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l'on a vu, les uns répondre avec résignation, les autres avec zèle à l'appel qui leur étoit fait au nom de la patrie et de la loi, et un petit nombre aller au delà, et se ranger volontairement sous la bannière qui a fait le désastre de la France, mais qui n'étoit pour eux que le signal de la résistance à l'invasion étrangère.

Mais laissant là ces considérations du moment, dont l'influence ne lui survit pas, et nous arrêtant à ce qui seul est d'un empire constant et d'une force toujours nouvelle sur les hommes, et devient dès lors le véritable gage de leur moralité, nous vous prions de considérer que l'Alsacien est connu pour joindre à des mœurs frugales un grand amour pour le travail, un attachement non moins grand pour l'ordre; qu'il se porte naturellement au-devant de l'exécution de la loi,-et que même il n'a jamais hésité devant aucun sacrifice, quand il s'agit de l'utilité publique. Un tel peuple peut être surpris et égaré, par ce que les circonstances ont présenté d'extraordinaire et de compliqué; et cependant cette erreur, eût-elle été plus générale, ne prouve pas contre lui, si comme celle ci, elle n'a pas eu le temps de détruire ses habitudes anciennes et salutaires. Aussi, quel que soit le préfet que le Roi nous accorde, nous ne craignons pas de

TOME. IX,

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l'avancer, il vous rendra bon compte de notre département, dès qu'il aura pu en reconnoître les véritables dispositions.

Ce que nous disons s'applique principalement à nos campagnes, mais doit l'être en partie à l'ancienne capitale de l'Alsace. La réunion d'hommes d'origine, d'habitudes et d'états si divers, modifie nécessairement dans toutes les villes le caractère indigène; et cet effet est ressenti surtout dans les villes frontières, qui, à chaque rentrée des armées, reçoivent une ample recrue, assez peu profitable d'ailleurs, de gens qui, forcés de se faire une nouvelle existence, s'arrêtent au premier endroit où ils espèrent trouver ou plus de facilité pour assurer leur existence, ou plus de commodité pour jouir de ce qu'ils ont acquis.

Au reste, il n'est pas de grande ville où il n'existe une classe turbulente parce qu'elle ne sait pas mieux faire, qui ne fait nombre que parce que son oisiveté la multiplie partout, et sensation que parce qu'elle est bruyante. Elle usurpe ainsi le droit de décider de l'opinion, au préjudice de la partie, non-seulement la plus saine, mais aussi la plus nombreuse, qui se renferme dans ses affaires ses devoirs et sa famille. Le résultat qu'une cause générale produit partout ailleurs qu'à Stras

bourg, doit paroître plus marqué dans un pays dont les habitans, plus sages qu'énergiques, abandonnent plus facilement le champ de bataille à ceux qui cherchent à s'en emparer.

Dans cette dernière circonstance, la classe des brouillons s'est trouvée plus forte encore de l'ascendant ordinaire du militaire dans les lieux de garnison, et de l'effervescence extraordinaire à laquelle il s'est laissé entraîner.

Des hommes passionnés jugeront d'une manière plus sévère; peut-être en sera-t-il de même d'autres qui ne craignent pas de prononcer avec légèreté. L'on sait d'ailleurs combien l'on est porté à juger avec plus de défaveur ceux dont l'on diffère davantage par les usages et le langage. Cette sévérité ne pourroit-elle pas encore être inspirée par des vues intéressées, et par l'envie secrète de se faire valoir?

Nous nous permettons de la combattre, sans intérêt personnel, sans partialité pour notre pays, par le seul sentiment de la justice, qui s'oppose à ce qu'on croie qu'une population considérable et estimable sous tant de rapports, puisse refuser aux vertus, à la sagesse et aux droits de son Roi, les hommages qui leur sont dus; nous le faisons encore dans la conviction qu'une pareille méprise, qui seroit pénible à nos compatriotes, pourroit n'être

pas sans inconvénient pour le bien du service (1).

Nous ne savons si nous nous trompons, en espérant que ces dernières considérations pourront valoir à ce rapport quelques momens d'attention de votre part; mais nous osons croire, au moins, qu'un dévouement sincère nous donneroit, même s'il n'étoit pas assez discret, quelques droits à l'indulgence.

(1) Nous nous permettons d'ajouter quelques remarques à ce rapport. Il y a très-peu ou il n'y a peutêtre pas de jacobins en Alsace, qui est un pays de propriétaires; aussi les révolutionnaires de 1793 se virent-ils obligés, pour y répandre leurs principes désorganisateurs, de faire venir de l'intérieur des hordes de propagandistes; Saint-Just et Lebas avoient même le projet de transplanter dans d'autres départemens les habitans de l'Alsace, et de faire remplacer ceux-ci par des patriotes. Dans un pays où, comme en Alsace, l'aisance fixoit les individus près des lieux de leur berceau, où il y avoit peu de grands seigneurs et beaucoup de reste du système municipal, les habitans ont moins de dépendance dans le caractère, et de cet esprit qui fait courir les places et les aventures, que l'on n'en remarque dans d'autres pays de la France. Tout ceci les a menés à un grand attachement, assez général, à ce qu'ils appellent les principes purs de 1789, sans exagération. (Note de l'éditeur.)

MANIFESTE

DE

L'EMPEREUR D'AUTRICHE,

Du mois d'avril 1809 (1).

QUOIQUE le traité de paix de Presbourg portât, dans l'ensemble de ses dispositions, l'empreinte des circonstances peu favorables, qui, à l'époque où il fut signé, décidèrent S. M. l'empereur d'Autriche à faire céder toute autre considération à celle des besoins momentanés de sa monarchie, la fidélité scrupuleuse avec laquelle l'Empereur avoit rempli ses engage

(1) Nous avons donné, vol. II, pag. 455, la déclaration que la cour de Vienne publia le 27 mars 1809, et qui n'étoit pas connue en France. Il manqueroit une pièce importante à notre recueil, si nous n'y placions aussi le présent manifeste qui appartient à l'histoire du règne de Napoléon. Il fait une suite naturelle, et pour ainsi dire le complément du manifeste de la Prusse, du 9 octobre 1806, qu'on trouve vol. VII, pag. 408. La traduction françoise, d'après laquelle nous donnons ce manifeste, a paru à Vienne même.

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