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» faillible.... Je dis qu'il n'y eut jamais aucun » temps où il n'y ait eu sur la terre une autorité » visible et parlante, à qui il faille céder. Avant » JÉSUS-CHRIST, nous avions la synagogue; au mo» ment où la synagogue tombe, JÉSUS-CHRIST pa

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roit lui-même; quand JÉSUS-CHRIST abandonne la >> terre et monte au ciel, il laisse son esprit à son Eglise. Faites revenir JÉSUS-CHRIST enseignant, préchant, faisant des miracles, je n'ai plus be» soin de l'Eglise; mais aussi ótez-moi l'Eglise, il » me faut JÉSUS-CHRIST en personne, parlant, pré» chant, décidant avec des miracles et une auto

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rité infaillible. Nous avons l'Ecriture, dites-vous; » oui, sans doute, nous avons cette parole divine, » mais qui se laisse expliquer et manier comme on » veut, et qui ne réplique rien à ceux qui l'enten» dent mal. Or, il faut un moyen extérieur de se » résoudre sur les doutes, et que ce moyen soit » certain, et il ne peut se trouver que dans une » Eglise infaillible. »

Le second article, où le ministre Claude ne montra pas moins de talent et de subtilité, fut celui où Bossuet avoit établi que par le baptême et la profession du symbole commun à tous les Chrétiens, ils étoient excités et s'engageoient à croire à l'autorité de l'Eglise, que c'étoit ensuite par l'Eglise qu'ils recevoient les Ecritures avec les interprétations qu'il appartenoit à l'Eglise seule de donner aux livres sacrés.

« (a) Mais, reprit le ministre Claude, par ce >> raisonnement, vous fériez conclure à chacun en » faveur de son Eglise. Les Grecs, les Arméniens,

(4) Relation de la conférence de Bossuet avec le ministre Cleude; ibid. p. 3c6307

» les Ethiopiens, nous-mêmes que vous croyez » dans l'erreur, chacun de nous a reçu l'Ecriture sainte de l'Eglise où il a été baptisé. Chacun la » croit la vraie Eglise énoncée dans le symbole, >> et dans les commencemens on n'en connoît pas >> même d'autre. Si, ayant reçu sans examen l'E>>>criture de cette Eglise où nous avons été bap» tisés, il faut aussi en recevoir aveuglément tou»tes les interprétations, c'est un argument pour » conclure que chacun doit rester dans sa religion. »

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C'étoit en vérité, dit Bossuet dans sa relation, tout ce qui se pouvoit objecter de plus fort; et quoique la solution de ce doute me parút claire, j'étois en peine comment je pourrois la rendre claire à ceux qui m'écoutoient; je ne parlois qu'en tremblant, voyant qu'il s'agissoit du salut d'une ame; et je priois Dieu, qui me faisoit voir si clairement la vérité, qu'il me donnát des paroles pour la mettre dans tout son jour; car j'avois affaire à un homme qui écoutoit patiemment, qui parloit avec force et netteté, et qui enfin poussoit les difficultés aux dernières précisions.

Bossuet répondit « (a) que premièrement il fal»loit distinguer la cause des Grecs, des Armé» niens et des autres communions chrétiennes, de >> celle des Protestans; que dans ces communions, » ils errent à la vérité en prenant une fausse Eglise » pour l'Eglise véritable; mais que du moins elles » établissent en principe qu'il faut croire à la vé» ritable Eglise quelle qu'elle soit, et qu'elle ne » trompe jamais ses enfans; au lieu que les Pro

(e) Relation de la conférence de Bossuet avec le ministre Claude; ibid. p. 307 et suiv.

>> testans établissent en principe, qu'on n'est pas » obligé de soumettre son jugement particulier » à celui de l'Eglise qu'on reconnoît être la véri» table. >>

Ainsi, lorsque les Catholiques ont à discuter avec des Grecs et des Arméniens, c'est aux premiers à prouver qu'ils sont dans la véritable Eglise, et que les autres l'ont abandonnée. Mais les Protestans sont entièrement étrangers à cette discussion, puisqu'ils refusent à toute église quelconque une autorité de décision.

« De cette différence dont vous ne pouvez pas » contester la justesse, reprit Bossuet (a), voici » l'abîme où va vous jeter l'opinion où vous êtes, » qu'on ne doit pas même croire à la véritable

Eglise. Car il s'ensuit de votre principe que le » fidèle ne peut pas même croire sur la foi de >> l'Eglise que l'ECRITURE est la parole de DIEU. - Il le peut d'une foi humaine, et non d'une foi Qui dit une foi humaine, dit une foi

» divine.

