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en croyant servir les intérêts de l'Église et de l'Europe, a été promené de prisons en prisons, abreuve d'humiliations et d'outrages, sans qu'aucune voix osât réclamer sa liberté.

Les sciences, les arts, les lumières, la vraie philosophie, tous les élémens de la civilisation ont été sacrifiés à des mesures de violence inouïe, à des plans de conquêtes, de dévastation, de brigandage, qui ont rappelé les temps de l'ancienne barbarie, où, sans aucun droit des gens, sans aucun égard pour la justice et la raison, le glaive seul et la force décidoient

tout.

Les amis d'une sage liberté, d'un gouvernement monarchique modéré qui attache les peuples à leurs souverains par le lien le plus fort, celui des bienfaits, de la conservation, de l'amour, ont vu s'organiser le plus épou-. vantable système de despotisme, de terreur et de servitude, de démoralisation, de corruption et de ruine universelle, non seulement en France, mais dans toutes les contrées conquises, incorporées ou alliées, sur lesquelles s'étendit l'influence dominatrice.

Les anarchistes même et les jacobins les plus effrénés, qui avoient pu fonder d'atroces espérances sur le renversement des autorités

TOME IX,

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légitimes, sur la dissolution de tous les liens sociaux, sur la désorganisation et la licence érigées en systèmes, ont dû frémir à la vue du chaos qui signaloit en tous lieux la puissance du conquérant destructeur, devenu, pour ainsi dire, la révolution elle-même personnifiée, et revêtue tour à tour de l'écharpe du généralat, de la pourpre consulaire, et du manteau impérial, pour parcourir, ravager et désoler la terre. Long-temps agent et complice, puis héritier avide, exécuteur farouche des fureurs des plus fougueux révolutionnaires, il a brisé la plupart de ceux dont il avoit fait ses premiers instrumens.

Le même sort étoit réservé par lui à ses compagnons d'armes, qui ont été les premières et les plus déplorables victimes de son insatiable ambition. De toutes les classes de la société, celle des militaires a été le plus cruellement sacrifiée. Le plus souvent sans paye, quelquefois sans pain, condamnés à tous les genres de privations, de fatigues, de souffrances, des soldats, naturellement généreux et intrépides, ont été réduits à vivre de brigandage. La mobilité des grades, la rapidité des avancemens,. qui excitoient parmi eux une ambition aveugle et insensée, dernier mobile qui leur restất

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lorsqu'ils n'avoient plus de patrie, n'étoient produites que par la multiplicité des sacrifices humains chaque officier s'élevoit sur le cadavre d'un de ses camarades, qu'il devoit bientôt suivre dans la tombe. Ceux même qu'une politique intéressée avoit comblés de biens et d'honneurs, avoit élevés des rangs les plus obscurs aux plus hautes dignités, gémissoient en secret de n'avoir plus qu'un faux honneur et une gloire funeste; de n'avoir ni patrie, ni foyers; de mener une vie errante, vagabonde, servilement dévouée à l'obéissance la plus passive; de payer enfin du sacrifice entier de leur conscience et de leur existence, de leur repos, de leur bonheur, de leur sang, les titres vains et pompeux, les décorations, les dons trompeurs et funestes qu'ils avoient reçus. « A quòi nous servent, disent-ils, nos dotations en Hanovre, en Westphalie, en Pologne, en Espagne, toutes nos prétendues richesses, dont le libre usage nous est interdit, toutes les dépouilles des pays ravagés par nos armes, si nous ne pouvons jamais jouir en paix de notre fortune, et d'une existence douce et tranquille au sein de nos familles? »

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Enfin, les amis de l'ordre et de la paix, les propriétaires, les cultivateurs qui avoient osé

que

se flatter
la main victorieuse du nouveau
chef de l'état feroit fleurir l'olivier, ont vu
s'épuiser toutes les ressources particulières et
publiques, englouties dans le gouffre d'une
guerre éternelle, sans cause légitime, sans
motif raisonnable et avoué; ils ont vu se ré-
pandre partout les ravages de cette guerre, qui
prenoit tous les ans un caractère plus prononcé
de férocité.

Ce n'est plus, disoit un maréchal françois dans la sanglante journée de Wagram, la guerre du courage; c'est celle de la peur : l'artillerie fait tout. Ce n'est plus la guerre des peuples civilisés ; c'est celle des sauvages, des barbares, des cannibales. On compte pour rien la vie des hommes, que le premier devoir et le vrai talent d'un grand général est de ménager et d'épargner. Les combats sont des boucheries; les armées, des instrumens de carnage.

Si nous écoutons la classe particulière des commerçans, dont les intérêts ont servi de prétexte pour justifier la bizarre, gigantesque et absurde conception du prétendu système continental, des gémissemens unanimes, mais étouffés, retentissent sourdement d'un bout du continent à l'autre. Le commerce et l'industrie, ces deux sources fécondes de la ri

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chesse et de la prospérité des états, sont frappés de stérilité, de proscription et de mort, par les dispositions mêmes qu'on a prises en apparence pour les protéger. Une fiscalité avare, avide, inquisitoriale, meurtrière, a multiplié les barrières des douanes, les légions oppressives des employés des droits - réunis et des finances; elle a opposé partout des entraves aux relations commerciales, au transport des produits de l'agriculture et de l'industrie, nonseulement sur les frontières et dans l'intérieur du grand empire et de l'Italie, mais dans tous les états dépendans et tributaires. Une mesure dictée par une rage insensée, par une tyrannie destructive, qui rappelle l'incendiaire Omar a fait livrer aux flammes, non-seulement dans le grand empire et dans l'Italie, mais dans plusieurs états limitrophes, à Naples, à Francfort-sur-Mein, etc., toutes les marchandises angloises, déjà payées aux premiers possesseurs, et le plus souvent achetées avant l'adoption du système de prohibition absolue.

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L'éducation et l'instruction, dirigées uniquement vers la profession des armes ; la librairie, l'imprimerie, soumises à une police vexatoire et oppressive; l'administration publique, occupée seulement à fournir de l'ar

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