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mes nouvelles fonctions. Je suis uni à l'Empereur, dévoué tout entier à la patrie, à la prospérité de la France, à son indépendance, à la paix du monde et au bonheur du genre humain. » Son discours est couvert d'applaudissemens.

Sur la proposition de M. Dumolard, la Chambre s'occupe de la nomination de ses vices- présidens et de ses secrétaires. Cette opération est interrompue uni moment par la lecture de la liste des membres de la Chambre des Pairs, transmise par l'Empereur à son ministre Regnault. Lucien Buonaparte se trouvant sur cette liste, on décide qu'il sera remplacé, dans la Chambre des Représentans, par son suppléant, et qu'il en sera de même des autres députés nommés, qui refuseraient de venir siéger.

Le dépouillement du scrutin donne pour résultat trois vice-présidens, qui sont MM. Flaugergues, La Fayette père, et Dupont (de l'Eure); les autres choix n'offrant pas de majorité absolue, le quatrième reste à nommer.

La Chambre se forme en comité secret.

Séance du 6 juin.

La séance s'ouvre à onze heures. M. Dupin entretient l'Assemblée du serment qui a fait hier l'objet du comité secret. Il pense que ce serment ne peut être déterminé que par une loi. Son opinion excite de violens murmures. Plusieurs membres se succèdent à la tribune; M. Bedoch, et surtout M. Dumolard, veulent qu'on prête individuellement le serment prescrit par le sénatus-consulte du 28 floréal an 12, qui consacre l'espoir des améliorations de la constitution, dont la Chambre s'occupera de concert avec le Gouvernement. La Chambre décide à l'unanimité que le serment sera prêté individuellement par ses membres : applau¬ dissemens.

M. Carnot propose de proclamer que l'armée a bien mérité de la patrie (sans doute pour avoir trahi le Roi). M. Dumolard qui, quelques jours avant le 20 mars, proposa des récompenses nationales au maréchal Macdonald, pour avoir servi la cause du Roi et de la patrie, s'empresse d'appuyer cette motion. Un membre, qui ne se doute pas apparemment du motif, présente une opinion différente; et, comme il s'avise de dire que l'armée n'a presque rien fait, il excite des murmures qui redoublent chaque fois qu'il veut continuer, et le forcent à descendre de la tribune.

M. Regnault, par un mezzo-termine, veut faire adopter l'ordre du jour. Il loue la valeur, le patriotisme et la modération de l'armée; mais il fait sentir à la Chambre qu'un témoignage de la reconnaissance nationale doit être un acte des trois pouvoirs établis par la constitution, et que les Représentans ne peuvent en ce moment prendre l'initiative, puisque la Chamn'est pas encore constituée. On achève donc de la constituer par un troisième tour de scrutin, qui donne la majorité au général Grenier pour être quatrième vice-président.

La lecture du procès-verbal de la séance précédente donne lieu à quelques observations sur sa rédaction. On y avait laissé subsister l'opinion que le président d'âge, en rendant compte de la réponse de l'Empereur à la communication de l'élection de M. Lanjuinais à la présidence, avait commis une erreur, quoiqu'il eût deux fois répété cette réponse. Un membre veut qu'on rectifie le procès-verbal à cet égard. M. Boulay (de la Meurthe) monte à la tribune, et soutient qu'il y a eu en effet erreur dans le rapport du doyen d'âge : il prétend que l'Empereur, qui était dans son cabinet, ignorait l'objet du message du président, et qu'il lui dit en le recevant : Vous auriez dû me faire avertir par un chambellan. Ainsi, selon M. Boulay, l'Empereur

n'a point dit qu'il ferait connaître à la Chambre sa đétermination par un chambellan. Il résulte de cette explication, ou que le président d'âge a bien mal entendu, ce qui n'est guère croyable, ou que M. Boulay, pour disculper l'Empereur, est venu mentir à la Chambre, ce qui est beaucoup plus présumable. La Chambre, préférant un mensonge qui garantit sa dignité, à la vérité énoncée par son doyen, confirme la rédaction du procès-verbal, et maintient le démenti donné à son président.

