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but raisonnable, sans motif avoué; sur l'Angleterre, qui a cru pouvoir profiter des dissensions et des guerres du continent, qu'elle a en partie excitées, mais qui ressent aujourd'hui le contrecoup des évènemens désastreux dont l'Europe est la proie; sur la belle et triste Italie, couverte, comme au temps des condottieri, de bandes de conscrits réfractaires, devenus, par une dure nécessité, des brigands ennemis de l'ordre public et de la sûreté individuelle, en guerre ouverte avec la société; sur l'Espagne et sur le Portugal, qui ne sortent d'un long assoupissement que pour se débattre, à leur réveil, dans un océan de sang; sur la Turquie, foible et mourante, qui ne se conserve qu'à la faveur des luttes sanglantes prolongées entre les autres états, mais qui emploie contre ellemême le reste de ses forces: en Asie, contre les pachas révoltés; en Égypte et en Afrique, contre les mamelucks et les beys; en Europe contre les Serviens excités par l'Autriche et la Russie; sur le rocher de Malte, où règne la peste dévastatrice qui menace de faire une invasion en Italie; sur l'Amérique, enfin, associée par des intrigues criminelles aux folies, aux fureurs et aux calamités de l'Europe. Par

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tout le délire de la fureur, la stupidité de l'esclavage, l'épuisement, la misère, le deuil et la mort.

Et c'est dans un siècle qui devroit recueillir les fruits des vastes et honorables travaux d'une longue suite de siècles, employés à augmenter progressivement et à répandre les lumières, à polir les mœurs des nations, à perfectionner les gouvernemens, à leur montrer leurs premiers devoirs et leurs plus chers intérêts dans la prospérité des peuples; c'est à une époque où la civilisation avancée dont s'enorgueillissent nos contemporains pourroit prodiguer ses bienfaits, pourroit améliorer sur tous les points de la terre la condition humaine, que les hommes, insensés et furieux, égoïstes et ingrats, esclaves avilis, gladiateurs féroces, préparent des pages honteuses et sanglantes à l'histoire. Ils n'offrent à leur siècle et à la postérité, au lieu de nobles et généreux efforts pour rendre les sociétés plus florissantes, que des scènes de pillages, d'assassinats, et de grands jeux funéraires.

La triste Europe, en proie à d'horribles batailles,
Célèbre follement ses propres funérailles.

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duit tant de crimes et de malheurs, la recherche des moyens qui peuvent enfin y mettre un terme, doivent fixer toutes les méditations des véritables hommes d'état et des philosophes amis de l'humanité.....

CONCLUSION.

LES TROIS MÉMOIRES POLITIQUES et les quatre FRAGMENS HISTORIQUES, qui précèdent, appartiennent essentiellement à l'histoire du règne de Napoléon. Ils servent à expliquer les dispositions et la conduite d'un grand nombre de François, qui ont pu et qui ont dù, pour obéir à leur conscience, à leur patrie et à la nécessité, le servir d'abord, l'abandonner ensuite et le désavouer, sans jamais cesser d'être constans avec eux-mêmes, et observateurs religieux de leurs devoirs les plus sacrés.

Les bons François, en effet, ont dû le servir loyalement, pendant long-temps, même sans l'estimer ni l'aimer, puisqu'il étoit reconnu, en France, comme en Europe, le chef de la nation françoise, et parce que le bonheur ou le malheur de cette nation devoit nécessairement dé

guerre,

de con

pendre du bon ou mauvais usage qu'il feroit de sa puissance. Les mêmes hommes ont pu et ont dû, lorsqu'il a rendu évidentes et publiques à la face du monde entier l'injustice et l'extravagance de ses plans de quête, de tyrannie universelle, abandonner sa devenue impie, pour n'être point complices de ses crimes, et pour sauver, s'il en étoit temps encore, leur patrie infortunée, trahie et précipitée dans l'abîme par le chef même auquel elle avoit confié le dépôt de son indépendance, de son existence et de sa gloire.

cause,

Affreuse alternative dans laquelle se sont trouvés les hommes les plus honnêtes et les plus éclairés (1)! Ils étoient réduits à la nécessité, ou de servir le tyran (et c'étoit trahir leur conscience, et contribuer à la ruine de leur pays); ou de se déclarer contre le tyran (et c'étoit à la fois exposer leur fortune, leur vie, leur réputation, leur honneur même aux yeux de la

(1) L'un d'eux, obligé de servir dans les armées une cause qu'il regardoit comme désespérée, mais surtout comme injuste et anti-françoise, exprimoit, dans les deux vers suivans, en 1813, ce que sa situation avoit de pénible et d'affreux :

J'ai connu des douleurs égales aux remords;
J'ai vécu dans l'enfer, sans aller chez les morts.

masse de la nation aveugle et trompée, qui auroit laissé condamner au dernier supplice et flétrir des noms odieux de traîtres, de rebelles, d'indignes François, les citoyens généreux qu'une indignation vertueuse eût conduits, avec Bernadotte et Moreau, dans les rangs des armées coalisées contre le chef de la France, devenu l'artisan de ses malheurs et de sa ruine.)

En 1800 et 1801, après la victoire de Marengo et le traité de Lunéville, un bon François pouvoit espérer encore que le premier Consul mettroit à profit la circonstance favorable de la paix, pour fixer l'organisation et les destinées. de la France et de l'Italie. (Voyez le Mémoire écrit et remis au général Buonaparte, en juillet 1800, sur l'Italie et sur la France.)

Au bout de quelques années, les hommes éclairés, qui avoient suivi de près la marche de Buonaparte, ne pouvoient plus se faire illusion. L'âme et les projets du Consul, qui déjà méditoit l'usurpation impériale, n'étoient plus couverts d'aucun voile à leur yeux.

Mais, la même main qui traçoit en secret pour l'histoire le jugement anticipé sur Buonaparte (Voyez le Fragment historique et politique ci-dessus, no I, écrit en juillet 1803), pouvoit, par un dernier et courageux effort, lui

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