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Lacoste veut une commission d'enquête. M. Bérenger crie à l'arbitraire: il fait une proposition que de plus grands murmures empêchent d'entendre. M. de La Rochefoucault-Liancourt, dont les opinions et la conduite ont si fort compromis la grandeur de son nom, parle en faveur d'une commission d'examen, et l'Assemblée se range à cet avis.

M. Regnault s'approche du fauteuil, et parle à l'oreille du president, qui s'empresse d'annoncer que demain le ministre de l'intérieur doit lui faire connaître la situation de la France.

CHAMBRE DES PAIRS. (Séance du 13 juin.)

M. Thibaudeau, l'un des secrétaires, donne lecture d'un message de la Chambre des Représentans, qui annonce son organisation définitive, et d'un extrait du procès-verbal de la séance où la même Chambre a nommé ses vice-présidens et secrétaires.

Il lit ensuite deux lettres adressées à M. le président, l'une de M. de Molé, qui s'excuse de ne pouvoir prendre part aux travaux de la Chambre, parce qu'il est retenu aux eaux par sa mauvaise santé; l'autre, du lieutenant-général Berlier, qui croit devoir rester au poste que l'Empereur lui a assigné, mais qui n'en est pas moins, dit-il, uni, d'esprit et de coeur, aux délibérations de ses collègues.

M. le président annonce que M. Carnot, ministre de l'intérieur, va faire, au nom de l'Empereur, l'exposé général de la situation de l'empire. M. Carnot fait ce rapport. (Voyez plus bas la séance de la Chambre des Représentans.) Le président donne acte au ministre de l'intérieur des communications qu'il vient de faire à la Chambre. M. de Valence demande que ce rappport soit imprimé sur-le-champ, et distribué à domicile.

M. Thibaudeau présente un projet de règlement,

dont la discussion est ajournée à vingt-quatre heures après l'impression, et l'envoi aux Pairs.

CHAMBRE DES REPRÉSENTANS. (Séance du 13 juin.)

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M. Pyeire, nommé député du Gard, envoie sa démission; il est remplacé par son suppléant, M. Meynadière.

La Chambre entend la lecture des propositions déposées hier sur le bureau. M. Dupin lit la sienne; elle tend à ce que la Chambre charge une commission spéciale de réunir en un seul corps les constitutions de l'Empire, de coordonner, d'analiser et de discuter leurs diverses dispositions. Il propose de fixer à jeudi prochain les développemens dont sa proposition est susceptible; ce qui est adopté.

M. Mourgues lit également la proposition qu'il a déposée; elle est aussi relative au travail à faire sur les constitutions, et comme elle rentre dans la discussion ajournée à jeudi, elle n'a pas d'autre suite.

M. le président annonce que M. Regnault a aussi déposé hier une proposition dont le but est de demander que le bureau soit autorisé à nommer une commission qui fasse un rapport sur les dépenses et les frais d'administration de la Chambre. La discussion de cette proposition est fixée au lendemain.

M. Regnault entre alors dans la salle, et M. le président lui annonce la décision de la Chambre, à l'égard de sa proposition. M. Regnault monte à la tribune, et dit que S. M. ayant chargé les ministres, membres de la Chambre des Pairs, de s'y rendre, pour lui communiquer le rapport annoncé, M. Carnot s'y trouve en ce moment, et que lui est chargé, en qualité de Ministre d'Etat, membre de la Chambre des Représentans, de lui faire la même communication. Le silence règne dans toute la salle, et M. Regnault lit pendant près de deux heures ce rapport de M. Carnot.

RAPPORT DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.

« Messieurs,

« L'un des premiers objets de la sollicitude de S. M., après l'acceptation du nouvel acte constitutionnel, a dû être d'offrir aux deux Chambres le tableau fidèle de la situation de l'Empire.

« Trois mois sont à peine écoulés depuis que l'Empereur a quitté le rocher de son exil, pour venir délivrer la patrie du joug insupportable que ses ennemis lui avaient imposé. Sa seule présence a suffi pour dissoudre un gouvernement qui semblait n'être installé que pour exploiter le sol de la France au nom des puissances étrangères, et pour exercer des vengeances.

OBSERVATION.S.

