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quelques développemens sur ce sujet sont peutêtre nécessaires pour rendre plus évidentes et

d'un seul homme, devenu, par des circonstances inouïes, et par une étonnante force de volonté, le chef suprême d'un grand peuple et l'arbitre des destins de plusieurs états; l'aveuglement, la confiance, osons le dire, la politique timide et pusillanime des cabinets les plus influens qui auroient pu arrêter de bonne heure les progrès du conquérant, ont changé une foule de biens précieux, faciles à semer et à recueillir, en fléaus et en calamités, dont un siècle entier ne réparera pas les suites funestes.

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Et cependant, Télémaque, ce bréviaire des rois, étoit là pour les éclairer, s'ils avoient voulu de bonne foi ouvrir les yeux, et regarder leur situation et leur adversaire. L'histoire, l'expérience étoient là et présentoient leurs leçons éloquentes et terribles. Quelques hommes vrais, courageux, dévoués, qui sacrifioient leurs intérêts personnels de faveur, de fortune, d'avancement, qui compromettoient leur sûreté même et leur vie pour servir fidèlement leur patrie et leur gouvernement, que trahissoient des courtisans et des flatteurs comblés d'honneurs et de richesses, étoient là et faisoient entendre le langage respectueux, mais austère, de la vérité.

Pourquoi les chefs des états ne veulent-ils, le plus souvent, ni lire, ni penser, ni écouter, ni écouter, ni voir? pourquoi craignent-ils la vérité, qui seule pourroit affermir leur autorité? Henri IV dut une partie de la grandeur

plus profitables les leçons de l'expérience, et pour montrer aux puissances que leurs dangers

et de la gloire de son règne à la courageuse franchise de Sully.

Les rois et leurs ministres vivent dans un tourbillon qui les entraine. Ils sont environnés d'une atmosphère empoisonnée de flatteries et de mensonges. Ceux qui ont le plus de génie naturel demeurent volontairement aveugles, sourds et ignorans. Voilà les véritables causes de leurs malheurs et des nôtres.

FÉNÉLON, dans sou Télémaque et dans ses Directions pour la conscience d'un roi; MASSILLON, dans les éloquens discours dont le Petit Caréme se compose; MARCAURÈLE, empereur philosophe et ami des hommes, dans ses belles Pensées; TACITE, et quelques historiens penseurs, dans leurs pages souvent sanglantes; les célèbres HUME, ROBERTSON et GIBBON, dans leurs ouvrages clas siques; notre LA FONTAINE, dans ses fables, qui renferment tant de vérités profondes, ingénieusement voilées ou énergiquement exprimées; MONTESQUIEU, dans ses Considérations sur la décadence des Romains, et dans son Esprit des Lois; SISMONDI, dans son Tableau si instructif des Républiques italiennes du moyen áge; tant d'écrivains distingués et judicieux, anciens et modernes, qui ont exposé aux gouvernemens et aux nations leurs véritables intérêts,.. seront-ils donc toujours la voix dans le désert: Vox clamantis in deserto?..... (Note de l'auteur.)

les plus imminens leur viennent d'elles-mêmes, et qu'il dépend d'elles de s'en garantir.

Un écrivain judicieux, dont les conseils, trop dédaignés, tendoient à prévenir les calamités qui ont accablé l'Europe, s'exprimoit ainsi, en octobre 1798 (il y a quinze ans, en 1813), et traçoit d'avance le tableau fidèle des évènemens politiques survenus depuis cette époque et dans ce long intervalle.

"....... Il est pénible d'observer que la situation déplorable de la Suisse conquise et opprimée peut, d'un jour à l'autre, devenir celle de la plus grande partie de l'Europe; placée entre une paix contrainte et une guerre nécessaire, elle participe aux dangers de l'une et de l'autre, sans jouir des avantages ordinaires de la première, ni des chances qui pourroient naître de la seconde.....

« Qu'espérer d'un état de paix qui exclut le principe conservateur de notre indépendance et de notre tranquillité ?

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Il y a moins de risque à braver la haine d'un gouvernement conquérant et oppresseur, qu'à solliciter et à cultiver son amitié. Les effets de celle-ci ne sont plus un problème : chacun sait aujourd'hui ce qu'il en coûte de se rappro

cher d'une puissance qui opprime par ses traités autant que par ses armes, et qui n'accorde jamais la paix qu'avec l'intention de revenir sur son ennemi, jusqu'à ce qu'elle l'ait désarmé et désorganisé.

« Qu'ont valu aux puissances pacifiques ou pacifiées leurs désertions de la cause générale?

« Il est difficile de concevoir une situation plus déplorable que celle où l'empire germanique s'est réduit par sa désunion, par son égoïsme, par sa recherche persévérante de la paix, par l'étalage de ses éternelles négociations, qui ont donné la mesure de sa foiblesse.

<< La politique des chefs de la France n'a d'autre élément que de diviser pour conquérir, d'autre but que d'arriver à la domination unipar le bouleversement universel, et d'autre frein que la crainte à laquelle elle a réduit tous les mobiles du gouvernement.

verselle

« Dans les conjonctures présentes, reculer la difficulté, ce n'est pas la résoudre, c'est au contraire l'aggraver. L'empereur d'Allemagne n'a pas perdu une bataille, sans que le contrecoup ne portât sur le trône du roi de Prusse; gouvernement de France n'a pas obtenu une conquête ou une concession, sans ébranler les colonnes de toute souveraineté.

le

A quelle cause la Prusse doit-elle son calme passager? A son indifférence sur les ravages d'une tempête qui s'approche d'elle dans une rapide progression. Occupé de détruire l'Europe en détail, le gouvernement françois ne trouble point ce sommeil précieux d'un souverain intimidé, tandis qu'il abat républiques et monarchies. Bientôt, armé de leurs débris, de leur population, de leurs richesses, il écrasera la puissance isolée qui aura vu de sang-froid emporter tous les bastions de sa sûreté....

Attila, dit Montesquieu, faisoit un trafic continuel de la frayeur des Romains. Fit- on jamais des accords avec les tremblemens de terre?.....

« Telle est l'influence contagieuse et soporifique du fanatisme continental,..... que chacun place quelque espérance de salut personnel à côté du malheur général.

<< Au tourment de l'incertitude se joint un affaissement moral qui éteint jusqu'à la volonté de s'en délivrer. Les illusions et les terreurs se succèdent dans la même journée.....

« Loin d'ajourner de misérables différends > loin de se réunir contre l'ennemi commun, et d'appeler l'univers à leur secours pour s'en défendre et l'écraser, des souverains tendent la

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