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France devoit porter le mal à son conible; et les suites en effet n'en furent que trop pernicieuses. Sous des rapports d'un ordre plus élevé, le sacrifice que dans ce moment difficile S. M. crut devoir faire au maintien de sa

tranquillité, n'étoit pas d'une moindre importance. Ce sacrifice brisoit un des liens les plus essentiels, qui jusque-là avoient cimenté les intérêts communs des différentes puissances de l'Europe; il détruisoit toutes les communications; il diminuoit les moyens de défense de ceux des états indépendans qui avoient encore conservé des ressources; il achevoit le découragement des autres; enfin, les motifs d'animosité, motifs entièrement étrangers à l'Autriche, qui avoient concouru à le faire exiger, le rendoient encore plus pénible à l'Empereur. Aussi, en consommant ce sacrifice, S. M. sentit plus vivement que jamais, combien il lui seroit difficile de fixer aux condescendances que lui prescrivoit son amour pour la paix, des limites quelconques qui pussent arrêter enfin les prétentions toujours croissantes du gouvernement françois.

Peu de temps après, les vastes projets de ce gouvernement se développèrent sous une forme nouvelle, et en apparence moins hostile pour

l'Autriche. On fit à S. M. I. des insinuations tendantes à dissoudre un grand Empire voisin et à en partager d'avance les dépouilles ; insinuations d'autant plus inattendues pour S. M., qu'elles lui venoient de la part d'un cabinet, qui n'avoit jusque-là négligé aucune occasion pour proclamer la conservation de ce même Empire, comme une des bases de son système politique. L'entreprise proposée renfermoit en elle un principe d'injustice si révoltant, que ce seul motif eût suffi pour en détourner l'Empereur; mais une saine politique et le véritable intérêt de sa monarchie lui défendoient également d'y concourir. L'augmentation de territoire qui auroit pu en revenir à S. M., ne lui parut qu'un avantage illusoire, tandis qu'un résultat plus réel et plus certain auroit été l'admission d'une armée françoise dans l'intérieur de ses états. Or, les suites que pouvoit entraîner une pareille mesure, venoient d'éclater sur un autre théâtre, dans la plus effrayante clarté.

Les évènemens qui au delà des Pyrénées ravirent le trône et la liberté à une dynastie étroitement liée à la maison d'Autriche, indépendamment des rapprochemens sinistres auxquels ils donnoient lieu, auroient déchiré le

cœur de S. M. I. Le sort cruel, qui enleva tout à la fois à une nation généreuse et magnanime, son indépendance, sa constitution, ses lois, ses princes, tout ce qu'elle avoit de plus cher, et ne lui laissa d'autre ressource que celle d'un glorieux désespoir, n'auroit pas moins douloureusement affecté l'Empereur. Mais ce qui redoubla encore l'effet que cette affreuse catastrophe devoit produire, ce furent les circonstances mémorables qui l'avoient amenée et préparée. Depuis douze ans, dans l'espoir d'obtenir, sinon la bienveillance, au moins des ménagemens de la part d'un voisin redoutable, la cour de Madrid avoit sacrifié ses forces, ses trésors, ses armées, ses flottes et ses colonies. La volonté de l'empereur Napoléon étoit aussi absolue en Espagne qu'elle l'est en France. Mais, loin de sauver par cet excès de soumission le peu d'avantages qui lui étoient restés, une indépendance de nom, la - sûreté du dedans, et la paix domestique, cette cour trouva la cause immédiate de sa ruine dans les sacrifices mal entendus par lesquels elle avoit cru en éloigner le terme. L'Empereur aussi, avoit fait au maintien d'un simulacre de paix, des sacrifices importans et réitérés; mais il s'étoit prescrit une ligne que rien

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n'avoit pu l'engager à franchir, la dignité de son trône, et le droit d'employer à sa défense tous les moyens qui étoient à sa disposition. Il les avoit soigneusement conservés. L'exemple de l'Espagne attestoit de nouveau que ces deux points une fois abandonnés, rien ne peut plus arrêter la chute des états. Dans la situation où se trouvoit l'Autriche, ce terrible exemple ne pouvoit manquer de produire son effet tout entier. Une armée de deux cent mille hommes cernoit cette monarchie, et n'attendoit qu'un signal pour l'envahir. Le principe, que tout devient juste et légitime dès que l'intérêt de l'empereur Napoléon a parlé, venoit d'être formellement établi et proclamé dans des rapports officiels; et la conquête de la partie occidentale de l'Europe une fois consomméc par celle du Portugal et de l'Espagne, sans que les désirs inquiets d'une ambition, pour laquelle le continent tout entier semble trop étroit, se trouvassent satisfaits, il étoit naturel de prévoir que ses coups les plus prochains seroient dirigés contre la puissance autrichienne. Les craintes et les pressentimens de l'Europe étoient parfaitement d'accord sur cet objet.

Ce qui se passoit alors en Italie, donnoit un

nouveau poids à tant de sinistres présages. Ce vaste cercle de domination, que l'on désignoit tantôt par le titre de Nouveau système fedératif, tantôt par celui plus expressif encore de Grand Empire, renfermoit depuis long-temps la totalité des états d'Italie. Ce n'etoit pas assez. La soumission devoit être plus complète; elle devoit embrasser les détails comme l'ensemble. Le pape, guidé par le sentiment de scs devoirs, avoit résisté à une suite de prétentions qui blessoient, et sa dignité comme chef de l'Eglise, et ses anciens droits comme souverain. Aussitôt avoit disparu tout respect dû à son auguste personne, respect auquel ceux-là même qu'un pouvoir absolu rendoit sourds à toute autre considération, pouvoient se croire tenus par égard pour cette grande partie de la chrétienté, qui voit en lui un père commun. Les pays qui, après toutes les spoliations précédentes, étoient encore restés au pape, furent saisis; la ville de Rome devint le siège d'un gouvernement militaire, et il fut notoire pour l'univers, que Sa Sainteté, dans sa propre résidence, étoit traitée comme un prisonnier d'état. Les provinces de l'état ecclésiastique furent incorporées au royaume d'Italie, en même temps que l'on réunit à la France les

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