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vertis étoient assez disposés, par tant de conférences et d'instructions, à entendre la voix de leur évêque, il leur adressa une lettre pastorale en date du 24 mars 1686.

XVII. — Lettre pastorale de Bossuet sur la Communion

pascale.

L'objet de cette lettre étoit de les préparer à recevoir la communion pascale avec tous les sentimens de foi et de piété que l'Eglise demande pour cet auguste mystère. Mais Bossuet ne se dissimuloit pas qu'on ne devoit pas attendre de ces néophytes, à peine initiés à une doctrine qu'on leur avoit représentée sous les couleurs les plus odieuses, ces dispositions plus ou moins parfaites que l'on exige de ceux que leur éducation, leur profession, et l'expérience des maximes et des règles de l'Eglise ont dû pénétrer de bonne heure de la grandeur et de la dignité d'un tel sacrement.

Aussi Bossuet leur dit : « (a) Nous ne vous de>> mandons pas des perfections extraordinaires; » pourvu qu'on apporte à l'Eucharistie une ferme » foi, une conscience innocente et une sainte fer» veur, nous supporterons les restes de l'infir» mité........... » Et il rappelle l'invitation que le roi Ezéchias avoit adressée aux tribus, même schismatiques, de venir célébrer la Pâque dans le temple de Jérusalem.

Sans entrer dans aucune discussion sur les questions difficiles et obscures que les premiers réformateurs avoient agitées, Bossuet profite de cette occasion pour les désabuser des imputations ridi

(a) Lettre pastorale sur la Communion pascale, OEuvres de Bossuet, tom. xxv, p. 48, édit. de Vers. in-8o.

cule dont leurs ministres les avoient sans cesse entretenus sur les prétendues idolâtries de l'Eglise romaine. Il ne s'attache même qu'à celles qui étoient de nature par leur effet sensible et extérieur à laisser plus d'impression dans leur esprit.

Il leur parle d'abord de l'un des principaux caractères de la véritable Eglise, de la succession qui fait remonter les évêques légitimes jusqu'aux apôtres.« (a) Vous n'avez pa vous empêcher, dit Bos>>suet, de reconnoître que j'étois à la place de » ceux qui ont planté l'Evangile dans ces contrées. » Je ne vous ai point annoncé d'autre doctrine >> que celle que j'ai reçue de mes saints prédéces» seurs; comme chacun d'eux a suivi ceux qui les » ont devancés, j'ai fait de même..... Dans cette >> succession, on n'a jamais entendu un double lan"gage. Les évêques séparés de notre unité ont » manifestement renoncé à la doctrine de ceux qui >> les avoient consacrés. Il n'en est pas ainsi parmi »> nous; toujours unis à la chaire de saint PIErre, » où dès l'origine du christianisme on a reconnu la

tige de l'unité ecclésiastique, nous n'avons jamais » condamné nos prédécesseurs, et nous laissons la » foi des Eglises telle que nous l'avons trouvée. » Nous pouvons dire, sans crainte d'être repris, » que jamais on ne montrera dans l'Eglise catho» lique aucun changement que dans des choses de >> cérémonie et de discipline, qui, dès les premiers » siècles, ont été tenues pour indifférentes..... »

Les ministres protestans cherchoient à faire illusion par des textes de saint Cyprien dont ils dénaturoient le véritable sens; mais Bossuet démontre (a) Lettre pastorale sur la Communion pascale, ibid

P. 7.

que saint Cyprien, loin de permettre d'examiner l'Eglise par l'examen de ses dogmes, veut qu'on reconnoisse d'abord l'Eglise, et qu'on tienne pour assuré, « (a) qu'on n'a ni la loi de Dieu, ni la foi, » ni le salut, ni la vie, quand on n'est pas dans son » unité........... Ainsi on a beau se vanter de réformer » l'Eglise et de la réduire à une doctrine plus pure, » aussi bien qu'à une discipline plus régulière; loin » d'être admis à prouver qu'on est dans la vérita» ble Eglise à cause de la vraie doctrine qu'on » prétend enseigner, on est convaincu au contraire » qu'on ne peut pas avoir la vraie doctrine, quand » on n'est pas dans l'Eglise, et qu'on veut en dres» ser une nouvelle.

