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» licet, cela n'est point permis. Il n'avoit quel» quefois qu'à se présenter à leurs yeux dans des » momens imprévus à leur passions, pour les

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frapper du regret de n'en être pas les maîtres. » Il se faisoient eux-mêmes en le voyant les re» proches qu'il leur épargnoit, et son silence dis>> cret les touchoit plus que l'ardeur empressée » des autres. >>

On sait où aboutirent toutes ces promesses illusoires de n'avoir avec Mme de Montespan que des relations avouées par l'honneur et par la vertu. La naissance de Mlle DE BLOIS, depuis duchesse d'Orléans, et celle du comte DE TOULOUSE, dont elle fut bientôt suivie, donnèrent un nouvel éclat au scandale de cette réunion.

Sans doute, après un pareil triomphe, Mme de Montespan dut croire que l'ascendant qui lui rendoit le cœur de Louis XIV seroit à jamais irrésistible. Mais ce fut précisément vers cette époque qu'elle commença à perdre sa faveur et son affection, en laissant trop apercevoir à ce prince les hauteurs et les inégalités de son humeur impérieuse.

C'étoit dans la société de Mme de la Vallière que Louis XIV avoit senti naître la première impression de la passion si vive qui l'entraîna vers Mmé de Montespan. Ce fut dans la société de Mme de Montespan elle-même, qu'il commença à éprouver pour Mme de Maintenon le charme plus doux d'un attachement vertueux. Mme de Montespan avoit triomphe de Mme de la Vallière par ses agrémens et sa beauté. Mme de Maintenon dut l'empire plus durable et plus flatteur qu'elle

conserva sur Louis XIV jusqu'à la fin de sa vie, à son esprit, à sa raison et à sa vertu.

Que l'on oublie un moment toutes les douceurs et toutes les consolations que la religion, apportoit à Mme de la Vallière au fond de sa retraite; qué l'on ne considère le cœur humain que dans les affections morales qui l'agitent, le tourmentent ou le consolent; et l'on conviendra que les chagrins et les humiliations que Mme de Montespan eut à essuyer le reste de ses jours, que l'insupportable injure de se voir préférer la femme qu'elle avoit attirée elle-même dans sa maison, et qui avoit été soumise à ses ordres comme à ses caprices, durent être pour un caractère tel que le sien, un tourment mille fois plus affreux que les expiations volontaires que Mme de la Vallière s'étoit imposées.

Et si l'on se représente Mme de la Vallière suivie dans sa retraite de l'estime, du respect, des vœux et des souvenirs touchans qui étoient restés attachés à son nom, tandis que Mme de Montespan, sans amis et même sans esclaves, n'avoit conservé de sa grandeur passée que l'affectation d'une hauteur et d'une fierté qu'elle ne pouvoit plus exercer que dans sa famille (4), on trouvera sans doute que Mme de la Vallière fut assez vengée; mais une páreille vengeance ne pouvoit pas arriver jusqu'à cette ame douce et vertueuse; elle dut seulement y apercevoir un nouveau motif de bénir la Providence pour l'avoir conduite par la main de Bossuet au seul port où elle pût reposer en paix un cœur brisé par les orages des passions.

(a) Voyez les Mémoires de Saint-Simon,

On voit avec peine que Mme de Maintenon se montra en cette occasion peu équitable envers Bossuet : et il est difficile de retrouver la justesse habituelle de son esprit dans la prévention qu'elle paroît avoir conservée long-temps contre lui à la suite des événemens qui ramenèrent Mme de Montespan à la Cour.

On a pu remarquer dans sa lettre à Mme de Saint-Géran, qu'elle semble placer le duc de Montausier au premier rang pour la fermeté de sa déclaration à Louis XIV, et qu'elle ne nous montre pour ainsi dire Bossuet que sur le second plan de ce tableau si intéressant. Son humeur perce d'une manière encore plus sensible dans une autre de ses lettres à Mme de Saint-Géran. « Je vous

