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peuples placés sous sa dépendance à n'avoir aucun moyen de s'y soustraire.

Mais, la mollesse et la désunion des puissances du continent ont surtout paralysé toutes les mesures de résistance et de conservation; elles ont servi plus efficacement aux succès de l'ennemi commun, que les forces puisées dans ses propres états.

Si nous voyons la maison d'Autriche seule dans les champs de Marengo; si nous la retrouvons encore abandonnée à ses seules forces, avant la paix éphémère de Lunéville; si nous arrêtons nos regards sur le cabinet prussien, inactif et irrésolu, tandis qu'en 1805 et 1806 le chef des François conduisoit son armée dans le cœur de la monarchie autrichienne; si la Russie a cru pouvoir, à la même époque, rester indifférente sur le sort de l'Allemagne, en imitant l'insouciance de l'Autriche, qui avoit livré sans défense à leur destinée les Suisses, les Grisons, la Valteline, le Piémont, la Ligurie, l'état de Parme, la Toscane, l'état de l'Eglise, le royaume de Naples; si, l'année d'après, en 1807, l'Autriche, croyant user de représailles, a vu d'un œil calme et insensible la ruine de la Prusse; enfin, si la Prusse et la Russie ont à leur tour laissé porter, en 1809, de nouvelles

atteintes, presque mortelles, à l'auguste chef de l'empire germanique, réduit à défendre ses possessions héréditaires ; les hommes sages ont dû déplorer l'aveuglement profond et l'entraînement irrésistible des cabinets, et prévoir, en gémissant, le nouveau déluge de calamités qui n'a pas tardé à fondre sur le continent.

Le silence absolu des cabinets, lors de l'invasion armée de l'Espagne et de la détention arbitraire de son infortuné monarque, par un acte de perfidie sans exemple depuis la renaissance de la civilisation et du droit des gens en Europe; l'indifférence profonde, avec laquelle les rois ont vu dépouiller et chasser de leurs états les souverains de Naples, du Portugal, de la Hesse, et le chef de l'Eglise, etc.; la suppression improvisée du royaume de Hollande, d'où Napoléon a expulsé son propre frère, qui a dù se réfugier sur les terres de la maison d'Autriche, tandis qu'un autre de ses frères étoit forcé à chercher un asile au sein même de l'Angleterre ; l'occupation du Vallais, des villes anséatiques, etc., faite d'un trait de plume, à la face de l'Europe, sans qu'il s'élevât aucune réclamation en faveur du foible opprimé; cette condescendance inexplicable t inouïe, qui toléroit tant de brigandages po

litiques, qui paroissoit légitimer tous les envahissemens, toutes les spoliations; qui laissoit rompre tous les liens entre les gouvernemens et les peuples; qui laissoit dépouiller les premiers du droit de souveraineté, et vendre les autres à l'encan comme de vils troupeaux, sembloient autant de symptômes d'une prochaine dissolution de l'Europe, autant de signes affligeans d'un

Esprit de vertige et d'erreur,

De la chute des rois funeste avant-coureur.

On a éprouvé les conséquences du système d'inaction et d'inertie, d'égoïsme et d'isolement; on a ouvert les yeux; le voile qui les couvroit s'est dissipé. Ce réveil de l'Europe, et le changement inattendu qui s'est opéré dans sa politique, ont donné des espérances fondées de salut.

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Mais, à l'époque même où tous les souverains réveillés sur leurs trônes chancelans ont unanimement pris les armes pour se défendre on a encore persisté dans quelques fausses démarches, ou suivi des mesures qu'au roient dû faire rejeter une sage politique et une connoissance approfondie de l'état des choses et de la disposition des esprits en France et en Europe.

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On a méconnu la puissance de l'opinion, les avantages de la publicité, que ne doit pas craindre la diplomatie, lorsqu'elle a des vues pures, nobles et élevées ; enfin, les vrais intérêts des peuples, en négligeant de manifester hautement des propositions de paix raisonnables et modérées, qui auroient mis à nu l'exagération et l'injustice des prétentions du dominateur, qui auroient isolé de sa cause, même dans ses armées, tous ceux qu'une ambition personnelle et une sorte de complicité n'y auroient pas étroitement attachés.

On n'a point solennellement désavoué le projet imputé à la coalition d'avoir en vue le démembrement et la dissolution de la France. Tous les François se feront tuer jusqu'au dernier pour empêcher que leur patrie soit déchirée en lambeaux et livrée à l'étranger; aucun François ne prodiguera son sang, s'il est évidemment démontré et généralement reconnu, qu'on ne se bat que pour conserver ou pour étendre les conquêtes de l'usurpateur.

Enfin, il étoit peut-être impolitique, sous plusieurs rapports, d'appeler le général Moreau dans les armées combinées, et de le présenter aux armées françoises, placé dans les rangs de leurs ennemis. C'étoit mal connoître

le caractère françois et l'esprit de l'armée; c'étoit compromettre, sans aucun résultat d'utilité possible, ni même probable, la gloire l'influence, la vie d'un homme précieux, dont on auroit pu tirer plus tard un grand parti dans d'autres circonstances.

Il a paru nécessaire d'exposer sans déguisement tout ce que les hommes sages et impartiaux ont jugé nuisible aux intérêts de la cause commune. Mais, il s'agit moins aujourd'hui de s'appesantir sur les fautes commises, que d'en apprécier les effets pour s'en garantir, et d'aviser aux moyens de les réparer.

III.

Indication des moyens réparateurs.

LES moyens réparateurs consistent essentiellement dans l'union entre les puissanses alliées, dans la loyauté, la modération, le désintéressement, qui peuvent leur concilier des amis et des partisans; dans la constance, l'énergie et la fermeté, seules propres à déjouer les projets de leur audacieux et infatigable ennemi, Celui-ci compte encore sur la désunion, l'isolement, le découragement, la foiblesse des

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