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neutre, comme la marchandise neutre, sous pavillon ennemi, est ennemie.

Les seules marchandises que ne couvre pas le pavillon, sont les marchandises de contrebande, et les seules marchandises de contrebande sont les armes et les munitions de guerre.

Toute visite d'un bâtiment neutre par un bâtiment armé, ne peut être faite que par un petit nombre d'hommes, le bâtiment armé se tenant hors de la portée du canon.

(

Tout bâtiment neutre peut commercer d'un' port ennemi à un port ennemi, et d'un port ennemi à un port neutre.

Les seuls ports exceptés sont les ports réellement bloqués, et les ports réellement bloqués sont ceux qui sont investis, assiégés, en prévention d'être pris, et dans lesquels un bâtiment de commerce ne pourroit entrer sans danger.

Telles sont les obligations des puissances belligérantes envers les puissances neutres ; tels sont les droits réciproques des unes et des autres; telles sont les maximes consacrées par les traités qui forment le droit public des nations. Souvent l'Angleterre osa tenter d'y substituer des règles arbitraires et tyranniques. Ses injustes prétentions furent repoussées par

tous les gouvernemens sensibles à la voix de l'honneur et à l'intérêt de leurs peuples. Elle se vit constamment forcée de reconnoître dans ses traités, les principes qu'elle vouloit détruire, et quand la paix d'Amiens fut violée, la législation maritime reposoit encore sur ses anciennes bases.

Par la suite des évènemens, la marine angloise se trouva plus nombreuse que toutes les forces des autres puissances maritimes. L'Angleterre jugea alors que le moment étoit arrivé où, n'ayant rien à craindre, elle pouvoit tout oser. Elle résolut aussitôt de soumettre la navigation de toutes les mers aux mêmes lois que celle de la Tamise.

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fut en 1806 que commença l'exécution de ce système, qui tendoit à faire fléchir la loi commune des nations devant les ordres du conseil et les réglemens de l'amirauté de Londres.

La déclaration du 15 mai anéantit d'un seul mot les droits de tous les états maritimes, mit en interdit de vastes côtes et des empires entiers. De ce moment, l'Angleterre ne reconnut plus de neutres sur les mers.

Les arrêts de 1807 imposèrent à tout navire l'obligation de relâcher dans un port anglois, quelle que fût sa destination, de payer un

tribut à l'Angleterre, et de soumettre sa cargaison aux tarifs de ses douanes.

Far la déclaration de 1806, toute navigation avoit été interdite aux neutres; par les arrêts de 1807, la faculté de naviguer leur fut rendue, mais ils ne durent en faire usage que pour le service du commerce anglois, dans les combinaisons de son intérêt et à son profit.

Le gouvernement anglois arrachoit ainsi le masque dont il avoit couvert ses projets, proclamoit la domination universelle des mers, regardoit tous les peuples comme ses tributaires, et imposoit au continent les frais de la guerre qu'il entretenoit contre lui.

Ces mesures inouïes excitèrent une indignation générale parmi les puissances qui avoient conservé le sentiment de leur indépendance et de leurs droits. Mais à Londres, elles portèrent au plus haut degré d'exaltation l'orgueil national; elles montrèrent au peuple anglois un avenir riche des plus brillantes espérances. Son commerce, son industrie devoient être désormais sans concurrence; les produits des deux mondes devoient affluer dans ses ports, faire hommage à la souveraineté maritime et commerciale de l'Angleterre, en lui payant un droit d'octroi, et parvenir ensuite aux autres

nations, chargés de frais énormes, dont les seules marchandises angloises auroient été affranchies.

V. M. aperçut d'un coup-d'œil les maux dont le continent étoit menacé. Elle en saisit aussitôt le remède. Elle anéantit par ses décrets cette entreprise fastueuse, injuste, attentatoire à l'indépendance de tous les états et aux droits de tous les peuples.

Le décret de Berlin répondit à la déclaration de 1806. Le blocus des îles britanniques fut opposé au blocus imaginaire établi par l'Angleterre.

Le décret de Milan répondit aux arrêts de 1807; il déclara dénationalisé tout bâtiment neutre qui se soumettroit à la législation angloise, soit en touchant dans un port anglois, soit en payant tribut à l'Angleterre, et qui renonceroit ainsi à l'indépendance et aux droits de son pavillon: toutes les marchandises du commerce et de l'industrie de l'Angleterre furent bloquées dans les îles britanniques ; le système continental les exila du continent.

Jamais acte de représailles n'atteignit son objet d'une manière plus prompte, plus sûre, plus victorieuse. Les décrets de Berlin et de Milan tournèrent contre l'Angleterre les armes

qu'elle dirigeoit contre le commerce universel. Cette source de prospérité commerciale qu'elle croyoit si abondante, devint une source de calamités pour le commerce anglois; au lieu de ces tributs qui devoient enrichir le trésor, le discrédit toujours croissant frappa la fortune de l'état et celle des particuliers.

Dès que les décrets de V. M. parurent, tout le continent prévit que tels en seroient les résultats s'ils recevoient leur entière exécution; mais, quelque accoutumée que fût l'Europe à voir le succès couronner vos entreprises, elle avoit peine à concevoir par quels nouveaux prodiges V. M. réaliseroit les grands desseins qui ont été si rapidement accomplis. V. M. s'arma de toute sa puissance; rien ne la détourna de son but. La Hollande, les villes anséatiques, les côtes qui unissent le Zuyderzée à la mer Baltique, durent être réunies à la France et soumises à la même administration et aux mêmes règlemens conséquence immédiate, inévitable de la législation du gouvernement anglois. Des considérations d'aucun genre ne pouvoient balancer dans l'esprit de V. M. le premier intérêt de son empire.

Elle ne tarda à recueillir les avantages pas

de cette importante résolution. Depuis quinze

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