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gravé les principes dans vos esprits, et plus vous les traduirez avec fidélité sur les tables de la loi, plus votre ouvrage approchera de la perfection. » (Cette image a paru frapper l'Assemblée, et le profond silence qui avait régné jusque-là a été interrompu par un monvement général d'approbation. Cette image, qui se rapproche des vrais principes et qui n'est que brillante, aurait été plus solide, si l'orateur avait dit: Il est un législateur invisible dont l'action peut être suspendue pour quelques momens, mais ne peut jamais être anéantie, le temps travaille les constitutions, les fait, les refait et les modifie. Il en grave les principes dans les esprits. Les hommes ne doivent être que ses copistes. Quand ils veulent le devancer ou l'entraver dans sa marche lente, mais sûre, ils s'éloignent de plus en plus de la perfection, et le temps les punit de leur précipitation ou de leurs écarts.)

M. Jay s'attache ensuite à repousser les objections tirées de la guerre étrangère et des troubles civils. « L'armée essentiellement nationale ne craindra plus dit-il, que la victoire serve de transition au despotisme. (C'est ce qui n'était pas trop sûr.) En poursuivant ses glorieux triomphes, elle applaudira aux nobles conquêtes de la raison et de la justice. (Ce sont là des mots dont l'expérience a prouvé la valeur.) Ne craignez point de mouvement de l'opinion; le mouvement, c'est la vie. (Ceci aurait besoin d'explication ou d'interprétation.) C'est par une action dont la sagesse sera le régulateur; c'est en usant dans toute leur étendue de vos prérogatives, que vous prouverez à l'Europe entière la confiance du peuple dans le Gouvernement. (Cette phrase se rapproche un peu trop de la jactance et des prétentions révolutionnaires.) L'Europe attend avec impatience quelle sera votre attitude pour former son opinion. (L'Europe n'avait pas besoin d'attendre pour en juger. Aussi a-t-elle

fait avancer ses troupes pour vous faire changer d'attitude.) Si la France, si les Représentans du peuple se prosternaient encore une fois devant une volonté absolue, ils justifieraient les craintes vraies ou simulées de leurs ennemis; s'ils se montrent avec la modération de l'énergie, de la liberté, ils auront pour eux les vœux des nations. (C'est encore là du pathos révolutionnaire, et rien de plus. ) » L'orateur qu'il ne faut pourtant pas confondre avec la tourbe des harangueurs populaires, conclut par demander qu'il soit nommé immédiatement une commission chargée de rédiger un code constitutionnel, conforme aux inté-. rêts et aux besoins du peuple.

M. Lizeret de Chases propose un nouveau projet pour la formation d'une commission de révision. Il consiste à former neuf bureaux, dont sept composés de onze membres, et deux de dix. La députation de chaque département nommera un de ses membres. Chaque bureau présentera ses vues et son travail à une commission centrale, qui, après avoir comparé ces divers projets et mis de l'unité et de l'accord entre toutes les parties, offrira à la Chambre un travail digne de sa confiance. Après quelques débats, la Chambre adopte ce plan.

L'Assemblée se forme en comité secret, pour délibérer sur ses dépenses.

CHAMBRE DES PAIRS. (Séance du 21 juin.)

(Napoléon était parti de Paris pour se rendre à l'armée le 12 de ce mois; le mercredi 21 juin, à 4 heures du matin, il y est revenu en fugitif, abandonnant une armée de 150 mille hommes, taillée en pièces le 18, et dont le reste, échappé au carnage, s'est débandé, désorganisé, et a rapporté en France tous les désordres qu'entraînent avec eux des soldats sans chef,

sans discipline. Trois mois après son retour funeste en France, Buonaparte, sans armée, sans pouvoir et sans ressources, à livré notre patrie déjà déchirée par la guerre civile, à tous les maux de la conquête. L'histoire des Chambres qu'il avait créées et convoquées, va devenir plus intéressante qu'elle ne l'a été jusqu'ici. La scène y est changée. Les esprits y sont exaltés. Et lorsqu'elles pouvaient adoucir la pénible situation de l'Etat par une déclaration franche et solennelle, en faveur de nos Princes légitimes, nous allons les voir au contraire, aggraver nos malheurs, exaspérer les haines, soulever les passions, attiser le feu de la discorde et fomenter la sédition jusqu'au dernier moment de leur puissance illégitime.)

