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présenter des vérités tendantes à faire organiser, sous le nom obligé d'empire, une monarchie constitutionnelle et tempérée, seule convenable aux intérêts de la France et de son chef. (Voyez le Mémoire politique ci-dessus, écrit et remis au mois de mai 1804.)

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L'observateur patriote, qui devoit s'éloigner volontairement de la cour et des emplois supérieurs, pour n'être point le complice d'une administration violente et tyrannique, n'avoit plus d'autre moyen de servir la cause sacrée de la France et de la vérité, qu'en traçant dans l'ombre quelques lignes consacrées à l'avenir, pour se rendre compte de la nature, des causes et des progrès des malheurs publics, afin d'épier le moment où il deviendroit possible d'en arrêter le cours. Ces gémissemens étouffés d'un véritable et pur François, cette protestation énergique contre les guerres injustes, contre les fautes et les crimes qui perdoient son pays, ont inspiré l'auteur des trois derniers Fragmens, dans lesquels on voit successivement, en 1804, en 1805, en 1813, se manifester des symptômes toujours croissans de décadence. (Voyez les Fragmens II, III et IV ci-dessus.) Enfin, l'espèce de fermentation putride qui caractérise la maladie du corps social, oblige

de recourir à un moyen violent, de solliciter l'amputation d'un membre gangréné, dont l'état de corruption gagne rapidement toutes les autres parties du corps. C'est alors, en octobre 1813, que tous les liens sont rompus, qu'une sorte de dissolution morale et politique se manifeste; tous les devoirs cessent d'exister envers le coupable auteur des calamités de l'Europe. Les militaires, les administrateurs, les citoyens les plus fidèles, qui servent dans ses armées ou qui occupent des fonctions publiques dans son empire, doivent se rappeler qu'ils sont nés François, qu'ils sont hommes, avant d'être ses sujets, ses fonctionnaires ou ses soldats; et que les intérêts, le salut de la France, de l'Europe, de l'humanité commandent impérieusement de briser son glaive ensanglanté, pour empêcher les extrêmes malheurs, dont l'effrayante perspective ne peut plus échapper à l'œil le moins clairvoyant.

A cette dernière époque, le pressentiment de la ruine prochaine et entière de sa chère patrie, qu'il voudroit retenir au bord du précipice, dicte à l'auteur, devenu dans son exil, sur une terre étrangère et dans une retraite profonde, le véritable interprète de tous les bons François, le Mémoire politique intitul

LE CONSERVATEUR DE L'EUROPE, etc., qui est un appel à la justice et à la politique des souverains alliés. La même voix, qui s'est fait entendre inutilement à Buonaparte, s'adresse aux rois de l'Europe, appelés à opposer des digues aux débordemens de son ambition. (Voyez le Mémoire ci-dessus, écrit au mois d'octobre 1813.)

Certes, si ce mémoire, parvenu à sa destination, avoit pu être accueilli dans le congrès des rois, et inspirer dès ce moment toutes leurs résolutions, une déclaration franche et publique des puissances et un acte positif du congrès, propres à dissiper toutes les inquiétudes, à calmer les haînes entre les peuples, à détruire toutes les calomnies répandues en France par l'usurpateur, à fixer toutes les opinions incertaines, à rassurer la France menacée d'un démembrement, à rattacher tous les gouverne mens à des principes de modération et de sagesse, à rétablir sur des bases solides l'équilibre de l'Europe et la paix générale, auroient prévenules nouvelles batailles et les catastrophes sanglantes, qui ont signalé les deux derniers mois de l'an 1813, et les quatre premiers mois de l'an 1814.

On auroit surtout rendu impossible l'affreux

TOME IX.

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retour de l'échappé de l'île d'Elbe, qui a rappelé, en juillet 1815, l'Europe armée au milieu de la France conquise, et qui, en rallumant tous les feux d'une guerre d'extermination et toutes les passions mal éteintes entre les François, a comblé les maux des nations. européennes, et consommé les désastres de la France..

Aujourd'hui (en octobre 1815), si la sagesse peut triompher des passions; si l'expérience du passé, les souvenirs de nos longues révolutions, les leçons du malheur peuvent enfin pénétrer les âmes d'une impression profonde et salutaire, du besoin de l'union et de la paix, de la nécessité de garantir fortement les personnes et les propriétés; si les sentimens d'un vrai patriotisme succèdent à cet égoïsme corrupteur, vice anti-social et matière première de tous les vices, qui s'étoit communiqué, comme une maladie contagieuse, à tous les personnages influens dans l'état et à toutes les classes de citoyens; si la renaissance d'une religion sainte et bienveillante, comprise dans son véritable sens, ranime parmi nous les vertus morales, l'esprit de tolérance et d'humanité, nécessaire pour étouffer les germes de dissensions; si l'affection et la fidélité, qui doivent unir la nation et son roi,

les fortifient l'un par l'autre : alors la France pourra sortir honorablement de l'abîme de malheurs dans lequel des circonstances fatales et surtout les passions criminelles de ses conducteurs l'ont précipitée.

Le traité de paix, qui nous réconcilie avec l'Europe, vient d'être signé. Sans doute les conditions de ce traité nous font expier chèrement les fautes de quelques hommes. Mais, une douleur inutile nous plongeroit dans un état d'accablement qui détruiroit toutes nos forces morales. Il s'agit moins de gémir sur nos pertes, que d'apprécier nos ressources; et de nous plaindre de notre destinée actuelle, que de chercher en nous-mêmes les moyens de la rendre meilleure. Nous aurions tort d'écouter des hommes mécontens et irrités, qui nous aigrissent et qui augmentent nos malheurs au lieu de nous calmer et de verser un baume réparateur sur les plaies publiques.

Ne regrettons point quelques parties de territoire qui nous sont enlevées, ni les contributions qui doivent rembourser les frais de la guerre, ni les monumens des arts, que la victoire avoit réunis dans nos musées, et qu'elle disperse aujourd'hui dans les différentes contrées de l'Europe.

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