Page images
PDF
EPUB

gent et des hommes à l'autorité supérieure, qui ne les prenoit que pour les dévorer; la justice, la police intérieure, les finances, livrées à la même influence fiscale, ont éprouvé les mêmes atteintes et les mêmes désastres que l'agriculture, le commerce, l'industrie et les manufactures.

décimée par les

La population, plus que levées continuelles, hors de toute proportion, soit de jeunes conscrits, soit d'hommes de tout âge, entraînés par une dure et inflexible nécessité sous les drapeaux, a manqué de bras pour les campagnes, pour les ateliers, pour les arts, On a persécuté les parens, confisqué les biens, brûlé le mobilier des infortunés qui avoient voulu se soustraire à la rigueur des appels forcés, consacrés par les noms augustes et profanés de loi, d'honneur et de patrie. Le deuil et la ruine sont devenus le partage de toutes les familles.

Un simple mémoire n'est point susceptible de renfermer un tableau complet, composé de la variété infinie des faits évidens et incontestables, qui prouvent à la fois combien le sort de la France est affreux, et quelle a été l'influence de son oppression et de ses malheurs sur la destinée des autres nations. Une cruelle

expérience, trop généralisée, a pénétré tous les peuples de cette vérité, fortement sentie, dont l'histoire gravera les preuves multipliées dans des pages sanglantes. Il étoit néanmoins nécessaire de caractériser ici, avec précision, la situation actuelle du grand empire, qui expie cruellement tous les maux qu'il a faits, MALGRÉ LA VOLONTÉ de ses HABITANS DIVISÉS ET ASSERVIS, au reste de l'Europe.

Non content de livrer ses peuples au désespoir par tous les genres d'exaction et de tyrannie, le chef de la France, qui vouloit en faire l'instrument de son plan d'usurpation universelle, trouvoit aussi, dans la guerre éternellement prolongée, un moyen politique d'éloigner et de détruire tous les hommes qui pouvoient avoir quelque énergie; de détourner l'attention publique du tableau de la décadence intérieure et de la misère générale; de justifier les actes fiscaux et oppressifs de son administration, par la nécessité prétendue de subvenir aux dépenses de cette guerre, toujours dirigée ostensiblement, avec une impudente hypocrisie vers le grand but de conquérir la paix.

Au lieu de s'occuper à rendre cette paix durable et générale, lorsqu'un traité particulier avec une puissance permettoit de négocier

avec d'autres, de cicatriser les plaies de ses propres états, de s'attacher, par une administration réparatrice, bienfaisante, paternelle, les pays récemment incorporés, il a profité des intervalles pendant lesquels la guerre étoit suspendue, pour ajouter à ses vastes possessions des acquisitions nouvelles. En pleine paix, sans aucun prétexte raisonnable et légitime, par des machinations astucieuses qui n'en imposoient point aux hommes éclairés, par des moyens cachés et infâmes de corruption, ou

par

de simples décrets, il a tour à tour envahi Gênes, Parme, Lucques, la Toscane, l'État Romain, l'industrieuse Hollande, la paisible contrée du Valais, les Villes hanséatiques, etc. L'Europe, dans la stupeur, consacroit par son silence ces envahissemens successifs, qui plaçoient de nouvelles victimes sous le joug, et qui devoient fournir de nouveaux moyens pour d'autres usurpations.

C'est ainsi que chaque année de ce règne, officiellement vanté dans des gazettes vénales et mensongères, a été marquée par des calamités toujours renaissantes pour la France, ses alliés et ses ennemis. Sans remonter à l'expédition extravagante et impie de l'Egypte, dirigée en temps de paix contre un ancien et

fidèle allié, ni à l'expédition de Saint-Domingue, non moins impolitique et injuste, qui ont coûté l'une et l'autre plus de quatre-vingt mille hommes à la France, toutes ses guerres sur le continent, quoique suivies de victoires importantes et de conquêtes productives, ont achevé de ruiner et d'épuiser cette belle contrée, d'absorber sa population et ses ressources, d'allumer, sur tous les points du globe, des haines nationales contre les François, et de creuser, sous des faisceaux de lauriers, le tombeau de l'état.

:

On a beau faire la guerre et le pillage ne sont jamais de bons moyens pour restaurer les finances. La nature des choses ne permet pas heureusement que la nation conquérante échappe a la réaction des calamités qu'elle a fait peser sur les nations conquises.

Dans notre état actuel de civilisation, et d'après le droit des gens reconnu en Europe,

la

guerre, cette loterie de sang, ce fléau qui traîne tous les fléaux à sa suite, n'est jamais réputée légitime, de la part d'un gouvernement, qu'autant qu'elle est évidemment juste et nécessaire, ou, du moins, elle doit être autorisée par des motifs graves ou très-plausibles. Il étoit réservé au chef d'une nation, qui naguère

prétendoit donner des leçons de liberté et de bonheur à l'Europe, d'entreprendre la guerre sans raison ni justice, pour son seul plaisir, par caprice, par ambition, par spéculation, pour enrichir son domaine ordinaire et extraordinaire des dépouilles des peuples vaincus. En admettant même qu'il ait pu exister des raisons politiques, plus ou moins spécieuses, de la part du chef de la France, pour s'engager dans les différentes guerres dont l'Allemagne, la Prusse, la Russie ont été le théâtre, jusqu'à la sanglante bataille de Wagram, on ne peut se dissimuler que la guerre portée en Espagne, il y a déjà six années, et celle portée en Russie, vers la fin de 1812, n'aient été les effets d'une volonté capricieuse, inquiète, arbitraire, avide, insatiable de puissance, tyrannique et dominatrice.

Cette guerre sacrilège de l'Espagne, qui of– froit une spoliation publique et inouïe d'un souverain ami de la France, à l'époque même où ce monarque, trop confiant, livroit au chef des François son or, ses soldats, sa marine, ses colonies, n'avoit pu dessiller les yeux des hommes d'état, ni arracher les cabinets à leur système d'inertie. Elle n'avoit pu déterminer aucune des puissances européennes à s'opposer

« PreviousContinue »