondre >> les esprits contentieux; c'est que le culte exté» rieur n'est qu'un langage pour signifier ce qu'on >> ressent au dedans. Si donc à la vue de la croix » tout ce que je sens pour Jésus-Christ se réveille, » pourquoi à la vue de la croix ne donnerois-je » pas toutes les marques extérieures de mes senti» mens ?.....

» Les Protestans traitent ce culte de supersti

» tieux, parce qu'il n'est pas commandé; et ils sont » si grossiers, qu'ils ne songent pas que le fond de >> ces sentimens étant commandé, les marques si » convenables que nous employons pour les exci» ter, ne peuvent être que louables et agréables à >> Dieu et aux hommes.....

» Voilà pour ce qui regarde les choses, après » quoi c'est une trop basse chicane de disputer des » mots. En particulier celui d'adorer a une si » grande étendue, qu'il est ridicule de le condam»> ner sans en avoir déterminé tous les sens. On » adore Dieu, et en un certain sens on n'adore » que lui seul. »

Bossuet rapporte ensuite un grand nombre d'exemples de l'usage que l'Ecriture elle-même fait du mot adorer, sans qu'il se présente à l'esprit de qui que ce soit l'idée du même culte que l'on rend à Dieu, et qui doit être réservé à Dieu seul.

. Bossuet s'explique ensuite avec sa raison supérieure, et sa mesure ordinaire sur le culte qu'on rend dans quelques lieux aux larmes et au sang de

Jésus-Christ.

quelque part ou c'est ce que PE

« Savoir, dit Bossuet, s'il reste » de ce sang ou de ces larmes, »glise ne décide pas. Elle tolère même sur ce sụ» jet les traditions de certaines Eglises, sans qu'on » doive trop se soucier de remonter à la source. » Tout cela est indifférent et ne regarde pas le fond de la religion. Je dois seulement vous aver» tir que le sang et les larmes qu'on regarde, conme » étant sortis de Jésus-Christ, ne sont ordinaire»ment que du sang et des larmes qu'on prétend » sortir de certains crucifix dans des occasions

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» particulières, et que quelques Eglises ont con» servés en mémoire du miracle; pensées pieuses, » mais que l'Eglise laisse pour ce qu'elles sont et » qui ne font ni ne peuvent faire l'objet de la foi. »

Malheureusement celui à qui cette instruction si sage et si raisonnable étoit adressée, ne persévéra pas dans les sentimens qui lui avoient mérité l'estime de Bossuet et l'affection de l'abbé de Rancé.

Prêt à se renfermer dans les soins qu'alloit exiger de lui le gouvernement de son diocèse, Bossuet crut devoir rendre publics deux ouvrages qu'il avoit composés avant d'être nommé évêque de Meaux.

Le premier est la relation de sa Conférence avec le ministre Claude. On a vu les raisons qui le forcèrent à faire imprimer cette Relation en 1682, et qu'il ne s'y détermina que pour rétablir la vérité des faits, dont le ministre Claude s'étoit singulièrement écarté dans le récit qu'il en avoit fait de vive voix et par écrit.

V.-Traité de la communion sous les deux espèces. 1682.

Le second ouvrage que Bossuet fit imprimer en 1682, est son Traité de la Communion sous les deux espèces (a).

Jurieu avoit fait paroître en 1681 un écrit sur la matière de l'Eucharistie. Il y attaquoit l'usage qui a prévalu dans l'Eglise catholique de ne donner la communion aux laïques que sous une seule espèce. Bossuet crut devoir réfuter cet ouvrage; le sujet n'étoit, pour ainsi dire, que la discussion de quelques faits historiques; par cette raison même

(a) OEuvres de Bossuet, tom. xxxш, p. 441, édit. de Vers. in-8°.

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