» Et afin qu'on entende mieux de quelle Eglise » saint Cyprien a voulu parler, c'est de l'Eglise » qui reconnoît à Rome le chef de sa communion; » et dans la place de PIERRE, l'éminent degré et » l'Eglise principale d'où l'unité sacerdotale a tire » son origine. »

Bossuet profite ensuite d'un trait historique, qui appartenoit à un évêque de Meaux, encore plus qu'à tout autre évêque, et il s'en sert pour rappeler aux Protestans l'origine récente et peu honorable de la plupart de leurs Eglises. Il appelle en témoignage leurs propres historiens, qui n'ont pu dissimuler qu'elles ont presque toutes été fondées par des laïques sans caractère, sans mission et sans instruction.

Il remet sous les yeux des nouveaux convertis de son diocèse ce que leurs pères avoient vu, ou du moins n'avoient pu ignorer. « (6) Souvenez-vous,

(a) Lettre pastorale sur la Communion pascale; ibid. p. 15.—(b) Ibid. p. 16.

ni

>> leur dit-il, de Pierre le Clerc, cardeur de laine. » Je ne le dis pas par mépris de la profession, » pour avilir un travail honnête, mais pour taxer » l'ignorance, la présomption et le schisme d'un » homme qui, sans avoir de prédécesseur ou de » pasteur qui l'ordonnât, sort tout-à-coup de sa >> boutique pour présider dans l'Eglise. C'est lui qui a dressé l'Eglise prétendue réformée de » Meaux, la première formée en France en » 1546. »

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Bossuet reproduit les mêmes raisonnemens dont il avoit fait usage dans sa lettre sur l'adoration de la croix, pour répondre aux objections populaires des Protestans sur le culte que les Catholiques rendent à l'image de la croix, à celles des saints et à leurs reliques.

« (a). Quand même des particuliers, dit Bossuet, » n'auroient pas des intentions assez épurées, l'in» firmité de l'un ne fait pas de préjudice à la foi » de l'autre; et quand il y auroit de l'abus dans la » pratique de ces particuliers, n'est-ce pas assez » que l'Eglise les en reprenne?

>>

» Et quand on ne les reprendroit pas assez for» tement, autre chose est ce qu'on approuve, au» tre chose ce qu'on tolère; et quand on auroit » tort de tolérer cet abus, je ne romprois pas » l'unité pour cela; pour m'éloigner d'une chose qui ne me fait aucun mal, je n'irois pas me » plonger dans l'abîme du schisme, où je péri

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>> rois. »

Maxime générale : Ce que l'Eglise tolère n'est pas notre règle, mais ce qu'elle approuvé.

(a) Lettre pastorale sur la Communion pascale; ibid. P, 29.

Les ministres alléguoient sans cesse les progrès soudains et les succès prodigieux de la réforme, comme un témoignage de la toute-puissance divine en sa faveur, comme si, leur répond Bossuet, « (a) le désir de s'affranchir des vœux, des » jeûnes, de la continence, de la confession, des » mystères qui passent les sens, de la sujétion des » évêques, qui étoient en tant de lieux princes » temporels; la jouissance des biens de l'Eglise, le » dégoût des ecclésiastiques trop ignorans, hélas! » et trop scandaleux; le charme trompeur des plai» santeries et des invectives, et celui d'une élo»quence emportée et séditieuse, le pouvoir ac» cordé aux princés et aux magistrats de décider » des affaires de la religion, et à tous les hommes » de se rendre arbitres de leur foi, et de n'en plus » croire que leurs sens, enfin la nouveauté même, » n'avoient pas été l'attrait qui jetoit en foule » dans la nouvelle réforme les villes, les princes, » les peuples et jusqu'aux prêtres et moines apo

» stals. >>

Dès le début de cette lettre pastorale, Bossuet avoit adressé aux nouveaux convertis de son diocèse cette déclaration remarquable « (6) Loin » d'avoir souffert des tourmens, yous n'en avez » seulement pas entendu parler; aucun de vous » n'a souffert de violence ni dans ses biens, » dans sa personne. Je ne vous dis rien que vous » ne disiez aussi bien que moi, vous êtes revenus » paisiblement à nous, vous le savez. »

D

ni

(a) Lettre pastorale sur la Communion pascale; ibid. p. 36, 37.-() Ibid. p. 6.

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