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l'avois bien dit, Madame, que M. de Condom » joueroit dans toute cette affaire un rôle de dupes » Il a beaucoup d'esprit; mais il n'a pas celui » de la Cour. » Comment, avec autant d'esprit qu'elle en avoit elle-même, Mme de Maintenon ne s'est-elle pas aperçue qu'en voulant faire la censure de Bossuet, elle en a fait le plus bel éloge. Accuser un évêque tel que lui, de n'avoir pas l'esprit de la Cour, c'étoit lui accorder un titre de plus à l'estime. La fermeté tranchante du duc de Montausier pouvoit n'être pas déplacée dans un homme de sa profession, et surtout de son caractère, qui lui avoit acquis le droit d'exagérer l'austérité de la vertu; mais la longue expérience de Bossuet et sa profonde connoissance du cœur humain lui avoient appris que la douceur, la patience et les exhortations évangéliques sont les véritables armes d'un évêque pour combattre les passions, et qu'elles servent plus souvent

à en triompher, que ces décisions brusques et absolues qui obtiennent rarement un si heureux succès. L'événement justifia la sagesse de Bossuet. L'intrépide fermeté du duc de Montausier et la parole que lui avoit donnée Louis XIV n'empèchèrent pas ce prince de reprendre bientôt après les chaînes qui le livrèrent encore à la domination de Mme de Montespan. Bossuet au contraire, par la rectitude de sa conduite, par ses utiles instructions, et surtout par ce caractère de vertu et de sagesse qui ne l'abandonnoit jamais dans les circonstances les plus difficiles et les plus délicates, vit enfin ses vœux couronnés (1). Il suffiroit d'ailleurs, pour la justification de Bossuet, d'observer que Mme de Maintenon est la seule de tous ses contemporains, qui se soit permis en cette occasion de donner comme un témoignage de mollesse, ou comme un défaut d'esprit de la Cour, une conduite pleine de bienséance et conforme aux maximes de la prudence chrétienne.

(1) C'est ce qui est confirmé par le témoignage de M. de Saint-Simon dans ses Mémoires.

« C'étoit (Bossuet) un homme, dont les vertus, la droi»ture et l'honneur étoient aussi inséparables que la science » et la vaste érudition. La place de précepteur de Mgr le Dau>> phin l'avoit familiarisé avec le Roi, qui s'étoit plus d'une » fois adressé à lui dans les scrupules de sa vie. Bossuet lui >> avoit souvent parlé là-dessus avec une liberté digne des » premiers siècles et des premiers évêques de l'Eglise. Il avoit >>interrompu le cours de ses liaisons plus d'une fois; il avoit » osé poursuivre le Roi, qui lui avoit échappé. Il fit à la fin >> cesser tout commerce, et il acheva de couronner cette >> grande œuvre par les derniers efforts qui chassèrent pour » jamais Mue de Montespan de la Cour. »

Mais on seroit également injuste envers Mme de Maintenon, si on se plaisoit à attribuer le chagrin qu'elle eut de voir Mme de Montespan revenir à la Cour à des motifs peu dignes d'elle, et à ces petites passions qu'on retrouve si souvent dans la société. Toute la suite de sa vie a montré qu'en cette occasion sa peine la plus sensible fat la perte des espérances qu'elle avoit déjà conçues de ramener le Roi à une conduite plus conforme aux sentimens de religion et de piété dont elle étoit pénétrée.

Il est vraisemblable cependant qu'elle sut mauvais gré à Bossuet de ce qu'il continua à voir quelquefois Mme de Montespan depuis son retour à la Cour. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle vécut dans une disposition peu favorable à son égard jusqu'à l'époque de l'affaire du quiétisme, où, par les conseils de l'évêque de Chartres, elle s'abandonna entièrement à sa conduite et à ses inspirations (1).

Bossuet continua en effet à voir Mme de Montespan; mais c'étoit toujours chez Mme de Thianges, sa sœur, et en observant à son égard la gravité et la dignité de son ministère (a). De son côté, Mme de Montespan lui montra constamment autant d'estime que de confiance. Ce fut de sa main qu'elle voulut recevoir tous les gens de mérite qui présidèrent à l'éducation de ses enfans. L'amitié qu'elle conserva toujours pour lui fut si inaltérable, et celle de Bossuet étoit si désintéressée, que lors

(a) Mts. de Ledieu.

(1) C'est ce qu'on voit par une note manuscrite de l'abbé Fleury. « Par là (par l'affaire du quiétisme), M. de Meaux, » écrit l'abbé Fleury, rentra en commerce avec Mmede Main» tenon, qui étoit aliénée depuis quelques années. »

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