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lités réelles, ce n'étoit là qu'un ajournement forcé. La résolution d'en venir le plus tôt possible à un parti définitif, étoit arrêtée; les rapports entre l'Autriche et la France avoient pris un caractère décidé ; et tout espoir d'un changement réel dans ces rapports étoit interdit, puisque l'empereur Napoléon avoit attaché le maintien de la paix à des conditions tellement inadmissibles, qu'elles ne pouvoient plus même devenir l'objet d'une délibération.

Dès le mois d'août on se porta à plusieurs mesures qui firent présager une explosion soudaine. Les princes allemands, soumis à la volonté de la France, furent sommés de fournir des troupes au delà même de leur contingent, de les rassembler dans des camps, de les tenir prêtes à entrer en campagne. Ce que par un aveuglement prémédité on appeloit «<les arme<< mens de l'Autriche, » fut allégué comme le motif de ces mesures. A la même époque les armées françoises firent des mouvemens, dont la direction et le but parurent d'abord enveloppés d'un nuage. Pendant plusieurs semaines les frontières autrichiennes furent exposées aux plus vives inquiétudes; et déjà, depuis Lisbonne jusqu'à Constantinople, de nombreux

agens françois proclamoient la chute prochaine de cette monarchie.

Pour cette fois l'orage s'éloigna. Mais voulant profiter de ce premier moment d'alarme, le gouvernement françois demanda à Sa Majesté de reconnoître sans réserve et sans délai, comme roi d'Espagne, le prince qui, en dépit de l'opposition la plus violente et la plus unanime du peuple espagnol, venoit d'être nommé pour occuper ce trône. L'appât attaché à cette proposition étoit l'offre de procéder à une nouvelle dislocation des troupes françoises, et de les retirer des frontières autrichiennes, pour les placer dans une autre position qui eût été également dangereuse, quoiqu'un peu plus éloignée de ses frontières. Mais Sa Majesté étoit déjà instruite que, loin de se rapporter, soit à des dispositions plus favorables pour l'Autriche, soit à un retour sincère vers des sentimens modérés et pacifiques, ce changement de dislocation, et le départ même d'une partie de ses troupes, n'étoient dûs qu'à la nécessité de les employer sur un autre théâtre. Dès lors lat reconnoissance du nouveau roi d'Espagne n'étoit plus une mesure indispensable; et comme d'ailleurs les objections les plus fortes la com

battoient de toutes parts, Sa Majesté se crut autorisée à ne pas y donner de suite. Cependant, dans les négociations même qui eurent lieu à ce sujet, le vou, toujours également sincère de la part de Sa Majesté, d'éviter tout ce qui pourroit fournir au cabinet des Tuileries un juste motif de mécontentement, fut prononcé de la manière la moins équivoque.

Le séjour de l'empereur Napoléon à Erfurt acheva d'éclairer sur le véritable état des choses, sans les présenter sous des couleurs plus rassurantes. Tout ce qui alors fut mis en avant, tout ce que l'on reprocha à l'Autriche, tout ce que l'on exigea d'elle pour l'avenir, en se portant aux menaces les plus outrageantes, ne fut qu'un commentaire perpétuel de la note du 30 juillet. Loin d'en désavouer ni le fond ni la forme, l'empereur Napoléon fit valoir, comme preuve d'une modération singulière, et plus encore comme effet de sa condescendance pour l'intervention amicale d'un souverain étranger, « d'avoir épargné l'Autriche jusque-là.

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L'expédition d'Espagne amena une trève de quelques mois. Mais à peine l'empereur Napoléon se crut-il sûr jusqu'à un certain point de la conquête de ce malheureux pays, que l'orage éclata contre l'Autriche avec un redoublement de

TOME IX.

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conservation oublioient leurs devoirs au point de se prêter eux-mêmes à la démolition de ses derniers remparts. L'empereur Napoléon n'a pu se méprendre sur le sens de la demande qu'il faisoit à l'Autriche, et il ne se seroit jamais permis de l'articuler si les suites qu'elle devoit nécessairement entraîner n'étoient pas d'avance entrées dans ses calculs. Quoi que l'on ait pu, quoi que l'on puisse faire, pour dénaturer le point de vue simple et vrai sous lequel on doit envisager l'évènement actuel, il ne subsistera contre l'Autriche qu'une seule accusation, à laquelle elle n'ait rien à répondre. Avoir voulu conserver son indépendance dans un temps où tant d'autres états étoient condamnés à plier sous le joug, voilà le grand tort, le tort impardonnable de cette puissance.

L'empereur Napoléon a protesté en plus d'une occasion, «qu'il ne demandoit rien à l'Autriche. » Le sens exact de cette phrase n'est pas difficile à saisir : L'Autriche doit se féliciter d'avoir sauvé pour le moment, et jusqu'à nouvel ordre, la stricte intégrité de son territoire mais dépouillée de tous les attributs qui en faisoient la force et le prix, mais sans nulle espèce de garantie pour l'avenir, sans l'ombre de cette influence politique, qui appartient à une grande

puissance, sans voix dans les affaires générales de l'Europe. Réduite à ses simples termes, l'assurance, que e, que l'on ne cesse de répéter, se trouve encore suffisamment démentie par une suite de faits incontestables, et surtout par la prétention inouie de qualifier d'actes hostiles des mesures uniquement destinées à protéger ce même territoire, que l'on veut bien ne pas disputer à l'Autriche. Mais enfin fùt-elle aussi vraie qu'elle est évidemment contraire à la vérité, cette assurance n'en serviroit pas moins à caractériser, mieux que tous les raisonnemens, la véritable situation de l'Autriche, et l'état général de l'Europe.

L'Empereur se voit forcé de recourir aux armes, parce que le devoir de conserver son trône lui défend de se soumettre à la condition dont le gouvernement françois veut faire dépendre le maintien de la paix; parce qu'il se sent impérieusement appelé à protéger, contre une agression depuis long-temps projetée, annoncée plus d'une fois, et enfin parvenue à sa maturité, les pays et les peuples que la Providence a confiés à ses soins; parce qu'il croit avoir assez pénétré dans les pensées et les vœux de ses sujets pour être assuré qu'il n'en est aucun qui ne soit disposé à faire les der

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