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doit être, avant peu, l'inévitable résultat des fautes de la reine de Naples et des férocités commises en son nom, et si elle importe essentiellement à la France, qui ne peut désormais voir dans ce gouvernement qu'un allié parjure, un ennemi perfide, ne vaut-il pas mieux que le gouvernement françois s'en approprie les avantages, en la favorisant, et en la dirigeant par une influence invisible, adroitement dissimulée, que s'il l'abandonnoit au hasard des évènemens?

Le cinquième objet de discussion, seroit la manière de rétablir la république vénitienne, qui ne devroit peut-être pas non plus être créée ouvertement par les armes et les lois des François, mais par le mouvement libre et unanime des Vénitiens. Il leur suffiroit, pour cela, d'être assurés que le gouvernement de France stipulera en leur faveur dans le nouveau traité ; et cet assentiment tacite, donné aux habitans de Venise et de la Terre-Ferme, devient le signal des évènemens politiques qui ôtent ce pays et la Dalmatie à l'Autriche, sans même avoir recours aux chances de la guerre.

Toutes ces questions, étant délicates et importantes, auroient besoin d'une discussion approfondie et contradictoire, pour être envisagées sous tous leurs points de vue. Il suffit de

les indiquer à l'homme qui connoît à fond l'état politique et militaire de l'Europe.

Le sixième nœud des intérêts diplomatiques à concilier par ces divers arrangemens, consiste dans les avantages à procurer à l'Espagne, à la Prusse, et même à la Russie, par le commerce avec Naples, pour les identifier au maintien de la paix; et enfin, dans la fixation définitive des confins respectifs des trois républiques italiennes et des deux états intermédiaires, et des républiques helvétique et françoise. Alors, la paix de l'Europe sera établie sur des bases durables; celui qui aura conçu et exécuté de vastes plans, jouira pleinement de sa gloire, et y ajoutera encore par ses travaux pour la prospérité intérieure de la patrie.

Les diverses questions politiques indiquées ci-dessus pourroient être soumises à l'examen d'un congrès, qui cimenteroit la paix générale, et qui, au lieu d'être prolongé indéfiniment, comme celui de Rastadt, seroit conduit rapidement au terme de ses opérations par celui qui devroit les inspirer.

Pour terminer cette lettre par des considérations générales sur la manière d'administrer les parties de l'Italie occupées par nos troupes, je crois, Citoyen Consul, que vous sentirez la

nécessité, pour votre intérêt et votre gloire, d'y prévenir ou d'y faire cesser le régime abusif des contributions et des réquisitions arbitraires de l'autorité militaire, paralysant et écrasant le gouvernement et les autorités du pays, qui n'existent alors que de nom et n'offrent que simulacres dérisoires; enfin, des dix et vingt tables à trente couverts exigées chaque jour dans certaines villes, et des vols organisés, qui se montrent avec audace et impunité.

des

Vous enchaînerez le brigandage. Vous ne souffrirez pas que la vénalité infecte toutes les parties de l'administration, et que la liberté soit mise en régie intéressée.

Vous inspirerez cet esprit de modération, de bon ordre, de sagesse, qui fera aimer votre influence, en rendant aimable et cher à tous les citoyens le régime établi sous vos auspices.

du

La religion sera respectée; mais, le fanatisme perturbateur et séditieux réprimé, et l'influence du clergé sera insensiblement tournée au profit gouvernement. Les finances seront administrées avec économie et probité. Un système politique, doux et conciliateur, fermera les plaies profondes de la révolution et de la guerre, réunira les esprits, et fera succéder l'union et

l'amour du nouvel ordre de choses, aux passions haineuses et aux dissensions civiles.

Vous favoriserez ce décret touchant, qui rappellera dans la Cisalpine la résolution des Thébains en faveur des autres Grecs, que tous les Italiens exilés pour cause d'opinions, et privés de leur patrie, trouveront dans la contrée que vous avez affranchie, un toit hospitalier et des moyens d'existence, du pain et un asile, ou du travail pour s'en procurer.

Les révolutions sont électriques et contagieuses, quand elles rendent les peuples heureux; car, le premier besoin de tous les hommes est le bonheur (1). Si vous semez le bonheur

(1) Cette vérité politique est puisée dans une connoissance approfondie du cœur humain. Le bonheur est le but commun de la morale, de la politique, de l'ordre social, de la civilisation, de la guerre, de la paix, des luttes les plus sanglantes, des sciences et des arts. Pourquoi faut-il que des malentendus funestes empêchent presque toujours d'atteindre ce but?......... Comme la terre seroit belle, comme le bonheur seroit facile, si les hommes vouloient et savoient!......... Leur folie, leur ignorance les empêchent d'être heureux, et gâtent pour eux tout ce que la nature avoit disposé de bon, de beau et d'utile.

✪ stultas hominum mentes! ô pectora cœca!.........

dans les pays où vous aurez porté vos pas, les autres pays recourront à vous, comme à leur libérateur et à leur père. Vous aurez fixé les destins de l'Europe et de votre siècle; vous aurez fermé le volcan révolutionnaire, en donnant aux changemens politiques opérés par vous un caractère de grandeur, de générosité, de philosophie, et des résultats de félicité publique, qui feront admirer en vous le politique autant que le guerrier, et vous assureront l'estime universelle.

Mon langage, Citoyen Consul, n'est ni celui d'un flatteur, ni celui d'un homme avide de désordres, mais d'un ami de l'humanité, de son pays et de votre gloire. J'ai cru que, dans le haut rang et dans le tourbillon d'affaires où vous êtes placé, quelques réflexions, mûries dans le silence, et présentées avec modestie, pourroient obtenir un de vos regards, et fixer quelques instans vos méditations.

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