* douteuse.

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Je ne dis pas qu'il soit dans le doute, » mais dans l'ignorance. - Et moi je dis qu'il est » dans le doute. Douter, c'est ne savoir pas si une » chose est ou non. M. Claude répondoit toujours » que c'est là ignorer, et non douter. Eh bien, » laissons là les mots. Il ne doute pas, mais il ne »sait pas si l'ECRITURE SAINTE est une vérité ou une » fable. Il ne sait pas si l'Evangile est une histoire » inspirée de Dieu, ou un conte inventé par les » hommes. Il ne peut donc pas faire sur ce point » un acte de foi divine; il n'a donc qu'une foi hu» maine à la parole même de Dieu. »

(a) Relation de la conférence entre Bossuet et le ministre Claude; ibid. p. 310 et suiv.

M. Claude en convint; Eh bien! Monsieur, c'est assez, lui dit Bossuet. Il y a donc dans votre religion un point où un Chrétien ne sait pas méme si l'EVANGILE est une fable ou une vérité?

M. Claude ne répondit rien, tout le monde se leva, et il n'y eut plus que quelques légères discussions sur des points moins importans. Bossuet avoit dès la veille annoncé à Mile de Duras qu'il amèneroit, bon gré malgré, le ministre Claude à cet étrange aveu, et elle n'avoit jamais pu le croire.

Bossuet revit le lendemain Mlle de Duras, et il la trouva dans les dispositions qu'il en avoit espérées. « (a) Il eut encore peu de temps après un en>>tretien avec elle à Saint-Germain, dans l'appar>>tement de la duchesse de Richelieu. Ce fut alors qu'elle lui déclara qu'elle se croyoit en état de » prendre sa résolution. En effet, le 22 mars » suivant (1678), Bossuet revint à Paris pour re» cevoir son abjuration dans l'église des Pères de la >> Doctrine chrétienne. »

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Le soir même du jour où la conférence avec le ministre Claude avoit eu lieu, « (6) Bossuet l'avoit >> racontée toute entière au duc et à la duchesse de » Richelieu, en présence de l'abbé Testu..... Le » lendemain il fit le même récit à quelques amis » particuliers, du nombre desquels étoit l'évêque » de Mirepoix (M. de la Broue). Il étoit plein de » la chose, et il la raconta naturellement. Ils l'exhor» tèrent à la mettre par écrit, pendant qu'il en

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avoit la mémoire fraîche, et le convainquirent » par plusieurs raisons que ce soin ne seroit pas » inutile. Il les crut, et on le vit écrire avec la ra

(a) Relation de la conférence de Bossuet avec le ministre Claude; ibid. p. 332. — (b) Ibid. p. 235 et suiv.

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pidité qui paroît lorsqu'on écrit des faits qu'on a » présens, sans se mettre en peine du style; et >> tous ceux qui lui en avoient entendu faire le ré>> cit reconnurent dans la narration écrite, la même » simplicité qu'ils avoient ressentie dans le récit de » vive voix. » Me de Duras y retrouva l'exposé fidèle de tout ce qu'elle avoit vu et entendu.

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Cet écrit circula quelque temps manuscrit, et comme il arrive presque toujours, les copies qu'on en avoit prises furent altérées en beaucoup de points. « Une de ces copies manuscrites tomba en>>tre les mains du ministre Claude; et il répandit » de son côté une relation manuscrite fort différente » de celle de Bossuet.

» Aussi, écrit Bossuet (a), à dire franchement » ce que je pense, cette relation ne fait honneur » ni à lui, ni à moi. Nous y tenons tour à tour des >> discours assez languissans, assez traînans, assez » peu suivis. Dans la relation de M. Claude, on >> revient souvent d'où on est parti, sans qu'on >> voie par où on y rentre. Ce n'est pas ainsi que » nous agîmes; notre dispute fut suivie et assez » serrée. Dans ces sortes de disputes, on s'échauffe »> naturellement comme dans une espèce de lutte. » Ainsi la suite est plus animée que ne sont les » commencemens. On se tâte, pour ainsi dire, l'un » l'autre, dans les premiers coups qu'on se porte; >> quand on s'est un peu expliqué, quand on croit >> avoir, pour ainsi parler, senti le foible, tout ce » qui suit est plus vif et plus pressant (1). »

(a) Relation de la conférence de Bossuet avec le ministre Claude; ibid. p. 236.

(1) Bossuet eut communication de la relation manuscrite du ministre Claude, par le duc de Chevreuse. On devoit

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