M. Carnot, dans son fameux Mémoire, est convenu que Louis XVII avait été reçu en France aux acclamations universelles. Aujourd'hui, il avance impudemment que ce sont les ennemis qui avaient in posé à la patrie un joug insupportable. Le joug de Louis. XVIII était sans doute insupportable à M. Carnot et à ses semblables, qui ne pouvaient s'accommoder d'un gouvernement doux et réparateur; mais où M. Carnot a-t-il pris que ce gouvernement n'était installé que pour exploiter le sol de la France au nom des puissances étrangères, et pour exercer des vengeances? Où sont les preuves qu'il donne de sa double assertion? Car enfin il faudrait prouver ce qu'on avance: quelles vengeances ont été exercées? ou plutôt quels crimes n'ont pas été impunis? M. Carnot lui-même n'est-il pas preuve irrécusable de l'impunité des crimes, lui qui, couvert du sang français, a osé le premier donner le signal de la révolte contre Louis XVIII, et

une

Rapport, etc.

« L'enthousiasme qui a servi d'escorte à S. M. des bords de la Méditerranée jusqu'à la capitale, et l'abandon singulier dans lequel s'est vue tomber tout-à-coup la dynastie qui venait d'apparaître un instant sur le trône, montrent assez de quel côté était le vœu national; ils prouvent assez que, quand même une nouvelle coalition de la part des ennemis, de nouvelles fautes de la nôtre, viendraient à rétablir le sceptre aux mains de la famille déchue, elle le laisserait encore échapper.

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Observations.

qui vient effrontément mentir aux Chambres, à la France, à toute l'Europe, et mêler au fiel de sa haine contre les Bourbons, le poison des plus grossières calomnies?

L'enthousiasme dont vous parlez ici n'a été partagé que par une partie de l'armée rebelle et par vos amis les Jacobins, et vous osez appeler cela le vœu national! Vous étiez sans doute aussi l'interprète et l'exécuteur du vœu national, quand vous faisiez passer sous le tranchant de la guillotine tant de têtes innocentes. 11 y avait aussi dans ce temps un enthousiasme qui servait d'escorte au fatal tombereau, et cet enthousiasme n'était guère différent de celui dont vous vous prévalez aujourd'hui. M. Carnot, qui est un logicien aussi fort que véridique, en tire la preuve que, quand même une nouvelle coalition rétablirait le sceptre aux mains de la dynastie déchue, elle le laisserait encore échapper. Je pense comme vous, M. le ministre, mais par d'autres raisons: je pense que les Bourbons seront encore renversés, s'ils continuent à s'entourer d'hommes qui vous ressemblent; s'ils ne punissent pas les séditieux, les rebelles, les Jacobins; s'ils n'épurent pas les administrations; s'ils se laissent circonvenir par des hypocrites, par ces hommes à idées soi-disant libérales, par ces faux amis du peuple, dont

Rapport, etc.

« Et pouvait-elle le retenir, lorsque tous les engagemens qu'elle avait dû contracter envers les anciens serviteurs qui l'avaient accompagnée, se trouvaient en contradiction avec les intérêts évidens de la masse du peuple; lorsque tant de victoires remportées depuis vingtcinq ans ne pouvaient plus être pour nos braves que des titres de disgrâce et d'humiliation; lorsque la résurrection de tant de priviléges surannés replongeaient la nation dans les turpitudes du régime monastique et féodal; lorsque les préjugés dont cette même famille était imprégnée, sans espoir d'amendement, se trouvaient si peu en harmonie avec les lumières du siècle?

Observations.

les intentions peuvent être pu res jusqu'à certain point, mais dont les principes sont pernicieux, parce qu'ils sont faux. Oui, les Bourbons seront encore renversés, s'ils vous écoutent; mais vous n'en régnerez ni plus paisiblement, ni plus long-temps.

Voyez la perfidie de M. Carnot! il ne dit pas positivement que

la famille royale avait pris des engagemens avec ses anciens serviteurs, ce qui cependant serait tout naturel, mais il dit qu'elle avait dû en contracter; et, donnant à sa supposition toute l'étendue que sa perfidie pouvait y ajouter, il prétend que ces engagemens étaient en contradiction avec les intérêts évidens de la masse du peuple. Les preuves dont il appuie ses allégations sont autant d'impostures contraires à l'évidence des faits. Où a-t-il vu que nos victoires étaient des titres de disgrâce et d'humiliation? Est-ce parce que M. Carnot avait été décoré du titre de lieutenant - général, et de la croix de Saint-Louis, ainsi que tant d'autres officiers de l'armée, qu'il se croyait humilié ? Est-ce parce que tous les maréchaux, tous les officiers-généraux obtenaient journellement de la bonté du Roi, des grâces, des faveurs, des emplois, des dignités, pour eux et pour les leurs, qu'il croyait nos braves humiliés? Où a-t-il vu que la résurrection de tant

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