La Chambre s'est assemblée à une heure, sur une convocation extraordinaire.

M. le comte Carnot, ministre de l'intérieur, fait au nom de l'Empereur la communication suivante à la Chambre. Nous donnons son rapport textuellement. « L'Empereur est arrivé à onze heures.

« Il a convoqué le conseil des ministres et a annoncé que l'armée, après une victoire signalée dans les plaines de Fleurus, où l'élite de l'armée prussienne a été écrasée, a livré une bataille deux jours après, à quatre lieues de Bruxelles. L'armée anglaise a été battue toute la journée, et obligée de céder le champ de bataille.

« On avait pris six drapeaux anglais, et la journée était décidée, lorsqu'à la nuit, des malveillans ont répandu l'alarme, et occasioné un désordre que la présence de S. M. n'a pu rétablir à cause de la nuit.

« La suite a été des désastres qu'on n'a pu arrêter. « L'armée se rallie sous les murs d'Avesnes et de Phr lippeville.

«S. M. a passé à Laon; elle y a donné des ordres pour que la levée en masse des Gardes nationales du département arrêtât les fuyards.

«Elle est venue à Paris pour conférer avec ses ministres sur les moyens de rétablir le matériel de l'armée.

« L'intention de S. M. est aussi de se concerter avec les Chambres sur les mesures législatives qu'exigent les circonstances.

« S. M. s'occupe en ce moment des propositions à présenter aux Chambres. »

Un silence profond règne dans l'Assemblée. Le président, d'une voix altérée, donne acte au ministre de l'intérieur des communications qu'il vient de faire.

Le ministre annonce, en outre, que S. M.se propose de faire encore d'autres communications à la Chambre, après qu'elle se sera de nouveau concertée avec ses ministres.

M. de Valence demande que la Chambre se sépare, en attendant ces communications.....

La Chambre se constitue en séance permanente.

Au même instant arrive un message de la Chambre des Représentans, qui a pour but d'annoncer à celle des Pairs, la résolution que les députés des départemens ont prise de déclarer l'indépendance de la France attaquée, la permanence de la Chambre des Représentans, etc.

(Voyez la Chambre des Représentans. )

La plus vive émotion se peint sur les visages à la lecture du message des Représentans.

M. Thibaudeau demande que la Chambre se forme

en comité secret.

« M. de Latour-Maubourg demande pourquoi la Chambre des Pairs mettrait dans ses délibérations un mystère dont, dans une circonstance aussi éclatante, la Chambre des Représentans n'a pas jugé à propos de se couvrir. Il demande que la délibération se suive en séance publique.»

M. Boissy-d'Anglas. « A moins que dix dix personnes ne s'inscrivent au bureau pour le comité secret. » Le président Cambacérès sort. Le fauteuil est occupé par M. le comte de Lacepède, vice-président. La proposition de M. Thibaudeau est mise aux voix et rejetée.

M. de Pontécoulant demande si c'est dans de telles circonstances que la Chambre doit s'arrêter à de vaines formalités; on ne peut trop discuter les grands intérêts qui, dans ce moment, doivent exciter toute la surveillance et les délibérations de la Chambre. A propos de cette partie de résolution de la Chambre des Représentans, « que les ministres de la guerre, des relations extérieures, de la police et de l'intérieur sont invités à se rendre sur-le-champ dans le sein de l'Assemblée, » l'honorable membre fait les observations suivantes :

« Le Gouvernement est-il absent, pour que les Députés mandent ainsi les ministres pour rendre compte de leur gestion? L'Empereur n'est il pas de retour? Le chef du Gouvernement n'est-il pas dans la résidence de la représentation nationale? Je ne crois pas que cette partie de la résolution des Députés puisse être admise par la Chambre des Pairs. A cela près, je crois devoir donner mon assentiment à cette résolution de la Chambre des Représentans. » M. de Pontécoulant termine en demandant le renvoi à une commission spéciale qui fera sur-le-champ son rapport à la Chambre.

M. Boissy-d'Anglas s'oppose à ce renvoi, et la Chambre rejette la proposition de M. de Pontécoulant, qui se range de l'avis de ses collègues, et retire sa proposition.

M. de Valence prend la parole, et revenant sur la motion de M. de Pontécoulant, et sur la décision de la Chambre, lui propose de nommer une commis

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