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puissance de son génie et du peuple, dont il employoit et sacrifioit à sa volonté les immenses trésors et les nombreux citoyens. »

Le contre-sens politique, inspiré par un esprit de vertige, et par le délire de l'ambition et de l'orgueil, qui a caractérisé tous les plans de Napoléon, et qui a préparé, accéléré, déterminé sa chute, doit éclairer aujourd'hui (en septembre 1815) les princes souverains appelés à réparer les malheurs du monde. S'ils veulent consulter et accueillir les pensées des hommes sages et bien intentionnés, qui constituent la véritable opinion publique; s'ils veulent écouter cette opinion, dont la voix parvient şi rarement à l'oreille des monarques, ils auront un point d'appui et une base pour élever un beau monument un édifice durable. Tout ce qui seroit fait, au contraire, sans l'opinion ou contre son vou, seroit nécessairement un ou vrage fragile.

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Une époque décisive et réparatrice vient s'offrir une seconde fois. La plus belle gloire est réservée à ceux qui fixeront, d'une manière durable, les destinées d'une grande et généreuse nation.

TOME IX.

I I

Assurer la tranquillité de la France, c'est le plus sûr moyen de garantir celle de l'Europe.

Rétablir, après vingt-cinq années de troubles et de révolutions, la tranquillité générale du monde civilisé, c'est le titre le plus honorable à la reconnoissance et à l'admiration des hommes éclairés, et à l'estime prolongée dans les siècles, qui constitue la gloire et l'immortalité.

Les princes souverains et les hommes d'état, destinés à remplir une si noble tâche, apparoissent à leurs contemporains et à l'histoire comme des génies bienfaisans qui viennent réparer les calamités que le génie du mal a depuis si long-temps versées sur les états.

Mais, si la France restoit encore en proie à une guerre prolongée, ou condamnée à l'humiliation d'une paix qui seroit une atteinte à son indépendance et à son intégrité, et dès lors une violation des promesses contenues dans les déclarations officielles des puissances alliées, de nouveaux troubles se manifesteroient en France, et réagiroient sur l'Europe. L'oppression d'une grande nation, dominée long-temps par un chef conquérant et ambitieux, qu'on voudroit punir outre mesure des calamités dont ce chef a couvert l'Europe, et dont elle a été la première victime, seroit un

acte de violence et d'injustice, qui exciteroit dans tous les pays, chez toutes les âmes géné reuses, une indignation concentrée; plus tard, cette indignation ne manqueroit pas d'éclater. Les nouveaux désordres et les abus auxquels donneroient lieu l'ivresse des succès et l'aveuglement de l'orgueil, retomberoient sur les autres nations. Si, au contraire, les puissances usent d'une sage modération envers la France, elles mériteront et obtiendront l'estime de leurs

sujets respectifs; elles affermiront les trônes en même temps que l'ordre social, et préviendront de grands malheurs.

COUP-D'CEIL

SUR

QUELQUES-UNES DES INSTITUTIONS DE LA FRANCE, Au commencement de l'an 12 (janvier 1804).

Tour le pouvoir, toute l'influence, toute la considération, les richesses, les honneurs, les places, les finances, les opérations diplomatiques et militaires, l'armée, la marine, la législation, la police, l'administration, tout est dans les mains d'un seul homme. Cet homme veut tout faire par lui-même et rapporte tout

à lui.

Nous n'avons point de constitution, mais un maître absolu qui a tout absorbé. Nous avons quelques institutions qui s'organisent par ses ordres et sous ses auspices, mais lentement, avec précaution, et qui toutes ont pour objet de nous ramener aux préjugés, aux coutumes, aux abus de l'ancien régime. Ce contre-sens complet du gouvernement, qui méconnoît, méprise et blesse ouvertement l'opinion publique, doit tôt ou tard déterminer sa chute.

A la tête de ces institutions est la conscription, qui, sous un régime libre, établie sur les premières bases déterminées par la loi de l'an 6, devoit créer une nation généreuse et guerrière, composée de citoyens toujours prêts à défendre leur patrie; mais qui, modifiée habilement au profit du despote, livre à l'arbitraire de ses caprices et de ses volontés tous les enfans des familles françoises, et lui assure, plus qu'aux anciens rois, la libre et absolue possession des personnes de ses sujets. Après la conscription, vient l'institution des Lycées; elle abandonne également à la disposition du Chef suprême la portion de la jeunesse, qui n'est pas encore en âge de porter les armes. Nul n'est adnis dans les Lycées sans un arrêté de nomination du premier Consul. Ce pouvoir de n'ouvrir les portes des écoles publiques, et de n'assurer des moyens d'instruction qu'aux enfans de ceux qui ont mérité ses faveurs, lui attache tous les parens par les liens les plus chers, l'affection qu'ils portent à leurs fils, et le désir qu'ils éprouvent de les faire jouir des bienfaits d'une éducation soignée.

La création des places d'auditeurs au conseil d'état et auprès des différens ministères, des tribunaux et des administrations, places exclu

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