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avec énergie à ces nouveaux progrès de l'usurpation qui, s'avançant comme la lave du volcan, menaçoit de les envelopper et de les ensevelir.

Enfin, la guerre de Russie et la catastrophe si funeste à la grande armée françoise, qui a terminé la campagne de 1812, ont réveillé l'Europe de sa longue léthargie. Un changement soudain s'est opéré dans les esprits; une espérance de salut a ranimé tous les courages. La France elle-même, en pleurant les pertes immenses qu'elle avoit faites dans une expédition extravagante, injuste, impolitique, impie, désavouée dans le principe par l'opinion unanime de la nation, et même de l'armée, a soulevé ses chaînes, et a commencé à croire qu'elle pourroit enfin respirer.

L'Europe étonnée a béni le génie de Pierrele-Grand, qui avoit créé, dans le dernier siècle, une nation destinée à devenir, dans celui-ci, la libératrice du continent.

La malheureuse Pologne, indignement trompée et trahie, dépouillée et dévastée par celui même qui avoit solennellement promis de lui rendre son indépendance, de la réorganiser comme nation, pour prix des flots de sang polonois versés à sa voix et par ses ordres, en

Egypte, à Saint-Domingue, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Prusse, en Russie a gémi, mais trop tard, d'avoir écouté des promesses perfides, et sacrifié ses meilleurs citoyens et l'élite de ses soldats.

La défection légitime de la Prusse, qui n'étoit que par force et avec répugnance l'alliée du chef des François, a donné le premier exemple des défections successives et contagieuses, qui ont rendu à la patrie allemande, et à la vraie cause continentale et européenne, une partie de leurs défenseurs naturels et nécessaires.

L'Autriche, après avoir vu que ni le mariage de Napoléon avec une archiduchesse de la plus ancienne maison impériale d'Europe, ni la naissance d'un fils, héritier de son vaste empire, ni la perte presque entière de son armée en Russie, et les malheurs de ses peuples et de ses alliés, ne pouvoient le ramener à des sentimens doux et pacifiques, de modération, de justice et de saine politique; après avoir tenté vainement d'interposer, à Prague, ses soins officieux pour rétablir la paix; a donné le signal à toute l'Allemagne, par un manifeste fort de modération, de raison, de sagesse et de vérité, dans lequel elle expose franchement les

motifs de sa conduite, et où l'on pourroit trouvér seulement qu'elle ménage trop l'ennemi

commun.

L'attitude de la Bavière, long-temps douteuse, a fait présumer de bonne heure qu'elle ouvroit les yeux sur ses vrais intérêts, et que la cause commune de l'Allemagne et de l'Europe l'emportoit dans son cabinet et dans le cœur de son Roi, véritable père du peuple, sur d'anciennes rivalités. Elle s'est unie aux puissances coalisées, dès qu'elle a pu le faire sans danger, pour délivrer l'Europe du joug de l'usurpateur. Elle a donné des larmes amères, mais tardives, à plus de soixante mille hommes qu'elle avoit eu l'imprudence de confier à son perfide allié, dont l'atroce politique, les exposant à dessein au feu le plus meurtrier, les a fait périr jusqu'au dernier dans les campagnes de 1812 et de 1813. Le manifeste du roi de Bavière sert de leçon aux souverains qui se livrent, avec confiance et abandon, à l'amitié d'un prince puissant et conquérant, sans honneur et sans foi,

La Saxe infortunée, qui, grâce au long séjour du chef des François dans sa capitale et dans ses provinces, n'est plus que la peau vide et sanglante d'une victime offerte en sacrifice

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(expression de Mallet-du-Pan, en parlant de l'état de la Suisse en 1798); tous les autres états de l'Allemagne, sans excepter le nouveau royaume de Westphalie, épuisés, dévastés, couverts de ruines, pour prix de leur patience, de leur soumission, de leurs sacrifices, n'aspirent qu'à briser leurs chaînes.

Le Danemarck, entraîné malgré lui dans le tourbillon du grand empire, arraché par force à sa longue et prudente neutralité, déchu par sa fausse position de son antique prospérité, qui étoit le fruit de la paix, appelle, par ses vœux, l'époque heureuse où il pourra disposer librement de lui-même.

La Suède, conduite par un prince d'un caractère généreux et chevaleresque, dont la noble ambition est de soutenir l'indépendance et la gloire de sa patrie adoptive, d'affranchir sa première patrie du joug pesant de l'étranger, d'y faire substituer au plus intolérable despotisme civil et militaire, un gouvernement légitime, régulier, national, réparateur, a fait taire, avec un entier désintéressement, le souvenir des pertes qu'elle avoit éprouvées, pour s'unir aux puissances continentales contre l'auteur de tous les maux publics. La résolution vigoureuse et les brillans succès du Prince-Royal de Suède,

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fidèle à la cause de la liberté du continent, qui a soutenu son ancienne réputation militaire, d'une date antérieure à celle même de Napoléon, en contribuant à couvrir Berlin et à sauver la Prusse, lui ont attiré les injures les plus grossières, les inculpations les plus calomnieuses, les personnalités les plus dégoûtantes, dans des articles semi-officiels de journaux stipendiés, indignes du monarque d'une nation polie et civilisée, auxquels il répond par des proclamations énergiques contre l'usurpateur, et surtout par des victoires.

Vainement le chef de la France et quelques hommes attachés à sa fortune ont affecté de crier à la trahison contre la Prusse, l'Autriche, la Bavière, la Suède........ Comme si les souverains avoient pu renoncer à la faculté de choisir librement leurs alliances, en consultant leurs vrais intérêts, la saine politique, la justice et la sagesse; comme si chacun d'eux, reconnoissant qu'il avoit été trompé, trahi par un machiavélisme odieux, n'eût pas eu le droit d'abandonner celui dont il avoit éprouvé la fourberie et la perfidie.

Le masque tombe, l'homme reste,

Et le héros s'évanouit.

La diplomatie corruptrice du cabinet domi

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