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niers efforts plutôt que de voir se consommer un acte de suicide politique, amené par une lâche soumission.

L'Empereur, en prenant cette résolution, est rempli d'un sentiment de confiance, que doivent partager tous ceux qui se préparent à combattre pour sa cause. Le parti que S. M. a dû embrasser est en lui-même d'une justice rigoureuse; mais l'Empereur jouit encore de la satisfaction inappréciable de le voir universellement reconnu pour tel. La modération de ses principes, son horreur pour les guerres sans objet, ses longs et pénibles efforts pour prévenir l'explosion actuelle, sont si connus, les desseins de l'ennemi si peu équivoques, et les circonstances, dont l'enchaînement fatal a conduit à cette triste extrémité, si peu susceptibles d'être dénaturées, qu'il faudroit que la vérité et la justice eussent entièrement disparu de la terre, pour qu'il pût y avoir deux opinions sur les causes et les auteurs des maux qui se préparent.

Le grand objet de Sa Majesté est de mettre un terme à cet état de crise et d'agitation dans lequel la monarchie autrichienne s'est constamment débattue depuis trois ans ; état qui, sous 1 vain nom de paix, perpétue toutes les charges,

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tous les sacrifices, et tous les dangers d'une guerre réelle et désastreuse, et d'arriver enfin à une situation qui assure à Sa Majesté et à ses peuples les bienfaits d'une véritable paix. Mais ce but ne sauroit être atteint, aussi long-temps que des armées étrangères, sous quelque titre ou prétexte que ce soit, pourront tenir la monarchie dans un état de siège continuel; il ne sauroit être atteint, aussi long-temps que les rapports politiques et militaires des états environnans seront tels, qu'il suffise d'un signal donné au loin, pour faire répandre l'alarme d'une invasion hostile sur toute la ligne des frontières autrichiennes ; et que l'on puisse par des démonstrations, soit réelles, soit simulées, ou simplement par l'attitude menaçante de corps nombreux, toujours prêts à combattre, forcer à chaque instant l'Empereur à des mesures de précaution ruineuses, et à des armemens dont le retour fréquent épuiseroit les ressources de l'état.

La sûreté de l'Autriche ne sauroit donc point s'établir sur une base isolée. Elle tient directement à tout ce qui constitue la situation politique des pays qui l'avoisinent; elle ne tient pas moins à l'ensemble des rapports fédératifs qui composent le système de l'Europe. Ce n'est

que dans l'indépendance de ses entours, indépendance entièrement incompatible avec des prétentions de suprématie universelle, de quelque côté qu'elles puissent venir, que l'Autriche trouvera une garantie complète de la sienne. Le sort de ses entours, et notamment de l'Allemagne et de l'Italie, ne peut donc jamais être regardé par l'Autriche comme un objet étranger ou indifférent. Son intérêt est trop étroitement lié aux intérêts de ces pays, sa position centrale lui a créé des points de contact trop nombreux et trop importans, et la place qu'elle a occupée pendant des siècles dans toutes les grandes affaires de l'Europe, l'a trop amalgamée avec le système général de cette partie du monde, pour que, sans la blesser à mort, on puisse la détacher de ce système.

Les sentimens et les vœux de l'Empereur sont parfaitement d'accord avec ces principes. Après le devoir de veiller à la conservation de son trône, et au bien-être de ses propres sujets, Sa Majesté n'en connoît point de plus sacré que celui de s'intéresser de tout son pouvoir, au repos, à la prospérité, à la juste indépendance de ses voisins. Jamais l'Empereur ne se croira autorisé à se mêler des affaires intérieures d'une autre puissance, ni à se constituer juge de son

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système de gouvernement, de ses institutions, de ses mesures administratives, ou du dévelop, pement de ses forces militaires. Mais il demande une juste réciprocité. Étranger à toute jalousie, l'Empereur n'envie à aucun souverain, sa grandeur, sa gloire, ou son influence légitime; il ne proteste que contre les prétentions exclusives, principes d'alarmes perpétuelles, etsources de guerres interminables. Ce n'est pas la France, dont la conservation et le bonheur seront toujours pour Sa Majesté un objet du plus vif intérêt; c'est l'accroissement progressif d'un système qui, sous le titre indéfini d'Empire françois, prétend ne plus reconnoître d'autre loi que la sienne, que l'on doit accuser de tous les bouleversemens, de tous les malheurs qui affligent l'Europe. Ces malheurs auront leur terme, et tous les vœux de Sa Majesté seront remplis, du moment qu'à la place de ce système exclusif, on verra régner la modération, la justice, l'indépendance réciproque de toutes les puissances, les égards pour les droits de chacun, le respect pour la sainteté des traités, et la prépondérance des idées pacifiques. Tel est le régime, qui seul peut rassurer l'Autriche, qui seul peut sauver et consolider l'ordre social.

L'Empereur s'en remet à la Providence pour les moyens qui conduiront à l'accomplissement des vœux équitables qu'il vient d'exprimer, et pour la mesure de succès qu'il peut s'en promettre. Mais, dès ce moment, Sa Majesté n'hésite pas à déclarer, qu'en faveur même du premier de ses intérêts, en faveur du maintien de sa monarchie, jamais elle ne prétendra, jamais elle ne se prêtera à aucune mesure qui puisse attaquer les droits reconnus, l'indépendance et la sûreté d'un autre état quelconque; et que, si le succès de ses armes répond à la pureté de ses intentions, les résultats, qui rendront à l'Autriche une garantie suffisante pour son intégrité et sa tranquillité future, assureront également les vrais intérêts de ses voisins, et le salut commun de l'Europe.

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