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MÉMOIRE

ADRESSÉ PAR LES ARTISTES

DE TOUTES LES NATIONS,

RÉUNIS A ROME,

A CHACUN DES PLENIPOTENTIAIRES

D'AUTRICHE, DE RUSSIE, DE GRANDEBRETAGNE ET DE PRUSSE,

A PARIS.

Les soussignés osent présenter à .

l'expression respectueuse du vœu qu'ils forment avec la presque généralité du monde artistique,

les

Que les monumens de l'art, enlevés par François de Rome, soient restitués à leur destination antérieure et consacrée par une possession de plusieurs siècles.

Ils supplient en même temps..

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D'appuyer de sa généreuse intercession auprès de son souverain, et auprès des autres hautes puissances alliées, les observations suivantes, qui semblent justifier le

vau énoncé par les considérations du bien général qui en résultera pour les arts chez toutes les nations policées.

Rome a été considérée depuis une longue série d'années comme le centre des arts et comme leur meilleure école. Les François eux-mêmes, après avoir ramassé de tout côté ce que les arts offrent de plus précieux, et après l'avoir entassé dans leur capitale, n'ont pu se dispenser d'envoyer leurs élèves pensionnaires du gouvernement à Rome, persuadés que ce n'est que là qu'ils pouvoient atteindre à la perfection. Plusieurs artistes François ont partagé l'amertume que la transplantation de ces objets, quasi indigènes à Rome, sur un sol étranger, a causée au reste de l'Europe. Ils ont élevé publiquement leur voix contre une barbarie usitée, il est vrai, sous les anciens Romains, mais qu'alors déjà Cicéron foudroyoit de son éloquence. Ajoutons encore que les artistes les plus fameux actuellement en France datent leur perfection d'un temps antérieur à cette rapine, et que la plupart d'entre eux ont étudié à Rome.

Cette cité éternelle, par un concours de circonstances unique dans l'histoire du monde,

est devenue la capitale des arts pour tous les peuples. La nature et les arts s'y prêtent les mains pour leur perfectionnement mutuel. Tout ce qui entoure ses habitans coopère à élever l'imagination et le cœur, à former le goût de l'amateur, à renforcer le génie créateur de l'artiste. Ce dernier, libre des entraves qui compriment son essor ailleurs, et surtout en France, par l'esprit de système et de mode, et l'égarent par l'appât d'un succès du moment vers une manière fausse et mesquine, saisit ici la nature avec originalité, et n'aspire qu'à ce qui, dans les arts, est le seul vrai et le seul immuable. C'est à Rome qu'un saint recueillement et une simplicité de vie vraiment patriarcale, en sauvant l'artiste des distractions du tumulte de Paris, lui assurent une jouissance pure et tranquille des arts. Aussi n'existe-t-il ici que pour eux. Tout autre intérêt s'évanouit, si ce n'est celui de l'émulation, avec les grands modèles qu'il a journellement et à chaque pas sous les yeux, et avec cette foule d'artistes de toutes les nations qui s'élancent avec lui dans la même carrière.

Mais ce n'est pas l'artiste seul qui profitera de cette restitution des monumens antiques au siège central des arts. L'amateur y gagnera éga

lement. Ce qu'il étoit forcé naguère de considérer sous des rapports et sous des entours peu favorables, il le verra rétabli sous son sol classique et primitif, dans un cadre propre à en relever les beautés et avec ce repos d'esprit nécessaire pour jouir des arts et des antiquités, but qui ordinairement conduit seul les voyageurs à Rome.

Les soussignés originaires de différens pays, dans lesquels la plupart d'entre eux retourneront sous peu, font preuve par leurs sentimens

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ci-dessus très-humblement énoncés, et de leur universalité et de leur désintéressement personnel. Ils se flattent d'autant plus que les accueillera gracieusement lui-même, et les fera accueillir par son auguste souverain et par le reste du congrès des hautes puissances alliées. Le noble but de cette auguste réunion est d'assurer le bien général de tous les peuples civilisés; et en ajoutant lé bienfait respectueusement demandé à tant d'autres que l'Europe lui doit, elle ajoutera un nouveau titre à la reconnoissance universelle. Les François eux-mêmes ne pourront méconnoître l'utilité de cette mesure, à moins qu'ils ne soient aveuglés par l'intérêt particulier d'une étroite vanité nationale.

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Les soussignés supplient.

d'agréer les hommages de leur profond respect.

Rome, ce. . août 1815.

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Les artistes étrangers, réunis à Rome. Albert Thorwaldson, sculpteur danois; Pierre Bianchi, architecte-ingénieur suisse ; Ferdinand Berger, graveur, de Berlin; Frederic Gaertner, architecte bavarois; Charles Vogel, peintre saxon ;

W. F. Gmelin, graveur, de Carlsruhe ;
J. P. Cornelius, peintre, de Dusseldorf;
J. C. Reinhardt, peintre allemand;
Seup, architecte belge;

De Potter, Belge;

J. M. Rohden, de Cassel, peintre;
J. F. Overbeck, peintre allemand;
Fedor Matveeff, peintre russe;
J. Veit, peintre allemand;

Jousep Alvarez, sculpteur espagnol;
Rudolph Schadow, sculpteur prussien;
Guillaume Schadow, sculpteur prussien;
J. N. Byström, sculpteur suédois;
Gust. Eric Hasselgren, peintre suédois ;
L. T. Liman, architecte prussien;
J. Schaller, sculpteur autrichien ;
C. Frommel, peintre, de Carlsruhe ;

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