Voici maintenant une preuve de l'exactitude des Représentans dans la vérification des pouvoirs. Un rapporteur présente ses doutes sur une élection où des scrutins mal rédigés devaient être considérés comme blancs; il cite à l'appui un avis du Conseil - d'Etat, portant que les votes blancs ou nuls doivent être retranchés du nombre des votans.

Un membre combat ce motif; selon lui, un avis du Conseil-d'Etat n'est point une loi. Celui dont il s'agit doit d'autant moins servir de règle à la Chambre (nonmée par une petite fraction du peuple), qu'il ne reconnaît d'élections valides que celles auxquelles assiste la majorité des membres du collége. - Murmures.-Je propose que la Chambre maintienne le principe qu'elle a consacré hier, et suivant lequel les bulletins mal exprimés ne sont pas retranchés du nombre des votans. La Chambre qui ne serait plus rien, si elle adoptait ce principe de la majorité nécessaire dans les élections, et qui, de plus, est intéressée à soutenir les députés irrégulièrement élus, pour preuve de son exactitude, se range à l'avis de ce membre.

M. le duc d'Otrante annonce, par une lettre, que, nommé membre de la Chambre des Pairs, il se voit forcé de donner sa démission de Représentant.

Le reste de la séance est employé à la nomination de quatre secrétaires.

OUVERTURE DES CHAMBRES. (Séance du 7 juin.)

Depuis quatre jours, les deux Chambres de Buonaparte siégeaient, délibéraient en public, recevaient des communications du gouvernement; celle des Représentans vérifiait ses pouvoirs, pour ainsi dire les yeux fermés, formait son bureau, et prenait des résolutions; et cependant la session n'était pas ouverte. Ce ne fut que ce jour, 7 juin, que Buonaparte vint, avec son appareil ordinaire, commencer cette session, dont la courte durée a été marquée par des événemens si grands, si prompts, si importans, si décisifs.

Dès le matin, la Garde Impériale occupait les avenues et les postes du palais des Représentans. Ces messieurs ont pris place à deux heures dans les gradins supérieurs, et dans ceux de gauche. Le Conseil d'Etat est entré à quatre heures moins un quart; la Chambre des Pairs est venue quelques instans après.

Madame mère et madame Hortense, belle-fille, bellesœur, ect., de Buonaparte, ont paru dans une tribune élégamment décorée.

A quatre heures et un quart, le bruit du canon des Tuileries a donné le signal de la marche, et quelques minutes après le soi-disant Empereur est entré avec ses frères Joseph et Lucien et son oncle Fesch, aux cris répétés de vive l'Empereur! C'étaient les derniers qu'il devait entendre. Il s'est placé sur son trône. Le prince Cambacérès a pris ses ordres. Un secrétaire de la Chambre des Pairs a prononcé la formule du serment en ces termes : « Je jure obéissance aux Constitutions de l'Empire et fidélité à l'Empereur. » Les princes et les grands dignitaires, les Pairs et les Représentans l'ont répété tour-à-tour. Alors Napoléon a parlé en ces termes :

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OBSERVATIONS.

Au 1er janvier 1814, Buonaparte refusait le titre de Représentans aux membres du Corps-Législatif; aujourd'hui il reconnaît qu'il y a d'autres Représentans de la nation que lui: c'est que les temps sont changés.

Mensonge grossièrement évident. Les circonstances, c'est vous qui les avez fait naître; le peuple n'a été nullement consulté, et le pouvoir illimité dont vous avez été revêtu, c'est vous-même, appuyé de votre armée, ou perfide, ou trompée, qui vous l'êtes arrogé.

Autre mensonge du plus hypocrite des tyrans. Votre cœur, on le connaît, ne respire que despotisme. Si vous venez commencer la monarchie constitutionnelle, de votre propre aveu elle n'existait donc pas lors de votre premier règne: vous avez donc été despote pendant qua

torze ans.

Personne plus que vous ne l'a prouvé d'une manière plus funeste pour la France et pour l'Europe.

Oui, les bonnes institutions, mais non pas les vôtres, qui ont bouleversé et qui bouleverseraient encore le monde, si on. vous laissait faire.

Oui, sans doute; l'expérience l'a bien prouvé, mais non pas

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